Il ne s’agit pas de savoir si, mais quand Amazon entrera dans le secteur de la santé
Il ne s’agit pas de savoir si, mais quand l’entreprise entrera dans le secteur de la santé. Et le géant du commerce électronique a de l’endurance
Amazon poursuit deux directions dans le domaine de l’assurance, selon les analystes: le travail se fait d’abord sur l’entrée dans l’activité avec des sites de comparaison, à l’image de Comparis en Suisse. Selon les analystes, ces services de comparaison sont relativement faciles à créer lorsqu’on dispose déjà, comme Amazon, d’une marque établie et d’un public de millions de consommateurs. Amazon recevrait de la part des compagnies d’assurances des commissions pour ces comparaisons et les polices ainsi vendues. L’ensemble de la réglementation, y compris un débat sur le capital d’assurance requis, est évacué.
Peu d’innovation
Lorsque les plans d’Amazon pour la Grande-Bretagne ont été rendus publics en août, plusieurs directeurs d’assurance ont tremblé. Parce que Amazon a déjà changé les règles du jeu dans d’autres branches, et qu’il s’efforce généralement d’obtenir un modèle commercial verticalement intégré, où la marge brute potentielle est plus élevée, et où la conception du modèle commercial de l’entreprise de commerce électronique rend la copie et l’arrivée des concurrents plus difficiles.
Amazon travaille concrètement à la transformation du marché américain de l’assurance maladie
Ces dernières années, les prestataires de services de comparaison et d’agrégation se sont peu fait remarquer par leurs innovations, selon les analystes de la société de recherche Global Data. Amazon pourrait apporter une bouffée d’air frais à la branche, et établir des canaux de vente et d’information complètement nouveaux grâce aux systèmes de hautparleurs Alexa.
Mais les analystes soulignent aussi que Google a déjà expérimenté des offres similaires il y a deux ans, avec un succès limité. Ce n’est qu’en coulisses, au sujet de l’intelligence artificielle (IA), que Google continue à travailler, les analystes indiquant des solutions de lifestyle management nécessitant peu de réglementations. De son côté, Apple se concentre sur des projets d’IA dans le domaine de la santé, avec des applications plaçant les utilisateurs individuels au centre. Et en début d’année, Microsoft a lancé sa solution de gestion des données de santé basée sur la solution Azure Cloud. Elle croît à un rythme respectable.
Troisième essai
A part ces travaux récents, de nombreuses initiatives de grands groupes technologiques ont échoué en phase initiale de développement. La question se pose donc de savoir si et pourquoi il en irait autrement avec l’offensive d’Amazon.
La deuxième direction prise par Amazon est la transformation concrète du marché américain de l’assurance maladie. Dans ce domaine, la collaboration avec la grande banque JP Morgan et le conglomérat d’assurance et de réassurance Berkshire Hathaway est connu depuis près d’un an. Une fois le modèle opérationnel, d’autres grandes entreprises pourront s’y associer; une sorte d’assurance santé alternative pour les grandes entreprises clientes, où chacun amène ses forces. Le modèle propose un ensemble d’éléments difficiles à copier, sauf pour Amazon.
Au tournant du millénaire, Amazon avait déjà expérimenté le marché de la pharmacie en ligne en créant la plateforme Drugstore. Mais l’affaire a été négociée par un réseau d’intermédiaires, de «princes locaux» et de régulateurs, qui disposent (aussi) d’un pouvoir informel considérable aux Etats-Unis s’agissant de la défense de leurs intérêts.
Aujourd’hui encore se pose la question de savoir si et à quelles conditions le modèle Amazon pourrait réussir sur le marché de l’assurance maladie. Les analystes de CB Insights soulignent certaines incertitudes, notamment la stratégie qu’un nouvel arrivant dans un environnement bien occupé et concurrentiel devrait adopter. Autres questions ouvertes: quelles qualités développées par Amazon dans d’autres secteurs jouent un rôle sur le marché de la santé? Et est-ce le bon moment?
Amazon a de nombreux atouts, notamment la vente directe à plus de 300 millions de clients, environ 100 millions de clients pour le programme Prime, et 5 millions de vendeurs distribuant leurs produits via la plateforme Amazon. De plus, tenter de nouveau d’entrer sur le marché de manière beaucoup plus efficace après un premier échec correspond à la philosophie de l’entreprise. Et Amazon a aussi la marge nécessaire pour pouvoir réaliser des travaux d’expansion rapportant peu.
