L’ambassadeur de la Suisse centrale
Le Nidwaldien Hans Wicki tente l’élection au Conseil fédéral. Sans réelles chances face à Karin Keller-Sutter
Karin Keller-Sutter n’était pas dans la salle, mais sa présence a plané sur la conférence de presse donnée hier par son rival Hans Wicki. Alors qu’il annonçait sa candidature au Conseil fédéral, le conseiller aux Etats PLR de Nidwald n’a pas pu éviter d’évoquer l’archi-favorite saint-galloise en termes élogieux. La campagne de succession à Johann Schneider-Ammann semble décidément jouée d’avance. A se demander ce que Hans Wicki vient faire dans cette aventure.
Se lance-t-il dans une galère? Il estime que non. Agé de 54 ans, le sénateur pense avoir quelque chose à gagner dans l’exercice. «Je veux m’engager pour la Suisse centrale, sous-représentée au Conseil fédéral. Ce n’est pas dans l’esprit des pères fondateurs que la Suisse primitive soit à ce point sous-représentée, assène-t-il. En outre, mon canton n’a jamais eu de conseiller fédéral. Il est temps qu’un Nidwaldien siège au Conseil fédéral.»
La Suisse centrale brille effectivement depuis longtemps par son absence. Voici quinze ans que le radical lucernois Kaspar Villiger a quitté le gouvernement.
Le spectre du ticket unique
Hans Wicki invoque une autre raison à sa candidature: offrir un choix de candidats au parlement le 5 décembre lors de l’élection. «J’ai toujours été favorable à la concurrence, et je suis persuadé qu’avec Karin Keller-Sutter et moi-même le PLR présenterait deux candidats possédant les compétences nécessaires.»
Le Nidwaldien rend un fier service à son parti. Il lui permet de disposer d’une option supplémentaire. «C’est un bon candidat, il n’a vraiment rien de l’alibi», applaudit Olivier Français, conseiller aux Etats (PLR/VD).
Le spectre du ticket unique, avec la seule Karin Keller-Sutter, s’éloigne. Et cela va rassurer une bonne partie des édiles PLR. Logique: chantre du libre marché et de la concurrence, le Parti libéral-radical se serait exposé aux critiques en cas de candidature unique, lui qui réclame des autres formations politiques au moins deux postulants lorsqu’elles repourvoient leurs sièges au Conseil fédéral. Les tickets uniques n’ont plus la cote, ils font en général figure de «diktat» imposé aux Chambres. Hans Wicki tombe donc à pic – tout comme le Schaffhousois Christian Amsler d’ailleurs, conseiller d’Etat, qui devrait vraisemblablement se lancer ce soir.
Autre avantage pour le PLR, Hans Wicki (à l’instar de Christian Amsler) ne devrait pas menacer Karin Keller-Sutter. La Saint-Galloise survole la mêlée, et nombre de parlementaires souhaitent la voir accéder au Conseil fédéral. Pour ses compétences évidemment. Mais aussi parce que les femmes sont sous-représentées au gouvernement (deux sur sept, dont la PDC Doris Leuthard, qui a aussi démissionné pour fin 2018).
Pas de chamboulement
Hans Wicki ne chamboule pas le script. Il ne doit cependant pas être sous-estimé. Il a acquis de l’expérience d’exécutif dans sa commune de Hergiswil (20002010), puis au gouvernement de Nidwald (2010-2016). Mais il ne siège à Berne, au Conseil des Etats, que depuis 2015. Un handicap face à Karin Keller-Sutter.
Cela n’empêche pas Hans Wicki de citer une autre corde de son arc: son expérience comme dirigeant dans l’économie privée. «Il sait se battre tous les jours pour les salaires de ses employés», loue Stefan Bosshard, président du PLR de Nidwald, dont les membres doivent encore confirmer la candidature de Hans Wicki le 23 octobre.
Certains confrères semblent séduits par le sénateur nidwaldien, au petit air de Richard Gere. «Il ne craint pas de se remettre en question et ne s’exprime sur un thème qu’après avoir fait l’effort de le comprendre. Il possède aussi le courage de ses opinions et n’a pas peur de se retrouver seul. C’est quelqu’un qui compte en Suisse centrale», complimente le conseiller aux Etats PLR Olivier Français, qui le côtoie en commission.
«Il est très cordial, humain. Mais politiquement, il appartient à la droite classique: libéral en économie et conservateur sur le plan sociétal»
«Il est très cordial, humain. Mais politiquement, il appartient à la droite classique: libéral en économie et conservateur sur le plan sociétal. Lorsque la loi sur l’égalité salariale a été débattue, il l’a activement combattue», se souvient la socialiste vaudoise Géraldine Savary.
Face à Karin Keller-Sutter, Hans Wicki risque de ne pas faire le poids. Mais la campagne d’élection au Conseil fédéral lui assurera une exposition médiatique nationale sans précédent. Un avantage certain… qui peut aussi se retourner contre lui, de l’avis d’un élu de Suisse centrale. «S’il ne fait que dix voix lors de l’élection, il risque de garder cette étiquette.»
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