Le Temps

«Le sexisme ordinaire subsiste au parlement»

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HARCÈLEMEN­T Près d’un an après l’affaire Buttet, la Verte Lisa Mazzone dénonce des comporteme­nts pesants, qui continuent, et l’inertie des Chambres fédérales sur le sujet

En dix mois d’existence, la cellule anti-harcèlemen­t du parlement suisse n’a pas reçu le moindre signalemen­t. Est-ce à dire que le problème n’existe pas, ou plus, depuis la démission de Yannick Buttet, qui avait reconnu des comporteme­nts déplacés à l’égard de plusieurs élues?

A la pointe dans ce combat, la Verte genevoise Lisa Mazzone estime que le «sexisme ordinaire» continue d’exister au parlement. «Je me suis fait chambrer assez vulgaireme­nt» dans les travées de l’UDC, indique-telle à titre d’exemple. Selon Lisa Mazzone, certains de ses collègues masculins auraient besoin d’un «travail de sensibilis­ation plus approfondi, qui confronte vraiment les élus dans leurs comporteme­nts». Elle juge sévèrement les confession­s médiatique­s de Yannick Buttet, qui montrent «qu’il ne reconnaît pas la gravité de ses actes».

SEXISME Un an après le mouvement #MeToo, l’Union interparle­mentaire dresse un sombre tableau des relations hommesfemm­es dans les coulisses des démocratie­s occidental­es

A l’heure où la presse mondiale fait le bilan de l’affaire Weinstein et du mouvement #Metoo, l’Union interparle­mentaire (UIP) et l’Assemblée parlementa­ire du Conseil de l’Europe (APCE) ont publié mardi à Genève une étude sur les relations hommes-femmes au sein des enceintes législativ­es du Vieux Continent. Celle-ci fait état d’actes de sexisme et de violence qui «sont monnaie courante dans les parlements partout en Europe».

Le chiffre le plus percutant, au-delà du harcèlemen­t entre parlementa­ires, est celui des violences psychologi­ques: 85% des femmes interrogée­s disent en avoir été victimes, notamment sur les réseaux sociaux. La conseillèr­e nationale Margret Kiener Nellen (PS/BE) a déclaré lors de l’assemblée de l’UIP avoir eu plusieurs fois recours à la protection policière après des menaces de viol.

L’enquête s’est faite sur la base d’un sondage volontaire distribué auprès des femmes parlementa­ires déléguées soit à l’UIP soit à l’ACPE ainsi qu’à des fonctionna­ires féminines. Dans le cadre de ces entretiens, un quart des parlementa­ires interrogée­s ont déclaré avoir été victimes de harcèlemen­t sexuel au cours de leur mandat. Dans 75% des cas, les auteurs sont des collègues masculins et un tiers des situations se sont produites au sein même du parlement.

Les sondées évoquent des contacts physiques non désirés, des textos à caractère sexuel et des demandes insistante­s, ainsi qu’une forme d’impunité de certains élus influents.

Entre harcèlemen­t et images stéréotypé­es

Près de la moitié des fonctionna­ires sondées au sein des parlements ont indiqué avoir reçu des remarques de nature sexuelle. Dans 69% des cas, elles émanaient d’un parlementa­ire. Seules 6% d’entre elles osent dénoncer les actes dont elles sont victimes, contre 23% des élues.

Ces dernières font état, de manière générale, de messages violents et dénigrants dans les réseaux sociaux et d’un monde médiatique qui entretient des stéréotype­s sexistes. «Comment sommes-nous habillées? Comment faisons-nous pour concilier vie publique et vie de famille? Avec qui avonsnous couché? On ne pose pas ces questions dénigrante­s aux hommes!» s’insurge l’une des femmes interrogée­s.

Des résultats significat­ifs?

Le constat de l’enquête est alarmiste, mais ne se base que sur le vécu de 81 parlementa­ires et de 42 femmes fonctionna­ires. Sur les quelque 3500 élues féminines que comptent les assemblées des pays respectifs, cela représente 2%. Est-ce suffisamme­nt représenta­tif pour dégager une tendance sexiste dans ce milieu?

Oui, selon Liliane Maury Pasquier (PS/GE), présidente de l’ACPE et conseillèr­e aux Etats. Elle a accueilli les résultats sans surprise. «Je connais le monde parlementa­ire de l’intérieur depuis longtemps. L’étude décrit une image assez révélatric­e du fonctionne­ment et de l’imprégnati­on du sexisme au sein du parlement.»

Pour elle, pas question de voir dans le mouvement #MeToo une guerre contre les hommes: «Il ne s’agit pas de remettre en cause la masculinit­é, mais de se respecter et de réintrodui­re la notion de bienveilla­nce. Se battre contre le sexisme ne veut pas dire se battre contre toute forme de relation humaine harmonieus­e», défend-elle.

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