La tentation socialiste d’un pas au centre
Le nouveau président du PS, Gérard Deshusses, plutôt modéré et consensuel, va-t-il recentrer le parti? Rien n’est moins sûr. Car les défis à venir sont de nature à raviver les divisions entre son aile gauche et son poids gouvernemental
On a connu le PS genevois plus immédiatement combatif. Alors que les Verts se mobilisent contre le projet de réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA), avec Ensemble à gauche et les syndicats, la tête du PS serre les lèvres. Elle se retranche derrière la décision qui sera prise par l’assemblée générale à fin octobre. Seul le député Romain de Sainte-Marie prend le risque de défendre le compromis fédéral.
Qu’est-ce qui vaut au PS cette retenue? La personnalité de son nouveau président, Gérard Deshusses? «Il est plus modéré que sa prédécesseur Carole-Anne Kast, confirme un élu socialiste. Il a aussi moins d’ambition pour la suite.» Un autre camarade: «Cette présidence devrait être plus plan-plan et consensuelle. De nature à calmer les esprits à l’interne, mais pas à positionner le parti de manière ambitieuse.» De fait, l’intéressé ne se reconnaît pas l’étoffe du Lider Maximo: «Je veux défendre les lignes du parti. La vice-présidente, Caroline Marti, s’occupera des dossiers courants, et je mènerai un travail de réflexion sur les grands thèmes.» Inutile, donc, de demander à Gérard Deshusses ce qu’il pense de RFFA ou de la Caisse de prévoyance de l’Etat. Parmi les sujets qui lui tiennent à coeur, il cite, au débotté, la traversée du lac, le développement de l’Aéroport ou le logement.
«Renforcer l’unité»
Si les mauvais esprits diront qu’il ne prend pas de risques en visant cet horizon temps, ce serait oublier qu’il a aussi autre chose derrière la tête: «Par ces réflexions de fond, il s’agit de renforcer l’unité du parti.» Celui-ci est en effet tiraillé au mieux, divisé au pire, entre une aile aimantée par Ensemble à gauche, sorte de surmoi du PS, et une aile plus centriste, renforcée par l’accession d’un second socialiste au Conseil d’Etat; entre des militants galvanisés par les syndicats et des élus plus modérés. «Ensemble à gauche est le fantasme du PS, reconnaît un socialiste. Certains se disent que si on était moins raisonnable, on serait comme eux. Chez nous, l’insulte suprême, c’est d’être à droite.» Ensemble à gauche ne s’y trompe pas, dont les attaques vont plus souvent vers le PS que vers le PLR: «Si le PS ne se rallie pas au référendum contre RFFA, il tournera le dos aux autres forces de gauche du canton, dit Jean Batou, député d’Ensemble à gauche. Pire, il devra porter les projets à venir de ses deux conseillers d’Etat, et que nous combattrons avec la dernière énergie. Un désastre pour lui!»
Pour le politologue Pascal Sciarini, le positionnement du PS sera moins le fait de la présidence que la conséquence de données structurelles: «Le PS craint de se faire dépasser par sa gauche. Il est tiraillé entre être un parti gouvernemental ou dans l’opposition.» Un grand écart qui s’illustre avec RFFA, où les Verts débordent le PS sur sa gauche. Ce qui éloigne la perspective d’un pas au centre. ▅