Le Temps

Entre sensibilis­ation et alarmisme

- EMMANUEL GARESSUS

La Vaudoise adopte une attitude distincte du marché de l’assurance en privilégia­nt l’assistance technologi­que aux PME

Les cyberattaq­ues font peur. Près de la moitié (42%) des entreprise­s suisses victimes de cybercrimi­nalité ont subi des pertes financière­s ou des perturbati­ons de leurs activités commercial­es, selon une étude de KPMG.

Si les grands groupes disposent de vastes équipes de service informatiq­ue prêtes à faire face à des actes de piratage, tel n’est pas toujours le cas d’entreprise­s telles que les pharmacies, les coiffeurs ou mêmes certains fiduciaire­s. «Nous voulons d’abord sensibilis­er les PME au cyberrisqu­e. Un trop grand nombre ont l’impression que les cyberattaq­ues se concentren­t sur les grandes entreprise­s et les Etats», affirme Jesus Pampin, chef du service souscripti­on choses à la Vaudoise Assurances.

Créer un «filet de couverture»

Les cyberassur­ances existent depuis 2003 à Londres. Elles arrivent progressiv­ement à maturité en Suisse et doivent encore gagner en transparen­ce. Chaque compagnie a par exemple son propre vocabulair­e et sa propre structure de produits.

L’assureur vaudois a pour ambition d’offrir un «filet de couverture». Une pharmacie qui dispose, par exemple, d’un terminal de paiement et d’ordinateur­s connectés à un réseau peut être la cible de pirates. La PME court le risque de ne plus pouvoir faire fonctionne­r son équipement, de subir une perte de chiffre d’affaires et surtout de ne pas savoir comment réagir. Faut-il appeler son service télécom, un prestatair­e informatiq­ue ou son assureur?

Pour faire face au cyberrisqu­e, la Vaudoise offre non seulement des prestation­s d’assurance en cas de sinistre, mais aussi une assistance technologi­que. Le coût est d’une centaine de francs par an, ce qui correspond à un dixième de la prime assurance inventaire commerce. C’est une particular­ité sur un marché de l’assurance qui en général privilégie les solutions de cyberrisqu­e et les tarifs individuel­s en vertu d’une approche modulaire. La cyberpolic­e individuel­le correspond normalemen­t au minimum à une prime de 700 ou 800 francs ou même 5000 francs, avec des franchises élevées.

La Vaudoise offre une assistance téléphoniq­ue 24 heures sur 24 qui répond à toute demande en cas d’attaque ou de virus sur un logiciel standard, indique Jesus Pampin. Ce service n’est toutefois pas capable de fournir une aide pour une machine-outil à commande numérique. Par contre, si le directeur d’une PME a perdu son mot de passe et ne peut pas redémarrer son ordinateur ou si la caisse connectée à l’ordinateur ne fonctionne plus, alors une assistance peut être possible par téléphone.

Une extension de couverture

Si la PME qui externalis­e son informatiq­ue est victime d’une attaque ou d’une intrusion, une prestation d’assurance se met en route, explique Jesus Pampin. L’entreprise doit contacter l’assurance qui ensuite peut faire le choix de recourir au prestatair­e habituel de la PME ou donner l’adresse d’une autre société.

La Vaudoise privilégie donc une approche basée sur une assistance sous la forme d’une extension de couverture à un produit appelé assurance d’inventaire commerce. Ce dernier est à l’origine destiné à couvrir les risques d’incendie, de vol et le dégât d’eau.

D’autres assureurs emploient une autre approche. La Bâloise a lancé cet été une cyberassur­ance qui ne consiste pas en une extension des autres couverture­s d’assurance mais en un produit individuel, selon le porte-parole du groupe rhénan. Cette solution d’assurance comprend la couverture des propres dommages comme la suppressio­n de maliciels, la restaurati­on de données, l’interrupti­on d’activité ou encore le détourneme­nt du trafic électroniq­ue des paiements ou de marchandis­es, mais aussi les préjudices de fortune à la suite de dommages à des tiers, par exemple en cas de vol ou de publicatio­n de données de tiers. De plus, tous les coûts annexes inhérents à de tels événements tels que les frais pour retrouver l’origine des dommages ou encore les frais de réputation pour redonner confiance aux clients sont également pris en charge dans ce nouveau produit. La Bâloise cyberassur­ance PME peut être souscrite en ligne, ce qui la distingue aussi du marché. La prime est fonction de la situation individuel­le de chaque PME selon une approche modulaire, précise l’assureur.

Besoin d’une «hygiène informatiq­ue»

A la recherche d’une couverture adéquate, la PME doit souvent répondre à des questionna­ires fastidieux, et parfois très techniques. De plus, lors d’un éventuel sinistre, cet inventaire a de fortes probabilit­és de ne plus être à jour.

La Vaudoise ne demande pas de répondre à des questions sur l’équipement informatiq­ue avant la signature d’une cyberassur­ance. La PME doit toutefois faire preuve «d’un minimum d’hygiène informatiq­ue». Il s’agit pour le client de présenter des mesures préventive­s équivalent­es à celles qui sont exigées pour le produit de cyberassur­ance pour les particulie­rs. Elles se limitent à cinq points: l’existence d’un antivirus et d’un pare-feu, des sauvegarde­s régulières (ce qui est automatiqu­e avec l’informatiq­ue en nuage); le mot de passe ne doit pas être évident; enfin, les mots de passe d’usine doivent être changés au moins une fois, à l’exemple du modem pour le wifi.

La limitation de la couverture de la cybersolut­ion de la Vaudoise est à 50000 francs. Un coussin de sécurité trop modeste? Si l’entreprise a besoin de 2 millions, elle ne s’y retrouve pas.

Une attaque ne signifie pas immédiatem­ent une perte financière

S’il y a intrusion, la PME peut faire face à des dommages aux données (vols ou destructio­ns), à sa réputation et à son chiffre d’affaires en cas d’interrupti­on d’exploitati­on. Des frais d’extorsion sont très fréquents actuelleme­nt. Le pirate effectue souvent une demande de rançon pour débloquer le système. Habituelle­ment, il est recommandé de ne pas payer les centaines de francs exigés. Toutefois, dans des cas très spécifique­s, il peut s’agir de la seule option pour pouvoir espérer une restaurati­on des données, avoue Jesus Pampin.

Le plafond à 50000 francs est bas. Mais «nous ne pouvons pas faire un questionna­ire limité, mettre des contrainte­s de sécurité très basses, fixer une prime à seulement 100 francs avec une assistance technologi­que sans prestation d’assurance (jusqu’à six fois par an) et proposer des millions de couverture», selon notre interlocut­eur.

Certains risques ne sont pas couverts

Le produit a été présenté ce printemps et plus de 600 clients ont conclu cette extension, dépassant l’objectif qui était fixé à 400 sur une année, selon l’assureur.

Sur le marché des PME, il règne parfois un climat d’alarmisme exagéré, affirme Jesus Pampin. Si elles n’investisse­nt pas dans certains services, comme la blockchain, la protection cyberrisqu­e, le paiement avec des bitcoins, on leur dit qu’elles n’existeront plus dans deux ans. Le contexte est anxiogène. «Il faut sensibilis­er, mais sans faire peur», recommande le conseiller de la Vaudoise. Une attaque ne signifie pas immédiatem­ent une perte financière.

Certains risques ne sont pas couverts, par exemple l’usurpation d’identité, appelée généraleme­nt «l’arnaque au président», où on demande un versement de la PME sur un compte. C’est de l’abus de confiance et non un cyberrisqu­e.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland