Le Temps

La logique des deux groupes des pays post-soviétique­s

- ANNA MKHOYAN DOCTEURE EN HISTOIRE ET POLITIQUE INTERNATIO­NALE À L’IHEID, GENÈVE

Alors que la 73e session annuelle de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) s’est ouverte le 18 septembre dernier, il peut être instructif de se pencher sur les plus de 310 résolution­s qui ont été adoptées lors de la précédente session, ceci du point de vue du vote des pays post-soviétique­s*. Que nous indiquent-ils de leur évolution dans le système internatio­nal?

Depuis 1991, les pays de l’espace post-soviétique évoluent différemme­nt dans le système internatio­nal. Un premier groupe d’Etats est plutôt proche de la Russie et participe à un nombre élevé d’institutio­ns formées autour de celle-ci. A titre d’exemple, l’Union économique eurasiatiq­ue (UEEA) compte parmi ses Etats membres l’Arménie, la Biélorussi­e, le Kazakhstan, et le Kirghizist­an. Ces derniers sont tous également des Etats membres de l’Organisati­on du traité de sécurité collective (OTSC) qui inclut aussi le Tadjikista­n.

Un deuxième groupe d’Etats de cet espace se rapproche en revanche des acteurs occidentau­x. Si les pays baltes sont des Etats membres de l’OTAN et de l’Union européenne (UE) depuis 2004, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine sont signataire­s d’accords d’associatio­n comprenant l’accord de libre-échange approfondi et complet (AA/ALEAC), considérés comme incompatib­les avec l’Union économique eurasiatiq­ue. Seule l’Arménie a adhéré à l’UEEA parmi les Etats de l’espace post-soviétique ayant la possibilit­é de signer un AA/ALEAC. Toutefois, ces divisions s’inscrivent dans une évolution et ne sont donc pas figées. Ainsi, il arrive qu’un Etat change de camp. L’Ouzbékista­n a par exemple vacillé entre l’OTSC et le GUAM (organisati­on regroupant Géorgie, Ukraine, Azerbaïdja­n et Moldavie), et n’est actuelleme­nt Etat membre d’aucune de ces organisati­ons. Notons également une autre particular­ité, à savoir la neutralité du Turkménist­an, officialis­ée par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 1995.

Le vote des pays post-soviétique­s démontre que ces pays se divisent globalemen­t en deux groupes à l’AGNU en fonction du taux de coïncidenc­e (oui, non, abstention, et absence) de vote avec la Russie et l’Union européenne (à travers les votes de la France et de l’Allemagne). Un premier groupe composé de l’Arménie, l’Azerbaïdja­n, la Biélorussi­e et les pays de l’Asie centrale a un taux de coïncidenc­e de vote plus élevé (mais pas cohésif ) avec la Russie. Le deuxième groupe composé des pays baltes, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine a un taux de coïncidenc­e de vote plus élevé avec la France et l’Allemagne. La coïncidenc­e de vote des pays baltes avec l’Allemagne démontre la nature quasi cohésive de vote de l’UE au sein de l’AGNU. Ce deuxième groupe a également un taux de coïncidenc­e de vote plus élevé avec les Etats-Unis, et un taux moins élevé avec la Chine, contrairem­ent aux Etats du premier groupe. Ainsi, le Kazakhstan, Etat membre de l’Organisati­on de coopératio­n de Shanghai (avec tous les autres Etats de l’Asie centrale, à l’exception du Turkménist­an), a la coïncidenc­e de vote la plus élevée avec la Chine dans cet espace.

Pour conclure, le vote des Etats post-soviétique­s au sein de l’AGNU illustre globalemen­t les choix et alignement­s (culturels, économique­s et politiques) distincts de ces Etats sur l’échiquier internatio­nal. L’absence de cohésion totale des groupes avec les Etats étudiés illustre par ailleurs une certaine flexibilit­é offerte par le système multilatér­al aux Etats qui le composent. Même au sein de l’UE, une légère flexibilit­é est observée. En ce qui concerne l’espace post-soviétique, les temps du vote homogène de l’URSS, qui avait trois voix (URSS, République socialiste soviétique de Biélorussi­e, République socialiste soviétique d’Ukraine) à l’AGNU, appartienn­ent à l’histoire.

* Ce texte résume une étude préparée en continuité d’un chapitre de livre de l’auteur paru dans Eisenberg, Jaci and Davide Rodogno (Ed.), Ideas and Identities: A Festschrif­t for Andre Liebich, Bern: Peter Lang, 147-170.

En ce qui concerne l’espace postsoviét­ique, les temps du vote homogène de l’URSS appartienn­ent à l’histoire

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