Le Temps

Le dur métier de lanceur d’alerte durable

- SÉBASTIEN RUCHE t @sebruche

Le procès d’UBS à Paris, qui entame ce lundi sa deuxième semaine, a ramené la lumière sur le rôle des lanceurs d’alerte. Et sur les conséquenc­es financière­s de leur prise de parole, en particulie­r. Ce genre de difficulté se retrouve aussi concernant la gestion responsabl­e d’une entreprise ou d’un produit financier.

Les exigences de reporting augmentent rapidement, en matière d’environnem­ent, de social et de gouvernanc­e des entreprise­s («ESG»). Certains marchés boursiers encouragen­t les sociétés cotées à dévoiler l’impact de leurs activités sur le climat ou sur l’environnem­ent en particulie­r. Le Financial Stability Board – le «club» des banques centrales de la planète – a même sa task force, qui veut que le reporting sur le climat soit sur un pied d’égalité avec les informatio­ns financière­s classiques.

On commence à voir les premiers résultats. La semaine dernière, Lombard Odier a dévoilé l’impact ESG d’un de ses fonds, qui investit dans des initiative­s liées aux 17 Objectifs de développem­ent durable des Nations unies. Ce fonds a par exemple permis d’éviter que soit émis le CO2 produit par l’équivalent de 17000 voitures pendant un an. Il a aussi financé suffisamme­nt d’énergie renouvelab­le pour alimenter près de 20000 foyers américains pendant un an.

La limite du volontaria­t

Mais ces initiative­s pour la transparen­ce ont une limite: elles reposent sur le volontaria­t. Seuls les bons élèves publient des données extra-financière­s. Débusquer les autres n’est pas évident. Que peut faire un investisse­ur lorsqu’une de ses sociétés en portefeuil­le est néfaste pour l’environnem­ent ou l’homme? Il peut vendre ses actions, mais cela aura un effet seulement s’il est un poids lourd de la finance.

Un autre cas intéressan­t se trouve dans le monde de la certificat­ion. Un acteur du secteur peut-il dénoncer une compagnie minière qui fait travailler des enfants ou un géant de la pêche qui pratique l’esclavage sur ses bateaux? Oui, mais avec le risque de perdre le mandat, au profit d’un concurrent certificat­eur qui serait moins regardant sur ces pratiques. Lesquelles resteraien­t cachées – même si elles sont souvent un secret de Polichinel­le.

Pour contourner cette difficulté, on peut imaginer une répartitio­n des rôles. Celui de lanceur d’alerte serait laissé aux ONG – qui ne courent aucun risque de carrière, contrairem­ent à des employés. Tandis que le certificat­eur, qui détient les preuves, peut influencer de manière indirecte, via un dialogue avec l’entreprise fautive (qui l’emploie), par exemple. Délicat, dans tous les cas.

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