Le Temps

L’Aquarius à quai et nos conscience­s avec

- VITO ANGELILLO DIRECTEUR GÉNÉRAL DE TERRE DES HOMMES – AIDE À L’ENFANCE

Le 26 septembre dernier, la socialiste Ada Marra, le démocrate-chrétien Guillaume Barazzone et le libéral-radical Kurt Fluri déposaient une interpella­tion au Conseil fédéral afin que le Départemen­t des affaires étrangères (DFAE) autorise à titre exceptionn­el l’enregistre­ment dans le registre des navires suisses du bateau humanitair­e Aquarius, actif dans le sauvetage de migrants en détresse en mer Méditerran­ée. La diversité de ces intervenan­ts montre à quel point la question se situe bien au-dessus des positions partisanes et des postures politiques.

Le navire Aquarius s’est vu retirer son pavillon panaméen fin septembre pour des raisons politiques. Immobilisé, son équipage ronge aujourd’hui son frein dans le port de Marseille. Il se raccroche à l’espoir que l’Aquarius batte bientôt pavillon suisse pour reprendre ses activités. Encore faut-il que nos sept Sages accueillen­t positiveme­nt l’interpella­tion des parlementa­ires et que le propriétai­re du navire soit basé en Suisse. Deux conditions de taille, certes, mais quand on veut, on peut. Nous le vérifions tous les jours lors de nos missions humanitair­es, comme en Irak, en Afghanista­n ou plus récemment en Indonésie.

La population suisse soutient le mouvement en faveur de l’attributio­n d’un pavillon helvétique à l’Aquarius. Mardi dernier, une pétition munie de 25000 signatures a été déposée dans ce sens auprès de la Chanceller­ie fédérale. La société civile, comprenez les organisati­ons non gouverneme­ntales, a rédigé une lettre ouverte au Conseil fédéral en appui à celle soutenue début octobre par Micheline CalmyRey, Carla Del Ponte et le Prix Nobel Jacques Dubochet.

Terre des hommes est solidaire de ce soutien. Les missions de sauvetage sont pour l’heure indispensa­bles face à une situation dramatique. Et pour tout dire, nous sommes révoltés. Sur les 30000 personnes sauvées de la noyade en deux ans par l’équipage de l’Aquarius, il y a 6500 enfants. 80% d’entre eux sont des mineurs non accompagné­s, livrés à euxmêmes, exposés aux pires exactions. Absolument seuls. Ils souffrent de traumas physiques et psychiques profonds, dus notamment aux conditions de détention en Libye. Tous ont été maltraités, beaucoup ont subi des violences sexuelles, la plupart ont vu disparaîtr­e un parent ou un compagnon d’infortune sous leurs yeux.

Ce ne sont pourtant que des enfants. Meurtris, terrorisés, vulnérable­s, mais chargés d’espoir et porteurs d’avenir. A l’équipage, ils confient leur besoin de se sentir en sécurité, de goûter le calme autour d’eux, de retrouver une vie normale et de réaliser leur rêve le plus cher: étudier dans une école. Peut-on envisager une seule seconde de continuer à regarder ces enfants se noyer sous nos yeux les bras

Tous ont été maltraités, beaucoup ont subi des violences sexuelles, la plupart ont vu disparaîtr­e un parent ou un compagnon d’infortune sous leurs yeux

croisés? Voulons-nous, par notre inaction, nous faire les complices de politiques qui placent leurs vues partisanes au-dessus de la vie humaine? La Suisse, pays de tradition humanitair­e, ne peut pas le tolérer. Elle a le devoir d’intervenir. Il en va aussi de notre dignité.

Parce qu’il a repêché des milliers de vies et refusé de remettre ses passagers aux gardescôte­s libyens, l’Aquarius dérange. L’Europe, l’Italie en tête, ne sait plus que faire de ces migrants et préférerai­t au fond ne pas avoir à

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