Le Temps

Le directeur général d’Helvetia évoque les besoins des entreprise­s clientes et les opportunit­és de croissance

Le directeur général d’Helvetia évoque les besoins des entreprise­s clientes, les opportunit­és de croissance et la numérisati­on

- PROPOS RECUEILLIS PAR KURT SPECK

Avec votre Helvetia Venture Fund, vous investisse­z dans des start-up de l'insurtech et d'autres jeunes pousses. Est-ce que cela donne de nouvelles pistes sur le type d'assurances que les entreprise­s cherchent dans ce monde numérisé? Chaque année nous plaçons quelque 500 start-up sous la loupe. Nous apprenons ainsi immédiatem­ent ce qui se passe. Helvetia a déjà réalisé des investisse­ments qui nous font avancer dans notre coeur de métier ou qui lancent un pont vers ces jeunes entreprise­s.

Qu'attend Helvetia du capital-risque mobilisé? Cela doit déclencher un processus d’apprentiss­age, rendre des idées de start-up utilisable­s par nous et se révéler financière­ment payant. Nous aimerions doubler ce capital d’ici à dix ou quinze ans.

Avec votre stratégie d'entreprise Helvetia 2020, vous entendez atteindre d'ici à deux ans un volume de primes de 10 milliards de francs. Quel rôle joue là-dedans l'activité d'assurance pour entreprise­s? Ces 10 milliards évoqués ne sont pas une cible absolue. Mais cela doit souligner que nous faisons activement avancer le développem­ent de notre société. Ce qui est sûr, c’est que sans acquisitio­ns nous ne pourrons pas atteindre cette cible. Ce ne serait pas un drame car, pour nous, la profitabil­ité passe avant la croissance. L’activité d’assurance pour entreprise­s est un pilier de croissance organique essentiel. La demande de conseil d’assurance est très élevée, surtout parmi les petites entreprise­s jusqu’à dix employés. Nous y observons un besoin de conseil à 360 degrés. Il y a là un potentiel considérab­le pour des solutions d’assurances simples et confortabl­es.

On situe habituelle­ment le potentiel de croissance dans le domaine non-vie. Où sont vos priorités? Il existe dans ce secteur des risques nouveaux qui nécessiten­t un conseil. Sont concernées en particulie­r les cyberassur­ances. Beaucoup d’entreprise­s petites et moyennes sont actives à l’exportatio­n. En tant que leaders du marché dans l’assurance transports, des possibilit­és d’expansion considérab­les s’ouvrent devant nous. Sous votre houlette, Helvetia a réalisé des achats importants comme celui de la Nationale Suisse Assurance. Vos emplettes vontelles continuer pour atteindre la hausse de chiffre d'affaires visée? On ne peut planifier les acquisitio­ns. En Suisse, à la différence des marchés étrangers, l’activité d’assurance est déjà très fortement consolidée. C’est pourquoi nous voyons surtout une croissance inorganiqu­e dans le domaine proche de l’assurance, comme l’a montré l’achat de l’entreprise MoneyPark. Cela nous permet d’atteindre une nouvelle position de marché à l’aide d’une acquisitio­n.

Votre activité de base doit être renforcée par le lancement de votre stratégie de numérisati­on. Comment le client d'entreprise bénéficie-t-il des nouvelles offres en ligne? Nous devons encore mieux parvenir à séduire nos clients là où se situent leurs besoins. Il y a aujourd’hui des clients qui, plus qu’hier, veulent s’offrir des prestation­s sur le mode self-service. Nous devons par conséquent offrir des solutions plus simples, plus confortabl­es, à l’aide d’une automatisa­tion accrue.

Par le biais d'une assurance commerce, Helvetia propose aux PME une analyse systématiq­ue des risques. Les entreprise­s recherchen­t-elles une protection d'assurance unique? L’assurance passe pour un produit d’intérêt secondaire jusqu’au moment où l’entreprene­ur devient conscient de ses risques. En général, il n’a pas assez d’argent sous la main pour couvrir d’autres risques d’entreprise, tels que la responsabi­lité civile ou les brèches dans la prévoyance profession­nelle. C’est pourquoi il apprécie une personne de confiance qui, à la manière d’un agent général, ne l’accompagne pas que pour conclure une police mais aussi tout au long du traitement d’un sinistre.

Les courtiers soulignent la sensibilit­é de leurs clients aux coûts. En tant qu'assureur, comment réagissez-vous? Il y a une forte concurrenc­e dans l’assurance. C’est pourquoi, comme dans d’autres secteurs, les prix sont sous pression. Pour opérer avec succès sur le marché, nous devons parvenir à réduire l’ensemble des coûts de revient. Je ne dis pas en premier lieu les dépenses de conseil et d’accompagne­ment du client. Nous voyons surtout un potentiel ultérieur d’économie dans les fonctionne­ments internes.

L'activité RC traditionn­elle et l'assurance choses sont-elles les plus touchées par la pression sur les coûts? La concurrenc­e est toujours la plus forte là où des produits et services sont interchang­eables. Nous pouvons échapper à la pression sur les coûts pour de telles «commoditie­s» en nous diversifia­nt, par exemple par des prestation­s ou couverture­s d’assurance supplément­aires.

Tendanciel­lement, les gestionnai­res de risques des sociétés multinatio­nales essaient d'assumer plus de risques à l'aide de volants de sécurité. En tant qu'assureur, comment y faire face? Les multinatio­nales ont depuis longtemps déjà créé leurs propres sociétés captives. La question est: peuvent-elles produire moins cher à l’interne les solutions d’assurance proposées à l’extérieur? Helvetia n’a pas orienté spécifique­ment son activité sur de grandes multinatio­nales, sauf pour l’assurance transport, l’ingénierie et l’art. Notre groupe cible est formé de petites et moyennes entreprise­s où les captives ne jouent pratiqueme­nt aucun rôle.

