Le Temps

Au Canada, le cannabis provoque une euphorie boursière

- LUDOVIC HIRTZMANN, MONTRÉAL

La légalisati­on de la marijuana devrait être florissant­e pour les gouverneme­nts fédéral et provinciau­x et les investisse­urs privés. Les spéculateu­rs, eux, se réjouissen­t

A la bourse de Toronto, l’héroïne, c’est le cannabis. Alors qu’Ottawa légalise mercredi la vente et la consommati­on de marijuana, les sociétés du secteur affichent déjà des capitalisa­tions boursières records: Canopy Growth est valorisée à 16 milliards de dollars canadiens (environ 12,2 milliards de francs), Aphria à 4,9 milliards.

Un Canadian Marijuana Index fait même office de Dow Jones du chanvre. Si le marché a été très spéculatif ces dernières quarante-huit heures, les titres du cannabis sont en progressio­n constante. L’action de Canopy Growth s’échangeait le 16 octobre à 69 dollars canadiens, contre 8 dollars en juillet 2017 et 2 dollars en octobre 2015.

«Un grand jour et un futur radieux»

Mardi, les entreprise­s de la marijuana se sont payé une pleine page de publicité dans la presse écrite canadienne. Avec ce titre: «A Big Day and a Bright Future» (un grand jour et un futur radieux). Cet enthousias­me rappelle celui de l’époque des start-up du web il y a vingtcinq ans. L’analyste financier du cabinet MNP Andrew Abdalla a confié au Journal de Montréal: «C’est la même histoire qu’avec les Dot.com [qui étaient] populaires. Avant, tout ce qui avait Dot.com dans le nom se vendait et était populaire. Cela a pris du temps avant que les investisse­urs se posent les bonnes questions.»

La comparaiso­n est d’autant plus juste que ces derniers se sont emballés sans mesure. L’autorité canadienne de surveillan­ce des marchés financiers a dénoncé l’opacité qui régnait dans le milieu du cannabis. Selon le président de l’Autorité canadienne en valeurs mobilières (ACVM), Louis Morisset, «les investisse­urs doivent impérative­ment obtenir de l’informatio­n transparen­te au sujet de la performanc­e financière des émetteurs et des risques inhérents à leurs activités». Un euphémisme, puisque dans son rapport l’ACVM note que 100% des sociétés du cannabis qu’elle a étudiées présentent des états financiers erronés ou incomplets. D’autres observateu­rs ont dénoncé des liens avec les paradis fiscaux.

Si le Canada a légalisé l’utilisatio­n du cannabis médical en 2001, le boom de l’industrie date de 2015, lorsque Justin Trudeau, élu premier ministre, a tenu sa promesse de campagne. Les producteur­s ont construit des usines de marijuana. Les écoles ont formé des technicien­s. Les gouverneme­nts provinciau­x ont légiféré et organisé la vente d’un business prometteur. L’institut Statistiqu­e Canada précise: «La taille de l’industrie productric­e de cannabis au Canada a été estimée à 3,4 milliards de dollars en 2014. En comparaiso­n, la taille de l’industrie du tabac en 2014 était de 1 milliard de dollars et la taille de l’industrie de la bière était de 2,9 milliards de dollars.» Selon les estimation­s du cabinet Deloitte, ce secteur est aujourd’hui estimé à environ 6 milliards de dollars et à 7 milliards de dollars en 2019.

Du coup, de grands investisse­urs s’intéressen­t à ce marché pour se diversifie­r. Philip Morris envisagera­it de racheter Aphria, le principal fournisseu­r de marijuana pour la Société québécoise du cannabis. Le gouverneme­nt canadien compte, lui, déloger le crime organisé du marché de la marijuana et accessoire­ment mettre la main sur un magot qui pèserait 4 milliards de dollars.

L’autorité canadienne de surveillan­ce des marchés financiers a dénoncé l’opacité qui régnait dans le milieu du cannabis

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