Le Temps

L’acte II du quinquenna­t Macron attendra

- RICHARD WERLY, PARIS t @LTwerly

FRANCE Le remaniemen­t ministérie­l annoncé n’a rien d’un électrocho­c. Emmanuel Macron a préféré conforter son camp. Sur la gauche, Jean-Luc Mélenchon enrage d’être mis en cause pour ses comptes de campagne présidenti­elle

Ceux qui avaient annoncé un «Acte II» du quinquenna­t Macron ont perdu leur pari. Attendu depuis la brusque démission de Gérard Collomb du Ministère de l’intérieur le 2 octobre, le remaniemen­t ministérie­l français – qu’Emmanuel Macron a pourtant défendu hier soir à la télévision – n’a rien d’un électrocho­c politique. Le président et son premier ministre, Edouard Philippe (issu de la droite), ont au contraire accouché d’une équipe gouverneme­ntale sans surprise, tant du point de vue des personnali­tés concernées que de leur positionne­ment politique ou profession­nel.

L’idée de personnali­tés issues de la société civile semble avoir fait long feu

La nomination la plus en vue est celle de Christophe Castaner à la place Beauvau, le siège du Ministère de l’intérieur à quelques pas du palais présidenti­el de l’Elysée. Cet élu méridional de 52 ans, l’un des premiers socialiste­s à avoir rallié Emmanuel Macron avec… Gérard Collomb, était jusque-là ministre des Relations avec le parlement et principal dirigeant du parti majoritair­e à l’Assemblée nationale, La République en marche (LRM). Il sera assisté du responsabl­e du renseignem­ent intérieur, Laurent Nuñez, nommé secrétaire d’Etat. Le médiatique Castaner était aussi cité comme chef de file potentiel de la liste macronienn­e aux élections européenne­s de fin mai 2019, prochaine échéance électorale importante. Emmanuel Macron, qui sera ce mercredi à Bruxelles pour un sommet européen consacré au Brexit, puis pour le sommet Europe-Asie (auquel le président de la Confédérat­ion, Alain Berset, participer­a vendredi), devra donc vite trouver une figure de proue pour ce scrutin.

Aucun autre ministre, nouvel entrant ou promu, n’est une figure de proue. L’idée de personnali­tés issues de la société civile, sur le modèle de l’animateur de télévision Nicolas Hulot, démissionn­aire du Ministère de la transition écologique en septembre, semble avoir fait long feu. C’est à des profession­nels de la politique, peu connus du grand public mais spécialisé­s sur les dossiers ministérie­ls dont ils auront la charge, que le chef de l’Etat français s’est adressé.

Un suspense éloquent

A la Culture, l’éditrice Françoise Nyssen (ex-patronne des Editions Actes Sud) est remplacée par un député de la droite modérée, Franck Riester, connu pour son activisme sur ces sujets. A l’Agricultur­e, un ancien socialiste, Didier Guillaume, sénateur de la Drôme, remplace Stéphane Travert que Nicolas Hulot avait pris pour cible, le désignant comme «l’homme des lobbies» de l’agroalimen­taire et de la chasse. Sujet clé pour le président perçu comme un pur produit de la mondialisa­tion urbaine: les territoire­s sont confiés à une femme de terrain, parlementa­ire centriste au verbe haut: Jacqueline Gourault.

Plus que la compositio­n du gouverneme­nt français, c’est le suspense autour de sa formation qui aura été éloquent. Deux semaines durant, le tandem à la tête de l’exécutif a patiné pour, au final, accoucher d’un casting très ordinaire et très «vieux monde», puisqu’il repose sur des politicien­s profession­nels, souvent rodés aux mandats locaux. La donne du pouvoir hexagonal reste dès lors inchangée: tout va continuer de reposer sur «Jupiter-Macron» et sur sa capacité à convaincre le pays du bien-fondé de ses réformes. Un exercice de plus en plus compliqué vu la conjonctur­e économique difficile et les convulsion­s populistes en Europe.

Preuve de la volatilité du climat politique français, l’actualité du remaniemen­t a été chassée, mardi, par la colère du leader de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, furieux des perquisiti­ons policières opérées à son domicile et dans les locaux de son parti dans le cadre d’une enquête ouverte sur le financemen­t de sa campagne présidenti­elle. Le leader de La France insoumise a fait le buzz avec la mise en ligne d’une vidéo de lui-même lors de l’interventi­on, pourtant légale et très prudente, des forces de police.

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