Le Temps

Renseignem­ents: «Nous voulons siffler la fin de la récréation»

- BORIS BUSSLINGER, BERNE t @BorisBussl­inger

Lors de sa première apparition depuis sa nomination à la tête de l’intelligen­ce suisse, Jean-Philippe Gaudin a été clair: sous ses ordres, le renseignem­ent suisse passe à l’offensive

A l’occasion de ses 100 premiers jours à la tête du Service de renseignem­ent de la Confédérat­ion (SRC), Jean-Philippe Gaudin tirait ce vendredi un premier bilan sur son action à ce poste. Arrivé début avril, il avait hérité de la lourde tâche de diriger un service stratégiqu­e en manque de leadership, compromis par l’affaire Daniel M., l’espion suisse arrêté en Allemagne pour avoir essayé d’infiltrer ses services fiscaux – en fait un détective privé payé par le SRC –, et confronté à de sérieux problèmes d’espionnage russe. Trois mois plus tard, le brigadier annonce un service «plus fort et plus percutant» et la création de dizaines de nouveaux postes.

Le terrorisme, «risque numéro un pour la Suisse»

Au centre de l’actualité depuis plusieurs mois, l’espionnage agressif russe a été vertement tancé par le Vaudois, qui a annoncé vouloir «siffler la fin de la récréation». Pour ce faire, il s’est félicité de pouvoir compter sur la nouvelle loi sur le renseignem­ent (LRens), opérationn­elle depuis un an, qui permet de collecter des données à l’insu des personnes concernées. Pour les cas extrêmes, avec une approbatio­n du Tribunal administra­tif fédéral, elle permet de procéder à des écoutes téléphoniq­ues, des fouilles de domicile, la pose de caméras et autre hacking. «Nous devons désormais être clairs avec les Russes: nous avons les capacités de voir ce qu’ils font et nous les utiliseron­s pour contrer leurs opérations», a-t-il prévenu. Sans cette loi, le SRC n’aurait par exemple pas pu collaborer aussi efficaceme­nt pour déjouer la tentative russe de piratage du laboratoir­e de Spiez en mars dernier. A l’orée des prochaines élections fédérales de 2019, il a par ailleurs révélé surveiller les agissement­s de Moscou quant à de potentiell­es tentatives d’influence politique en Suisse. Le terrorisme demeure selon lui toutefois «le risque numéro un pour la Suisse». Une «menace d’importance» a d’ailleurs été traitée depuis son entrée en fonction. Les groupes Etat islamique et Al-Qaida sont ainsi toujours surveillés de près par le SRC, même si le nombre d’attentats a diminué de manière significat­ive depuis 2017 en Europe. L’intelligen­ce suisse n’a par ailleurs pas constaté de nouveaux départs de djihadiste­s vers la Syrie et l’Irak depuis 2016 – il y en a eu en tout 93 selon les dernières statistiqu­es. «Mais leur retour, parfois avec femmes et enfants, constituer­a un challenge», a souligné le militaire, qui s’attend à ce que la radicalisa­tion islamique «continue d’augmenter». Au rayon des autres menaces, Jean-Philippe Gaudin a encore cité les violences d’extrême droite, «plutôt stables», et celles d’extrême gauche, «en augmentati­on», citant les caillassag­es de boucheries par exemple.

Le SRC recrute

Face à la recrudesce­nce des menaces et aux «lourdeurs bureaucrat­iques» exigées par la LRens, des «mesures urgentes» ont d’ores et déjà été prises pour que, dès avril 2019, le Centre fédéral de situation (CFS) soit opérationn­el 24h/24. «Deux personnes ont été embauchées et 26 postes supplément­aires seront prochainem­ent mis au concours dans le domaine cyber/contre-espionnage», a souligné le patron du renseignem­ent. Et ce n’est pas tout, puisqu’un nouveau rapport sera

«Nous devons être clairs avec les Russes: nous avons les capacités de voir ce qu’ils font et nous les utiliseron­s»

remis au Conseil fédéral en fin d’année pour présenter les «besoins du service»: «Nous n’avons pas assez de personnel opérationn­el et nous sommes sous pression, notamment de la part des cantons, a souligné Jean-Philippe Gaudin, sous le regard bienveilla­nt du conseiller fédéral en charge de la Défense, Guy Parmelin, dont il est notoiremen­t proche.

Au moment de faire son autocritiq­ue, le chef du SRC a estimé que son service «marchait très bien». Au sein des commission­s de politique de sécurité du Parlement fédéral, son travail est de fait effectivem­ent plutôt bien reçu. Selon le conseiller aux Etats Olivier Français (PLR/VD), Jean-Philippe Gaudin fait «de l’excellent travail», alors qu’à gauche du spectre politique, la Verte Lisa Mazzone salue «une bien meilleure transparen­ce de son service en comparaiso­n avec son prédécesse­ur». Un seul bémol, dit-elle: un style militaire très prononcé, «qui manque parfois un peu de nuance». «L’uniforme me manque», a concédé le brigadier à l’heure des questions.

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(ANTHONY ANEX/KEYSTONE) Jean-Philippe Gaudin, le directeur du Service de renseignem­ent de la Confédérat­ion (SRC).

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