Le climat et l’état de l’opinion
Dans une récente chronique (LT du 27 septembre), Charles Wyplosz tire argument du fait que, d’après des sondages, le changement climatique ne figure qu’au sixième rang des préoccupations de l’homme de la rue, pour décréter qu’il ne faudrait pas en faire une priorité. Si Christophe Colomb avait suivi la même logique et considéré que la majorité de la population a toujours raison, il aurait, avant de partir, organisé un sondage d’opinion qui lui aurait appris qu’une majorité de gens soutenaient que la Terre est plate. Il se serait alors dit que l’idée de vouloir atteindre les Indes en naviguant vers l’ouest était absurde et il n’aurait pas découvert le Nouveau-Monde! Les périls auxquels notre mode de vie expose l’humanité ont été signalés dès 1972 par Dennis Meadows dans son rapport au Club de Rome: The limits to growth. Selon ce rapport, si le monde poursuit le scénario «business as usual», […] les limites de la croissance sur Terre deviendront évidentes à partir de 2072, conduisant à une «baisse soudaine et incontrôlable de la population et de la capacité industrielle». Ce que le rapport Meadows laissait entendre, c’est que les atteintes portées à l’environnement tuent et qu’elles finiront par tuer beaucoup plus que la cigarette et les maladies cardio-vasculaires, au point que certains scientifiques ont avancé l’hypothèse d’une sixième extinction de masse qui inclurait homo sapiens. Jusqu’à présent, les prévisions du rapport n’ont pas été significativement démenties. La mission des hommes politiques n’est pas de s’aligner sur les sondages d’opinion, mais de veiller à l’intérêt général, fût-ce même face à l’incompréhension du public. Est-ce raisonnable de traiter de «lobby écologiste» ceux qui plaident lucidement pour une politique conforme à l’intérêt général de l’humanité? […] ▅