Quatrième étape
On oublie souvent que le développement des installations existantes et l’utilisation systématique de ces ressources internes font partie de la philosophie de développement d’Amazon. Cela comprend les installations de dépôt et logistiques, les services de livraison, qui peuvent apporter aux clients des vêtements et des aliments frais, mais aussi des médicaments rapidement et sans problème. Selon la logique interne, lorsque l’infrastructure existe, le coût des livraisons supplémentaires est très bas. Et contrairement à d’autres, Amazon doit juste maintenir ses opérations commerciales à la limite de la rentabilité.
De plus, Amazon a déjà créé l’infrastructure nécessaire au traitement des données de plus en plus importantes dans le secteur de la santé avec le très lucratif Amazon Web Services, en pleine expansion. La forte notoriété de la marque aussi est déterminante. Aux Etats-Unis, un certain nombre de grands prestataires du secteur de la santé ont déjà ruiné leur réputation auprès des clients. Selon les analystes, la question prioritaire est de savoir qui est le plus rapide: Amazon dans le développement de nouveaux services d’assurance maladie ou la concurrence dans l’amélioration de sa réputation auprès des clients? Nous privilégions la première hypothèse.
Amazon peut faire valoir ses atouts surtout sur les marchés comportant de nombreux intermédiaires
Le principal argument est le scénario des nouveaux développements internes à Amazon: dans un premier temps, elle amène les clients sur ses plateformes, où ils expérimentent ce que les cercles d’innovation appellent «l’expérience client». Puis l’infrastructure est mise en place et d’importants investissements initiaux sont réalisés dans les centres informatiques, les entrepôts de distribution et les services de livraison. Au cours de la troisième étape, les processus de l’entreprise sont affinés de sorte que la concurrence n’arrive plus à suivre le rythme avec ses propres procédures non structurées et fragmentées. Dans un quatrième temps, la transparence sur la plateforme de l’entreprise est tellement améliorée pour les clients finaux que le nombre de concurrents, que les clients ne privilégient plus pour cette seule raison, diminue nettement.
La complexité augmente le nombre
La transparence est particulièrement importante pour les autres entreprises et prestataires: elle crée aussi des conditions plus simples et plus faciles à gérer pour les fournisseurs, leur permettant de mieux adapter, et plus rapidement, leurs produits et services aux préférences des clients. Selon les analystes de Morgan Stanley, Amazon peut tirer parti de ses atouts sur des marchés où de nombreux intermédiaires sont actifs, où les services d’information actuels ne sont que partiellement transparents, où l’expérience client est idéalement mixte et où les fournisseurs opèrent tous avec des modèles commerciaux et tarifaires opaques.
Tout cela s’applique au marché de la santé, avec un fait souvent oublié: dans les marchés occidentaux matures, le secteur de la santé, avec sa forte inflation des prix, occupe une délicate position dans la politique liée aux intérêts de la population; son arme la plus puissante est les lobbyistes coûteux et les partenariats d’alliance à but lucratif. De nombreux politiciens ne s’opposeraient guère à Amazon si cela permettait de freiner l’augmentation des coûts de la santé.
Intégrer le produit favori du client
Amazon achète des pharmacies en ligne peu spectaculaires. Pour Pillpack, aux Etats-Unis, Amazon a allongé 1 milliard de dollars et réalisé dix fois le chiffre d’affaires annuel. Le géant du commerce électronique n’a pas seulement obtenu d’un coup toutes les licences nécessaires dans les cinquante Etats américains, il s’est aussi emparé d’un détaillant en ligne satisfaisant sa clientèle bien plus que la moyenne et qu’elle «aime vraiment», selon les analystes de CB Insights. D’un point de vue technique aussi, ils vont bien ensemble: Pharmacy OS, le système utilisé par Pillpack pour traiter les commandes et les recettes, ressemble au Fulfillment d’Amazon (FBA).
Le temps aussi joue en faveur d’Amazon. En 2023, les livraisons de médicaments aux Etats-Unis devront être traçables, selon le voeu des autorités de régulation. Chaque boîte de médicament devra pouvoir être suivie par le client. Amazon maîtrise déjà cela, et peut ainsi acheter les médicaments directement auprès des fabricants. Tous les intermédiaires seront éliminés. Selon les analystes, cette étape à venir explique à elle seule un quart de la valorisation boursière actuelle.
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