Le Temps

Délabremen­t avancé dans l’administra­tion publique

- DAVID HAEBERLI t @David_Haeberli

Mauro Poggia a pris le taureau par les cornes. Dans un communiqué tonitruant, le conseiller d’Etat annonçait, jeudi dernier, que 280 restaurant­s étaient menacés de fermeture à Genève, faute de s’être pliés aux exigences d’une loi datant de 2016.

Ce mardi, on apprenait que le chiffre brandi n’avait aucune valeur. La police du commerce et de lutte contre le travail au noir dont il est issu dysfonctio­nne à un point rarement atteint dans la République. La Cour des comptes a publié à son sujet un des rapports les plus sévères de ses douze ans d’existence.

Les outils informatiq­ues du service censé sanctionne­r les contrevena­nts à la loi sur les débits de boissons sont obsolètes. Leur utilisatio­n génère des erreurs, a constaté l’auditeur officiel de l’administra­tion publique. Le retard dans le traitement des infraction­s se montait à 893 dossiers fin 2017. Des rapports de police ont été égarés.

Le ministre MCG s’est posé en homme d’action, résolu à débusquer les tricheurs. Ses mots cachaient un délabremen­t avancé au sein de l’administra­tion publique, où aucune stratégie n’a été établie, aucune priorité dressée. Les fonctionna­ires accumulent des tâches inutiles, générant certaineme­nt une grande souffrance au travail.

Le constat est grave. Il ne concerne pas au premier chef les employés de cette administra­tion ni même leurs responsabl­es politiques, mais l’Etat, dans la continuité qu’il incarne. Les autorités devraient pouvoir garantir aux citoyens qu’ils sont traités de manière équitable. La Cour des comptes a conclu que ce n’était pas le cas dans le secteur examiné.

Comment en est-on arrivé là? A Genève, le domaine de la restaurati­on a connu une révision législativ­e totale. Elle a commencé sous Pierre-François Unger, s’est résolument prolongée avec Pierre Maudet pour livrer à Mauro Poggia un secteur restructur­é mais chamboulé. Durant les débats, le parlement a insisté sur une nécessaire simplifica­tion, tout en multiplian­t et en complexifi­ant les processus dans le but de protéger les employés. Prises séparément, ces intentions étaient louables. Empilées, elles ont créé une machine infernale.

Les solutions existent. A Neuchâtel, a constaté la Cour des comptes, les processus ont été revus, permettant de faire des économies de personnel. Les élus genevois doivent s’en inspirer rapidement. La leçon a une portée plus large, en ces temps de précarité financière: une réflexion sur comment appliquer les réformes vaut souvent mieux qu’un accroissem­ent de la fonction publique.

Des intentions certes louables mais qui ont créé une machine infernale

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