Salariés et indépendants, une même retraite?
La fragmentation des carrières professionnelles nécessite une refonte de la protection sociale et de la prévoyance vieillesse, selon la Fondation CH2048. Celle-ci émet des propositions «susceptibles d’obtenir une majorité politique»
Les carrières se fragmentent. Un emploi d’indépendant succède à un autre comme salarié. La même personne peut avoir les deux statuts en parallèle. Plutôt que d’observer la mutation du marché du travail sous l’effet de la numérisation ou de la bloquer, la Fondation CH2048 et 16 partenaires (entreprises, syndicats, organisations patronales, cantons et universités) lancent la discussion et proposent leurs premières recommandations, selon un communiqué publié mercredi.
Pour Domenico Scala, membre du conseil de fondation, «un statut unique pour les salariés et les indépendants est un devoir en matière d’AVS et de prévoyance obligatoire. Le montant de coordination doit être supprimé ou fortement réduit.» Sans réforme, la pauvreté risque d’augmenter à la retraite, poursuit l’ancien président du comité d’audit de la FIFA.
Eviter la précarité et la pauvreté à la retraite
Le modèle de travail à plein temps et la protection sociale qui l’accompagne sont remplacés ou complétés par des formes de travail qui ne sont pas prises en compte par le partenariat social classique. «Si la frontière entre salarié et indépendant s’efface, le partenariat social doit être réformé», indique Christoph Koellreuter, vice-président et directeur du programme de la Fondation CH2048.
Plutôt que de risquer un durcissement des fronts, «l’innovation doit rester prioritaire afin d’accroître les revenus et faciliter le dialogue social», observe le représentant de la fondation.
Les idées de réformes sociales de CH2048 s’appuient sur des modèles qui ont déjà été testés avec succès dans des entreprises comme Swisscom ou ABB. Il ne s’agit d’ailleurs pas de remettre en question les atouts du pays tels que la formation duale, le bon niveau des universités, le partenariat social, la flexibilité du marché du travail.
Les recommandations de la fondation sont soutenues par des acteurs notables de l’économie, des cantons, des syndicats et des universités. Elles sont donc «susceptibles d’obtenir une majorité politique et d’être discutées d’ici à deux ans, puis approfondies et mises en oeuvre», selon Christoph Koellreuter
Réformes pour l’AVS et le 2e pilier
En matière de prévoyance, la fondation et ses partenaires proposent de combler les lacunes du 1er et du 2e pilier en étendant les possibilités de paiements rétroactifs de manière illimitée. Ceux-ci devraient même être possibles après l’âge de la retraite. L’objectif est d’empêcher la précarité, voire les situations de pauvreté à la retraite.
Les partenaires cités soutiennent aussi un système d’assurance sociale unique, ou en tout cas comparable, pour les salariés et les indépendants. Ce dernier serait valable tant pour l’AVS que pour la partie obligatoire de la prévoyance vieillesse. Ce nouveau statut coûterait 3 milliards de francs, selon la fondation. D’éventuelles lacunes de financement des assurances sociales devraient être compensées par un impôt existant, comme la TVA, ou un nouveau, par exemple une taxe sur les transactions.
L’économie numérique nécessite de redoubler l’effort de formation. Des bourses d’étude devraient être développées. La fondation recommande la création de comptes de formation permanente ou une assurance pertes de gains spécialement destinée à cette fin.
Les recommandations incluent aussi une exigence adressée aux plateformes internet. Ces dernières, à partir d’une certaine taille, devraient avoir un siège dans le pays.
Recommandations pour le partenariat social
La fondation présente aussi cinq recommandations de partenariat social, à commencer par un dialogue au sein des entreprises sur l’impact de la numérisation. ABB, encore, est citée en qualité de pionnière en la matière. Les partenaires sociaux devraient par exemple mieux planifier les effectifs et réaliser un suivi régulier, à l’image de Swisscom.
Une meilleure combinaison de flexibilité et de sécurité sociale ne devrait pas être réalisée par de nouvelles lois. CH2048 privilégie l’initiative privée et le partenariat social. Cela se traduit par l’emploi de labels ou de codes de conduite pour le développement des nouvelles formes de travail. La plateforme de travail flexible Coople fait ici figure de pionnière.
«Si la frontière entre salarié et indépendant s’efface, le partenariat social doit être réformé» CHRISTOPH KOELLREUTER, VICE-PRÉSIDENT ET DIRECTEUR DU PROGRAMME DE LA FONDATION CH2048