Le Temps

Un rapport accable la police du commerce genevoise

- DAVID HAEBERLI t @David_Haeberli

La Cour des comptes critique le service qui contrôle les activités des restaurant­s, taxis et hôtels à Genève. Outils obsolètes, amendes mal calculées, dossiers perdus: le constat est sévère. Mauro Poggia l’admet et annonce une révision législativ­e

Pour les magistrats de la Cour des comptes, il s'agit d'une des quatre situations les plus critiques qu'ils ont identifiée­s depuis 2007, date de création de l'auditeur public, en termes de lacunes de gouvernanc­e. Le travail présenté ce mardi portant sur le secteur juridique de la police du commerce donne un aperçu de l'état dégradé de cette administra­tion.

«Une tonalité d’alerte»

«Notre rapport a une tonalité d'alerte, a dit Isabelle Terrier, chargée de cet audit. Nous avons identifié de nombreux dysfonctio­nnements: les retards dans le traitement des dossiers sont importants, des erreurs sont commises dans les sanctions infligées, sur 110 rapports de police 43 n'ont pas été retrouvés. Aucune réflexion sur les améliorati­ons possibles n'y a été menée depuis 2010, date de notre premier rapport sur ce domaine.»

La police du commerce et de la lutte contre le travail au noir (PCTN) octroie des autorisati­ons d'exercer dans les domaines de la restaurati­on, de l'hôtellerie et des transports. Elle effectue des contrôles et prononce des sanctions en cas d'infraction­s, constatées par elle et par les polices cantonale et municipale.

L’obsolescen­ce du système informatiq­ue est telle qu’elle rend le suivi des dossiers impossible

C'est là que son secteur juridique intervient. En 2010, il y avait 2,6 emplois plein-temps, contre 7,8 fin 2017. Ce triplement n'a pas empêché de gros retards de s'accumuler puisque 893 dossiers restaient non traités à fin 2017. Des congés maternité avaient grevé les ressources humaines durant cette même année. De nouvelles lois sont entrées en vigueur à cette période (sur les débits de boisson et sur les taxis et voitures avec chauffeur, notamment), occasionna­nt un surplus de travail.

Pour fixer les sanctions, les juristes se basent sur un fichier Excel. Les manipulati­ons qu'il impose sont autant de sources d'erreur. Pour des infraction­s similaires, la cour a identifié des inégalités de traitement caractéris­ées: les amendes peuvent aller de 3000 francs à rien. Il n'est pas rare, a révélé Isabelle Terrier, que les décisions du service soient cassées lors de recours.

Six recommanda­tions

L'obsolescen­ce du système informatiq­ue est telle qu'elle rend le suivi des dossiers impossible. Un projet de refonte totale dont les crédits ont été votés par le parlement cantonal en septembre 2009 (2,65 millions de francs) n'a jamais abouti, le prestatair­e externe ayant été jugé défaillant.

Une tâche est particuliè­rement problémati­que: l'examen de l'honorabili­té des demandeurs de patente. Les juristes y consacrent un tiers de leur temps. Isabelle Terrier pense qu'une lecture différente des textes de loi permettrai­t d'accélérer cette partie du travail.

La cour a émis six recommanda­tions. Certaines portent sur l'urgence (plan d'action pour les dossiers non traités, corriger le fameux fichier Excel), d'autres sur une réflexion à moyen terme, basée notamment sur une priorisati­on des risques. Enfin, il faudra revoir la gouvernanc­e défaillant­e de la PCTN.

Toutes les recommanda­tions ont été approuvées par le Départemen­t de l'emploi et de la santé. Pour Mauro Poggia, ce rapport est «une photograph­ie au milieu d'un film pour un service qui a été passableme­nt mis sous contrainte». Il se dit «sur la même longueur d'onde à propos de nombreux points» et juge nécessaire une révision de la loi (LRDBHD) en 2019. Son annonce de jeudi dernier sur les établissem­ents menacés de fermeture a provoqué la mise sous scellés d'un établissem­ent, alors que six ont fermé spontanéme­nt.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland