Démissions en cascade à SolidaritéS
GENÈVE En grève militante depuis six mois, les élus municipaux Ariane Arlotti, Morten Gisselbaek, Maria Pérez et Tobia Schnebli quittent la formation d’extrême gauche pour rejoindre le Parti du travail
C’est l’épilogue d’une longue crise interne. Chez SolidaritéS, l’une des formations d’Ensemble à gauche, le torchon brûle depuis plusieurs mois. En cause: un conflit de travail qui a opposé Maria Pérez à Pablo Cruchon – tous deux militants et employés du secrétariat du parti – et dont les ramifications ont impacté tous les membres. Une conciliation, un rapport interne et une grève militante plus tard, quatre élus semblent avoir atteint un point de non-retour: ils ont annoncé lundi leur démission en bloc. Ils siégeront désormais au Conseil municipal sous la bannière du Parti du travail, également membre de la coalition d’extrême gauche.
Dans une lettre ouverte, les démissionnaires, Ariane Arlotti, Morten Gisselbaek, Maria Pérez et Tobia Schnebli, déplorent l’«aboutissement regrettable» de leur grève qui visait à faire reconnaître les torts subis par Maria Pérez – notamment du harcèlement psychologique de la part de Pablo Cruchon. En lieu et place d’une écoute constructive, ils affirment s’être retrouvés face à un «mur infranchissable», à une «mise au ban» orchestrée par l’organe décisionnel de SolidaritéS. «Un rapport conclut au fait que Maria Pérez a bel et bien été atteinte dans sa personnalité par les emportements de Pablo Cruchon, affirme Tobia Schnebli, amer au moment de rendre son badge après plus de vingt-cinq ans d’engagement. Malgré tout, SolidaritéS n’a pas vouluprendre les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise plus. Face à ce déni de justice et de démocratie, nous n’avions d’autre choix que de nous retirer.»
Pire, la «non-gestion» de la crise révèle selon lui les luttes de pouvoir à l’oeuvre au sein du parti. «Les principes d’égalité et de transparence prônés par Solidarités ne sont pas appliqués à l’interne, déplore Tobia Schnebli. La crise a mis en lumière un fonctionnement miné par les inégalités de genre.» De son côté Maria Pérez a décidé de poursuivre le combat aux prud’hommes.
Dans un communiqué, la Coordination de SolidaritéS prend acte des démissions et affirme avoir tout mis en oeuvre pour «avancer vers une résolution du conflit». Elle déplore les «affabulations des quatre élus» ainsi que «leur incapacité à prendre part de manière constructive à la recherche d’un terrain d’entente».
Politiquement, cette guerre ouverte a déjà fait des dégâts. En février dernier, au coeur de la crise, la situation était devenue intenable pour Pablo Cruchon, qui avait dû renoncer à sa candidature au conseil d’Etat genevois, privant ainsi les électeurs d’un représentant. Plus largement, Ensemble à gauche est presque devenue coutumière des luttes intestines. A l’automne 2016, à l’issue d’un débat psychodrame sur la laïcité, une poignée de dissidents claquaient la porte de la coalition pour former le nouveau Parti radical de gauche.
Les électeurs d’Ensemble à gauche ne sont-ils pas les grands lésés de ces bisbilles? «Je ne pense pas, répond Tobia Schnebli. L’intérêt supérieur est sauf. Le poids du parti au Conseil municipal reste le même (ndlr 8 élus), nous continuerons à effectuer le mandat qui nous a été confié.» Il n’empêche, l’image renvoyée n’est pas des plus rassurantes. «Nous tentons de régler nos problèmes de manière transparente. Certains conflits peuvent engendrer des débats salutaires.»
Sur Facebook, la discussion continue. «Quelle désolation… C’est la logique de la préservation de l’image du parti #SolidaritéS qui a prédominé envers celle de la défense des idéaux mêmes du mouvement», déplore un internaute. «Respect, salue une autre. Après plus de 20 ans d’engagement, c’est ça le courage politique.» Tout le monde ne semble pas de cet avis. «Le vrai courage politique, cela aurait été de quitter Ensemble à gauche et de siéger en indépendants… Passer au PdT qui est de toute façon à la botte de SolidaritéS, ça ne change pas grand-chose.»
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