Délabrement avancé dans l’administration publique
Mauro Poggia a pris le taureau par les cornes. Dans un communiqué tonitruant, le conseiller d’Etat annonçait, jeudi dernier, que 280 restaurants étaient menacés de fermeture à Genève, faute de s’être pliés aux exigences d’une loi datant de 2016.
Ce mardi, on apprenait que le chiffre brandi n’avait aucune valeur. La police du commerce et de lutte contre le travail au noir dont il est issu dysfonctionne à un point rarement atteint dans la République. La Cour des comptes a publié à son sujet un des rapports les plus sévères de ses douze ans d’existence.
Les outils informatiques du service censé sanctionner les contrevenants à la loi sur les débits de boissons sont obsolètes. Leur utilisation génère des erreurs, a constaté l’auditeur officiel de l’administration publique. Le retard dans le traitement des infractions se montait à 893 dossiers fin 2017. Des rapports de police ont été égarés.
Le ministre MCG s’est posé en homme d’action, résolu à débusquer les tricheurs. Ses mots cachaient un délabrement avancé au sein de l’administration publique, où aucune stratégie n’a été établie, aucune priorité dressée. Les fonctionnaires accumulent des tâches inutiles, générant certainement une grande souffrance au travail.
Le constat est grave. Il ne concerne pas au premier chef les employés de cette administration ni même leurs responsables politiques, mais l’Etat, dans la continuité qu’il incarne. Les autorités devraient pouvoir garantir aux citoyens qu’ils sont traités de manière équitable. La Cour des comptes a conclu que ce n’était pas le cas dans le secteur examiné.
Comment en est-on arrivé là? A Genève, le domaine de la restauration a connu une révision législative totale. Elle a commencé sous Pierre-François Unger, s’est résolument prolongée avec Pierre Maudet pour livrer à Mauro Poggia un secteur restructuré mais chamboulé. Durant les débats, le parlement a insisté sur une nécessaire simplification, tout en multipliant et en complexifiant les processus dans le but de protéger les employés. Prises séparément, ces intentions étaient louables. Empilées, elles ont créé une machine infernale.
Les solutions existent. A Neuchâtel, a constaté la Cour des comptes, les processus ont été revus, permettant de faire des économies de personnel. Les élus genevois doivent s’en inspirer rapidement. La leçon a une portée plus large, en ces temps de précarité financière: une réflexion sur comment appliquer les réformes vaut souvent mieux qu’un accroissement de la fonction publique.
Des intentions certes louables mais qui ont créé une machine infernale