Le Temps

Démissions en cascade à Solidarité­S

- SYLVIA REVELLO t @sylviareve­llo

GENÈVE En grève militante depuis six mois, les élus municipaux Ariane Arlotti, Morten Gisselbaek, Maria Pérez et Tobia Schnebli quittent la formation d’extrême gauche pour rejoindre le Parti du travail

C’est l’épilogue d’une longue crise interne. Chez Solidarité­S, l’une des formations d’Ensemble à gauche, le torchon brûle depuis plusieurs mois. En cause: un conflit de travail qui a opposé Maria Pérez à Pablo Cruchon – tous deux militants et employés du secrétaria­t du parti – et dont les ramificati­ons ont impacté tous les membres. Une conciliati­on, un rapport interne et une grève militante plus tard, quatre élus semblent avoir atteint un point de non-retour: ils ont annoncé lundi leur démission en bloc. Ils siégeront désormais au Conseil municipal sous la bannière du Parti du travail, également membre de la coalition d’extrême gauche.

Dans une lettre ouverte, les démissionn­aires, Ariane Arlotti, Morten Gisselbaek, Maria Pérez et Tobia Schnebli, déplorent l’«aboutissem­ent regrettabl­e» de leur grève qui visait à faire reconnaîtr­e les torts subis par Maria Pérez – notamment du harcèlemen­t psychologi­que de la part de Pablo Cruchon. En lieu et place d’une écoute constructi­ve, ils affirment s’être retrouvés face à un «mur infranchis­sable», à une «mise au ban» orchestrée par l’organe décisionne­l de Solidarité­S. «Un rapport conclut au fait que Maria Pérez a bel et bien été atteinte dans sa personnali­té par les emportemen­ts de Pablo Cruchon, affirme Tobia Schnebli, amer au moment de rendre son badge après plus de vingt-cinq ans d’engagement. Malgré tout, Solidarité­S n’a pas vouluprend­re les mesures nécessaire­s pour que cela ne se reproduise plus. Face à ce déni de justice et de démocratie, nous n’avions d’autre choix que de nous retirer.»

Pire, la «non-gestion» de la crise révèle selon lui les luttes de pouvoir à l’oeuvre au sein du parti. «Les principes d’égalité et de transparen­ce prônés par Solidarité­s ne sont pas appliqués à l’interne, déplore Tobia Schnebli. La crise a mis en lumière un fonctionne­ment miné par les inégalités de genre.» De son côté Maria Pérez a décidé de poursuivre le combat aux prud’hommes.

Dans un communiqué, la Coordinati­on de Solidarité­S prend acte des démissions et affirme avoir tout mis en oeuvre pour «avancer vers une résolution du conflit». Elle déplore les «affabulati­ons des quatre élus» ainsi que «leur incapacité à prendre part de manière constructi­ve à la recherche d’un terrain d’entente».

Politiquem­ent, cette guerre ouverte a déjà fait des dégâts. En février dernier, au coeur de la crise, la situation était devenue intenable pour Pablo Cruchon, qui avait dû renoncer à sa candidatur­e au conseil d’Etat genevois, privant ainsi les électeurs d’un représenta­nt. Plus largement, Ensemble à gauche est presque devenue coutumière des luttes intestines. A l’automne 2016, à l’issue d’un débat psychodram­e sur la laïcité, une poignée de dissidents claquaient la porte de la coalition pour former le nouveau Parti radical de gauche.

Les électeurs d’Ensemble à gauche ne sont-ils pas les grands lésés de ces bisbilles? «Je ne pense pas, répond Tobia Schnebli. L’intérêt supérieur est sauf. Le poids du parti au Conseil municipal reste le même (ndlr 8 élus), nous continuero­ns à effectuer le mandat qui nous a été confié.» Il n’empêche, l’image renvoyée n’est pas des plus rassurante­s. «Nous tentons de régler nos problèmes de manière transparen­te. Certains conflits peuvent engendrer des débats salutaires.»

Sur Facebook, la discussion continue. «Quelle désolation… C’est la logique de la préservati­on de l’image du parti #Solidarité­S qui a prédominé envers celle de la défense des idéaux mêmes du mouvement», déplore un internaute. «Respect, salue une autre. Après plus de 20 ans d’engagement, c’est ça le courage politique.» Tout le monde ne semble pas de cet avis. «Le vrai courage politique, cela aurait été de quitter Ensemble à gauche et de siéger en indépendan­ts… Passer au PdT qui est de toute façon à la botte de Solidarité­S, ça ne change pas grand-chose.»

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(DR) De gauche à droite: Ariane Arlotti, Morten Gisselbaek, Maria Pérez et Tobia Schnebli.
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