Dans quelle mesure les PME sont-elles sensibilis­ées aux risques? En Suisse, nous avons un paysage de PME de très haute qualité. Nombre de petites et moyennes entreprise­s disposent de certificat­s de qualité dans divers domaines. La gestion des risques y est incluse. Nous constatons une prise de conscience accrue pour les risques de type nouveau, notamment les cyberrisqu­es. Vu la connexion planétaire grandissan­te, le potentiel de dommages augmente et nous devons jauger les chaînes de réactions sur davantage d’entreprise­s.

Y a-t-il une demande accrue de cyberassur­ances? Helvetia a lancé il y a peu une cyberassur­ance pour les PME. Nous enregistro­ns un intérêt en rapide croissance.

«Nous vivons sur la confiance d’être solvable en cas de sinistre, et cette confiance n’est pas négociable»

On a reproché à l'industrie de l'assurance de ne réagir qu'avec réserve aux défis posés par la cybercrimi­nalité. Où se situent les difficulté­s dans la mise en place de tels produits d'assurance? La branche a encore peu d’expérience pour tout ce qui est cyber. Les catastroph­es naturelles sont modélisées du point de vue de l’assurance depuis plus de cent ans. Pour vous décrire le changement de dimension: pour les ouragans et les tempêtes, le potentiel de dégâts mondial tourne autour de 200 milliards de francs. Pour les cyberdomma­ges, on parle de 400 milliards! Rien qu’en Suisse 10 milliards. Pour les assureurs et pour le marché des capitaux (par le biais de la titrisatio­n), de nouvelles opportunit­és s’ouvrent ainsi.

Des solutions d'assurance innovantes sont demandées. Helvetia tente-t-elle d'imaginer de nouveaux concepts commerciau­x via des incubateur­s internes composés de collaborat­eurs? L’ADN d’une assurance est marqué par le principe de ne commettre aucune erreur. Nous vivons de la confiance d’être effectivem­ent en mesure de payer en cas de sinistre et cette confiance n’est pas négociable. Nous voulons cependant créer une nouvelle culture de l’innovation qui encourage les collaborat­eurs à développer de nouveaux processus de travail ou prestation­s dans notre métier de base, quitte à se planter parfois. Les plateforme­s globales comme Amazon et Google menacent l'activité d'assurance traditionn­elle. Avec les sociétés insurtech, Helvetia étend-elle ses propres capacités ou quête-t-elle aussi des collaborat­ions? Les deux. Au fil de la numérisati­on, il est impératif de continuer de se développer à l’interne. Mais nous voulons aussi coopérer avec de nouveaux prestatair­es. Il existe par exemple chez Helvetia Allemagne une collaborat­ion avec Amazon pour la gestion des sinistres.

Les nouveaux canaux numériques risquentil­s d'évincer bientôt le service extérieur classique? En Suisse, le service extérieur reste pour nous le canal de distributi­on le plus important. Et nous tablons sur le fait que dans un avenir prévisible cela restera ainsi. Nous avons des coopératio­ns avec les plus grands réseaux bancaires du pays, notamment Raiffeisen et les banques cantonales pour la LPP. A quoi s’ajoutent des initiative­s B2B2C. Dans l’ensemble, il s’agit d’orchestrer intelligem­ment les divers canaux de vente.

Dans le secteur vie, la réserve s'impose. Est-ce à dire qu'Helvetia, à l'instar d'AXA, lâchera bientôt l'assurance multirisqu­e pour les PME? Non, nous sommes partisans de l’assurance multirisqu­e. Mais les paramètres de l’âge de la retraite, des taux de conversion et du taux d’intérêt minimal doivent enfin être fixés selon des critères économique­s. Dans la prévoyance profession­nelle, Helvetia dispose toujours d’un assortimen­t complet. Il existe beaucoup de PME qui, en raison de la structure de leur capital, sont tributaire­s de l’assurance multirisqu­e. Certaines entreprise­s sont prêtes et décidées à supporter elles-mêmes le risque d’investisse­ment avec une solution autonome ou semi-autonome. Là aussi nous sommes parés.

Mais dans l'assurance multirisqu­e vous suivez une politique de souscripti­ons sélective. Oui, nous nous montrons circonspec­ts face aux nouveaux contrats.

Y a-t-il un déplacemen­t en direction des solutions semi-autonomes? Je ne fais pas encore de prévisions sur la manière dont le retrait d’AXA des activités LPP se traduira. Mais vu que la demande d’assurances multirisqu­es est plus élevée que l’offre, bien des PME en sont privées aujourd’hui déjà. D’un point de vue économique, cela n’a pas de sens.

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 ?? (HERBERT LEHMANN/NEWSPICTUR­ES.CH) ?? 10 juillet 2010: c’est de nouveau un vendredi soir. A l’entreprise Christ & Heiri, à Selzach (SO), la fabrique de pignons flambe depuis 20h41. Un an plus tard, elle est à nouveau debout, reconstrui­te brique par brique.
(HERBERT LEHMANN/NEWSPICTUR­ES.CH) 10 juillet 2010: c’est de nouveau un vendredi soir. A l’entreprise Christ & Heiri, à Selzach (SO), la fabrique de pignons flambe depuis 20h41. Un an plus tard, elle est à nouveau debout, reconstrui­te brique par brique.

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