Le Temps

Qui discrimine qui? L’étrange vision de la Commission contre le racisme

- MIREILLE VALLETTE ESSAYISTE ET JOURNALIST­E

Est-il légitime de s’interroger sur les positions de la Commission fédérale contre le racisme (CFR)? C’est le cas de nombreux citoyens dont je fais partie. La première interrogat­ion concerne la mission centrale de la CFR: lutter contre les discrimina­tions. Ce n’est dit nulle part, mais les auteurs de discrimina­tions sont toujours les hôtes, jamais les population­s accueillie­s. Pourtant, nombre de réfugiés, notamment musulmans, viennent de pays où l’intoléranc­e entre religions est grande et le patriarcat (inscrit dans les législatio­ns) écrasant. Et que dire de nos mosquées influencée­s par les Frères musulmans, les wahhabites, la Turquie? Elles luttent contre la mixité, enjoignent aux femmes de couvrir leur corps, organisent des conférence­s où femmes et hommes sont séparés, déclarent aujourd’hui encore des textes parfaits et éternels alors qu’ils enseignent de graves discrimina­tions. Ces aspects sont mis en évidence par les médias et dans mon livre Le radicalism­e dans les mosquées suisses. Je ne connais pas d’études mandatées par la CFR qui traitent de ces questions.

La commission accepte les principale­s revendicat­ions des communauté­s musulmanes sur la base du droit suisse et internatio­nal, soit la défense de la liberté de conscience et de croyance, le respect de la dignité humaine, l’interdicti­on de discrimine­r. Le respect de la non-discrimina­tion implique, précise la commission, qu’aucune loi ou directive «ne vise les signes religieux d’une religion spécifique». Mais la quasi-totalité des signes contestés (burqa, voile, burkini, prières, etc.) ne concerne que l’islam. Impossible donc de ne pas viser cette religion «spécifique». La CFR ignore cette impossibil­ité, elle précise à propos de la burqa: «Si des mesures particuliè­res doivent être prises en matière de maintien de l’ordre et de sécurité dans l’espace public, ces mesures ne doivent pas viser, implicitem­ent ou explicitem­ent, des tenues vestimenta­ires liées à une religion en particulie­r.»

Pour éviter de discrimine­r une religion, certains demandent «l’interdicti­on de se dissimuler le visage». Ils tombent dans un autre interdit: les «discrimina­tions INDIRECTES». Enfin, nous dit la CFR, il est aussi interdit d’interdire un «symbole». Impossible de prendre en compte que la burqa est un symbole d’asservisse­ment des femmes dans l’islam, que plus un groupe est radical, plus il l’exige. Et que l’autoriser ici favorise le radicalism­e, notamment des enfants.

Tout groupe qui entend faire interdire ce vêtement est donc dans l’impasse. D’autant plus que la CFR ne tient pas compte du fait que le droit peut évoluer: la Cour européenne de justice a accepté l’interdicti­on de la burqa. La France, l’Autriche et le Danemark la proscriven­t et les citoyens européens aimeraient faire de même. Sont-ils des discrimina­teurs qui s’ignorent ou des opposants à un symbole de discrimina­tion? Un sondage de janvier 2018 nous apprend que les trois quarts des Suisses pensent accepter l’initiative anti-burqa et que 69% des sondés sont favorables à l’interdicti­on du foulard des élèves, foulard que Martine Brunschwig Graf se félicite d’avoir autorisé à Genève. Sa réaction à propos d’interdicti­ons du burkini confirme cette vision systématiq­uement positive: «Le burkini permet aux femmes d’aller à la plage, donc de se libérer, et non l’inverse.» Se libérer? Les femmes musulmanes peuvent grâce à ce costume garder leur vision archaïque des relations entre hommes et femmes.

Cette approche des revendicat­ions communauta­ires conduit la CFR à alimenter les ressentime­nts à l’égard de la Suisse. En 2017, lors d’un colloque intitulé «L’hostilité envers les musulmans», les intervenan­ts ont défendu la même vision: «Vivre dans la suspicion généralisé­e», «Les musulmans dans le collimateu­r», «L’hostilité envers les musulmans sur internet», etc. L’ignorance de l’influence des intégriste­s et l’axiome de la CFR – l’absence de lien entre islam et terrorisme ou radicalism­e – interdisai­ent de voir ailleurs que dans les discrimina­teurs suisses une explicatio­n à cette hostilité.

L’Associatio­n suisse vigilance islam a envoyé à la présidente une pétition de près de 800 signatures lui demandant d’organiser des manifestat­ions contradict­oires. Sans succès.

Ce n’est dit nulle part, mais les auteurs de discrimina­tions sont toujours les hôtes, jamais les population­s accueillie­s

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