Un rapport accable la police du commerce genevoise
La Cour des comptes critique le service qui contrôle les activités des restaurants, taxis et hôtels à Genève. Outils obsolètes, amendes mal calculées, dossiers perdus: le constat est sévère. Mauro Poggia l’admet et annonce une révision législative
Pour les magistrats de la Cour des comptes, il s'agit d'une des quatre situations les plus critiques qu'ils ont identifiées depuis 2007, date de création de l'auditeur public, en termes de lacunes de gouvernance. Le travail présenté ce mardi portant sur le secteur juridique de la police du commerce donne un aperçu de l'état dégradé de cette administration.
«Une tonalité d’alerte»
«Notre rapport a une tonalité d'alerte, a dit Isabelle Terrier, chargée de cet audit. Nous avons identifié de nombreux dysfonctionnements: les retards dans le traitement des dossiers sont importants, des erreurs sont commises dans les sanctions infligées, sur 110 rapports de police 43 n'ont pas été retrouvés. Aucune réflexion sur les améliorations possibles n'y a été menée depuis 2010, date de notre premier rapport sur ce domaine.»
La police du commerce et de la lutte contre le travail au noir (PCTN) octroie des autorisations d'exercer dans les domaines de la restauration, de l'hôtellerie et des transports. Elle effectue des contrôles et prononce des sanctions en cas d'infractions, constatées par elle et par les polices cantonale et municipale.
L’obsolescence du système informatique est telle qu’elle rend le suivi des dossiers impossible
C'est là que son secteur juridique intervient. En 2010, il y avait 2,6 emplois plein-temps, contre 7,8 fin 2017. Ce triplement n'a pas empêché de gros retards de s'accumuler puisque 893 dossiers restaient non traités à fin 2017. Des congés maternité avaient grevé les ressources humaines durant cette même année. De nouvelles lois sont entrées en vigueur à cette période (sur les débits de boisson et sur les taxis et voitures avec chauffeur, notamment), occasionnant un surplus de travail.
Pour fixer les sanctions, les juristes se basent sur un fichier Excel. Les manipulations qu'il impose sont autant de sources d'erreur. Pour des infractions similaires, la cour a identifié des inégalités de traitement caractérisées: les amendes peuvent aller de 3000 francs à rien. Il n'est pas rare, a révélé Isabelle Terrier, que les décisions du service soient cassées lors de recours.
Six recommandations
L'obsolescence du système informatique est telle qu'elle rend le suivi des dossiers impossible. Un projet de refonte totale dont les crédits ont été votés par le parlement cantonal en septembre 2009 (2,65 millions de francs) n'a jamais abouti, le prestataire externe ayant été jugé défaillant.
Une tâche est particulièrement problématique: l'examen de l'honorabilité des demandeurs de patente. Les juristes y consacrent un tiers de leur temps. Isabelle Terrier pense qu'une lecture différente des textes de loi permettrait d'accélérer cette partie du travail.
La cour a émis six recommandations. Certaines portent sur l'urgence (plan d'action pour les dossiers non traités, corriger le fameux fichier Excel), d'autres sur une réflexion à moyen terme, basée notamment sur une priorisation des risques. Enfin, il faudra revoir la gouvernance défaillante de la PCTN.
Toutes les recommandations ont été approuvées par le Département de l'emploi et de la santé. Pour Mauro Poggia, ce rapport est «une photographie au milieu d'un film pour un service qui a été passablement mis sous contrainte». Il se dit «sur la même longueur d'onde à propos de nombreux points» et juge nécessaire une révision de la loi (LRDBHD) en 2019. Son annonce de jeudi dernier sur les établissements menacés de fermeture a provoqué la mise sous scellés d'un établissement, alors que six ont fermé spontanément.
▅