Un fonds immobilier genevois épinglé par la Finma
L’Autorité de surveillance des marchés s’intéresse à l’activité de Valres, fonds actif dans l’immobilier romand dont la banque J. Safra Sarasin est dépositaire. Objet de l’enquête: des commissions litigieuses versées à un proche de l’ancien directeur général du fonds
Son nom veut dire «valeurs responsables». Le fonds d’investissement Valres, qui investit notamment dans des projets immobiliers à Genève, voit son image et son cours de bourse écornés depuis l’ouverture d’une procédure dite d’enforcement par la Finma.
L’enquête vise la société ainsi que son ancien directeur général Ralph Kattan. Le gendarme financier s’intéresse à des commissions litigieuses versées à une société «apparemment proche» de ce dernier lors d’acquisitions immobilières réalisées entre août 2016 et janvier 2017, selon un communiqué publié le 26 septembre sur le site de Valres.
Le fonds est impliqué dans plusieurs projets. Il a notamment investi dans un complexe immobilier à Satigny (GE), avec espaces commerciaux et appartements à la clé. Première livraison: fin 2018. Il a également piloté la construction de cinq logements à Dardagny (GE). La Finma indique que la valeur du parc immobilier, qui se chiffre à plus de 351 millions de francs, n’est pas mise en cause dans le cadre de l’investigation. «La question est de savoir si les dispositions en matière de surveillance ont été violées au cours du processus», précise un porte-parole de l’agence.
«Pour le bien de l’entreprise»
Ces soupçons ont poussé Ralph Kattan à quitter immédiatement son poste de directeur général de Valres. «Etant donné que la procédure était également dirigée contre lui personnellement, M. Kattan a décidé, pour le bien de la société, de renoncer à ses fonctions opérationnelles ainsi qu’à ses droits de signature, indique Johny Rodrigues, désormais à la tête de l’entreprise. Mais il reste administrateur, car il s’agit du fondateur de la société et les investisseurs qui ont souscrit dans le fonds le connaissent.»
Un chargé d’enquête de l’étude Schellenberg Wittmer s’est récemment rendu dans les locaux de Valres, place du Molard, pour saisir des documents. Son analyse aboutira à la rédaction d’un rapport adressé au gendarme financier. L’entreprise a-t-elle fauté? Des membres de la direction étaient-ils au courant?
«Après vérification en interne, nous n’avons procédé à aucun versement en faveur d’une société citée comme proche de M. Ralph Kattan, assure Johny Rodrigues. Si quelque chose a été fait en dehors de la structure, nous n’avons aucun moyen de contrôle sur ces éléments.» Le flou subsiste concernant le ou les bénéficiaires des commissions, ainsi que leur montant.
Contacté, Ralph Kattan assure «collaborer pleinement avec les autorités compétentes». Le Ministère public genevois s’intéresse également aux agissements du fondateur de Valres. En juin 2017, une procédure pénale a été ouverte à son encontre au titre de soustraction d’objets mis sous la main de l’autorité et de corruption passive en relation avec les commissions litigieuses. Il lui est également reproché d’avoir produit des faux documents dans le cadre de l’instruction de la procédure pénale, mais sans relation avec les fameux versements. Sollicité par Le Temps, le parquet invoque le secret de l’instruction.
Depuis ces événements, Valres est sous pression. A partir du 24 septembre, date de l’ouverture de l’enquête par la Finma, le cours de l’action a baissé de 8,37% sur le SIX Swiss Exchange. De quoi inquiéter certains investisseurs?
Dépositaire de Valres, la banque J. Safra Sarasin serait la source de l’essentiel des sommes investies dans le fonds, soit via ses clients, soit via la banque elle-même, selon une source qui connaît bien l’affaire. L’établissement bancaire évoque pour sa part un «litige qui concerne exclusivement Valres Fund Management.»
Réputation fragilisée
L’enquête fragilise la réputation de l’entreprise. Cependant, Johny Rodrigues se montre toutefois confiant: «On n’a pas assisté à un stress du côté des investisseurs. Il n’y a pas eu de demandes de rachat de parts. Par ailleurs, nous avons pu rapidement démontrer à la Finma que la situation était sous contrôle et que tous les aspects opérationnels sont maîtrisés.» Il attend désormais le résultat de l’enquête, dont la durée n’est pas encore connue.
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