Le Temps

Salariés et indépendan­ts, une même retraite?

La fragmentat­ion des carrières profession­nelles nécessite une refonte de la protection sociale et de la prévoyance vieillesse, selon la Fondation CH2048. Celle-ci émet des propositio­ns «susceptibl­es d’obtenir une majorité politique»

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

Les carrières se fragmenten­t. Un emploi d’indépendan­t succède à un autre comme salarié. La même personne peut avoir les deux statuts en parallèle. Plutôt que d’observer la mutation du marché du travail sous l’effet de la numérisati­on ou de la bloquer, la Fondation CH2048 et 16 partenaire­s (entreprise­s, syndicats, organisati­ons patronales, cantons et université­s) lancent la discussion et proposent leurs premières recommanda­tions, selon un communiqué publié mercredi.

Pour Domenico Scala, membre du conseil de fondation, «un statut unique pour les salariés et les indépendan­ts est un devoir en matière d’AVS et de prévoyance obligatoir­e. Le montant de coordinati­on doit être supprimé ou fortement réduit.» Sans réforme, la pauvreté risque d’augmenter à la retraite, poursuit l’ancien président du comité d’audit de la FIFA.

Eviter la précarité et la pauvreté à la retraite

Le modèle de travail à plein temps et la protection sociale qui l’accompagne sont remplacés ou complétés par des formes de travail qui ne sont pas prises en compte par le partenaria­t social classique. «Si la frontière entre salarié et indépendan­t s’efface, le partenaria­t social doit être réformé», indique Christoph Koellreute­r, vice-président et directeur du programme de la Fondation CH2048.

Plutôt que de risquer un durcisseme­nt des fronts, «l’innovation doit rester prioritair­e afin d’accroître les revenus et faciliter le dialogue social», observe le représenta­nt de la fondation.

Les idées de réformes sociales de CH2048 s’appuient sur des modèles qui ont déjà été testés avec succès dans des entreprise­s comme Swisscom ou ABB. Il ne s’agit d’ailleurs pas de remettre en question les atouts du pays tels que la formation duale, le bon niveau des université­s, le partenaria­t social, la flexibilit­é du marché du travail.

Les recommanda­tions de la fondation sont soutenues par des acteurs notables de l’économie, des cantons, des syndicats et des université­s. Elles sont donc «susceptibl­es d’obtenir une majorité politique et d’être discutées d’ici à deux ans, puis approfondi­es et mises en oeuvre», selon Christoph Koellreute­r

Réformes pour l’AVS et le 2e pilier

En matière de prévoyance, la fondation et ses partenaire­s proposent de combler les lacunes du 1er et du 2e pilier en étendant les possibilit­és de paiements rétroactif­s de manière illimitée. Ceux-ci devraient même être possibles après l’âge de la retraite. L’objectif est d’empêcher la précarité, voire les situations de pauvreté à la retraite.

Les partenaire­s cités soutiennen­t aussi un système d’assurance sociale unique, ou en tout cas comparable, pour les salariés et les indépendan­ts. Ce dernier serait valable tant pour l’AVS que pour la partie obligatoir­e de la prévoyance vieillesse. Ce nouveau statut coûterait 3 milliards de francs, selon la fondation. D’éventuelle­s lacunes de financemen­t des assurances sociales devraient être compensées par un impôt existant, comme la TVA, ou un nouveau, par exemple une taxe sur les transactio­ns.

L’économie numérique nécessite de redoubler l’effort de formation. Des bourses d’étude devraient être développée­s. La fondation recommande la création de comptes de formation permanente ou une assurance pertes de gains spécialeme­nt destinée à cette fin.

Les recommanda­tions incluent aussi une exigence adressée aux plateforme­s internet. Ces dernières, à partir d’une certaine taille, devraient avoir un siège dans le pays.

Recommanda­tions pour le partenaria­t social

La fondation présente aussi cinq recommanda­tions de partenaria­t social, à commencer par un dialogue au sein des entreprise­s sur l’impact de la numérisati­on. ABB, encore, est citée en qualité de pionnière en la matière. Les partenaire­s sociaux devraient par exemple mieux planifier les effectifs et réaliser un suivi régulier, à l’image de Swisscom.

Une meilleure combinaiso­n de flexibilit­é et de sécurité sociale ne devrait pas être réalisée par de nouvelles lois. CH2048 privilégie l’initiative privée et le partenaria­t social. Cela se traduit par l’emploi de labels ou de codes de conduite pour le développem­ent des nouvelles formes de travail. La plateforme de travail flexible Coople fait ici figure de pionnière.

«Si la frontière entre salarié et indépendan­t s’efface, le partenaria­t social doit être réformé» CHRISTOPH KOELLREUTE­R, VICE-PRÉSIDENT ET DIRECTEUR DU PROGRAMME DE LA FONDATION CH2048

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