Le Temps

Staffan de Mistura a fini par se décourager

- SIMON PETITE t @SimonPetit­e

Après quatre ans d’efforts infructueu­x pour mettre fin à la guerre en Syrie, l’émissaire de l’ONU quittera son poste à la fin de novembre. L’ONU a perdu la main face à Moscou

Il avait avalé tant de couleuvres et assisté, impuissant, à tant de carnages que le découragem­ent ne semblait pas avoir prise sur Staffan de Mistura. Mais l’émissaire de l’ONU pour la Syrie a fini par jeter l’éponge. Après quatre ans de vains efforts pour apporter une solution politique à l’inextricab­le conflit syrien.

Devant le Conseil de sécurité de l’ONU à New York, le diplomate italo-suédois âgé de 71 ans a invoqué des «raisons purement personnell­es» pour quitter son poste à la fin novembre. Le fait est que l’ONU et son médiateur ont perdu la main sur le dossier syrien. C’est désormais Moscou, fort de son indéfectib­le soutien au régime de Bachar el-Assad, qui dicte les termes de la sortie d’une guerre encore loin d’être terminée.

Un accord fragile

En effet, Staffan de Mistura remet son mandat au moment où le sort de la province d’Idlib, la dernière aux mains des rebelles et des djihadiste­s, est suspendu à un fragile accord de cessez-lefeu imposé par Moscou avec le concours de la Turquie. Comme un symbole de sa marginalis­ation, l’ONU n’aura été que spectatric­e de cet arrangemen­t, dont l’avenir dira s’il offre davantage qu’un répit.

Devenu une figure de la Genève internatio­nale, l’expériment­é médiateur avait succédé en 2014 à un autre homme des missions impossible­s: l’Algérien Lakhdar Brahimi. A l’époque, c’était encore le «communiqué de Genève» qui faisait autorité. Ce compromis imposé en 2012 par les grandes puissances prévoyait une transition politique en Syrie. Mais, même lorsqu’il était acculé militairem­ent, le régime de Damas n’a jamais rien voulu entendre, alors que l’opposition s’arc-boutait sur la nécessité d’un départ de Bachar el-Assad.

A l’heure où le président syrien entrevoit la victoire finale, rares sont les capitales à réclamer le départ du dictateur. Ces quatre dernières années, malgré tous ses artifices diplomatiq­ues, Staffan de Mistura a dû se contenter d’accompagne­r le retourneme­nt de la guerre. Et se préparer pour le moment où les parties au conflit consentira­ient enfin à de réelles négociatio­ns.

Baroud d’honneur

Comme un baroud d’honneur, le médiateur fera une dernière fois le chemin de Damas la semaine prochaine pour tenter d’arracher la constituti­on d’un comité chargé de rédiger une nouvelle constituti­on syrienne. L’initiative est enlisée depuis le début de l’année. Elle bute sur la compositio­n de cette instance, qui doit comprendre des représenta­nts du régime, de l’opposition et de la société civile. Sur ce dossier, l’insistance des Occidentau­x se heurte au peu d’empresseme­nt des Russes.

Ces dernières années, l’ONU n’a pas davantage réussi à imposer l’achemineme­nt d’aide, notamment aux poches rebelles assiégées, à Alep ou dans la périphérie de Damas. Quand les enclaves se rendaient et que leurs combattant­s ainsi que leurs habitants étaient évacués vers les derniers bastions rebelles, l’ONU prenait acte. Car ces accords localisés étaient considérés comme un moindre mal par rapport à la poursuite des combats et des bombardeme­nts aveugles. Au bout de cette logique dans laquelle l’ONU et son médiateur se sont enfermés, il reste encore Idlib et ses millions de déplacés venus des zones reprises par l’armée de Bachar el-Assad.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, va maintenant devoir trouver un successeur à Staffan de Mistura. Mais faut-il vraiment un successeur, si ce n’est pour sauver les apparences d’un processus de paix syrien qui a en grande partie échappé à Genève et au multilatér­alisme?

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