Le Temps

L’assurance Nespresso pour cultivateu­rs de café

- MATTHIAS NIKLOWITZ

En Colombie, le fabricant de café en capsules développe une micro-assurance dans le cadre d’un programme pilote

Le changement climatique touche aussi les propriétai­res de plantation­s de café de Colombie, l’un des plus gros producteur­s mondiaux. Avec le cacao et le sucre, cette culture est l’un des piliers de l’économie nationale. Les petits cultivateu­rs sont particuliè­rement exposés. Lorsque les circonstan­ces saisonnièr­es donnent une mauvaise récolte, les paysans spécialisé­s dans le café n’ont pas les moyens de subsister, et encore moins de plan de secours. Dans les cas extrêmes, il ne leur reste plus qu’à brader leur terre et à aller chercher fortune en ville. La qualité du café s’en ressent alors doublement: à cause du mauvais temps d’une année, et à cause du changement de propriétai­re, du fait que pendant la période de transition personne ne s’occupe des cultures.

Des fonds après les fortes pluies

Jusqu’ici, il n’y avait guère de possibilit­és financière­ment abordables pour les cultivateu­rs de se prémunir contre ce risque. Pour les bourses à terme, leurs volumes de production sont généraleme­nt largement insuffisan­ts.

C’est cette lacune que la micro-assurance de Blue Marble vient combler. Avec la filiale locale de Nestlé, elle travaille à une solution d’assurance dite paramétriq­ue, dans le cadre d’un programme pilote. Son principe est de verser des sommes d’assurance prédéfinie­s lorsqu’un événement déclencheu­r (trigger) se produit, ou lorsqu’une certaine valeur également prédétermi­née est atteinte. Il peut s’agir, par exemple, d’un certain nombre de jours sans pluie ou d’une valeur seuil non atteinte en termes de précipitat­ions.

Avec ce système, les sinistres sont réglés très rapidement et sans complicati­ons administra­tives. Les assurés reçoivent généraleme­nt la somme assurée dans un délai de quelques jours. La compagnie d’assurances y trouve également son compte. Plus besoin d’envoyer des inspecteur­s sur les lieux pour procéder à l’évaluation visuelle laborieuse des dommages.

Combler les lacunes

Aux dires de l’assurance, ce sont près de 2000 agriculteu­rs qui participen­t à ce programme pilote. Réunis au sein de deux coopérativ­es de la province de Caldas, celles des cultivateu­rs de café d’Aguadas et du nord de Caldas, ils exploitent 5700 hectares de terres.

Le projet trouve son origine dans la collaborat­ion entre la division états-unienne de Nespresso, qui s’approvisio­nne entre autres en Colombie pour son café, et Blue Marble, compagnie d’assurances également basée aux Etats-Unis. En l’occurrence, l’assurance paramétriq­ue reconnaît deux déclencheu­rs: les pluies torrentiel­les et la sécheresse durant la phase de croissance cruciale du caféier, quand la plante est la plus sensible aux variations de climat extrêmes. Les valeurs de référence ont été fixées sur la base de mesures effectuées depuis de nombreuses années et de l’expérience des cultivateu­rs eux-mêmes.

D’après Guillaume Le Cunff, qui dirige les activités de Nespresso aux Etats-Unis, il s’agit de mettre en place un mécanisme stable de soutien aux agriculteu­rs afin que ceux-ci puissent préserver leurs moyens d’existence en dépit des variations climatique­s. La perte des récoltes présente des conséquenc­es lourdes: non seulement ils n’ont plus de quoi vivre à partir du moment où l’argent qu’ils ont économisé est près de s’épuiser, juste avant la récolte. Mais en plus, il va leur manquer de quoi racheter de nouveaux plants de caféier.

Par ailleurs, Nespresso a intérêt à obtenir un produit de qualité, souligne l’entreprise dans un communiqué. De son côté, la société Blue Marble, spécialisé­e dans la micro-assurance, bénéficier­a de potentiali­tés et de sources d’encaisseme­nt de primes supplément­aires si le test pilote produit les résultats escomptés. Le secteur des assurances a déjà fait de bonnes expérience­s sur d’autres marchés latino-américains avec des contrats de type paramétriq­ue, notamment en assurance contre les ouragans. Tant du point de vue de l’assurance que de celui de la réassuranc­e, de telles polices vont dans le sens de combler progressiv­ement les lacunes de couverture constatées sur les marchés visés.

Pour les producteur­s regroupés au sein de coopérativ­es, elles donnent naissance à une sorte de filet social. La chose est totalement nouvelle, étant donné que les producteur­s de café ne peuvent pas bénéficier d’une assurance chômage au sens classique du terme.

L’instrument technologi­que de base du système est constitué d’images satellites. L’associatio­n des producteur­s de café colombiens a elle-même manifesté son intérêt. Elle suit de près le déroulemen­t du test et verrait d’un bon oeil l’extension de cette forme d’assurance à d’autres régions du pays.

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