Le Temps

CYBERESPIO­NNAGE, DEUIL ET PURGATOIRE

- PAR NICOLAS DUFOUR t @NicoDufour

La quatrième saison de la série française

«Le bureau des légendes» maintient son public en Syrie tout en explorant la cyberguerr­e avec les Russes. C’est toujours aussi brillant. Attention, cet article contient des informatio­ns sur la saison précédente

◗ Mathieu Amalric arrive, et rien ne va plus. Au début de la quatrième saison du Bureau des légendes, la série d’espionnage d’Eric Rochant, un nouveau personnage apparaît, nommé JJA – Mathieu Amalric, donc. C’est un genre de surinspect­eur des services, qui compte mener une enquête sur ce bureau, l’officine de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) qui pilote et encadre les espions opérant sous couverture à l’étranger. Pas besoin d’attendre trop longtemps pour apprendre qu’il veut la tête de toute l’équipe, et en particulie­r celle de Marie-Jeanne (Florence Loiret-Caille), la nouvelle cheffe, après la mort de Duflot (Jean-Pierre Darroussin). Premières tensions.

Revoilà Le bureau des légendes, qui conserve scrupuleus­ement son rythme annuel, ce qui reste une particular­ité dans le paysage des séries françaises. La crise traversée par les personnage­s principaux en Syrie s’est conclue par la perte de Duflot dans son ambulance. Malotru (Mathieu Kassovitz) est à Moscou, il ignore encore la mort de l’ancien chef. Il veut rentrer. Cependant, vu de Paris, il demeure un traître qui a travaillé en sous-main pour les Américains. Marie-Jeanne consent encore à lui parler, mais aux yeux de JJA, il ne mérite rien de moins que le bûcher.

OCÉAN DE PIXELS

Moscou. Une fois encore, Le bureau des légendes prouve son talent à s’ancrer dans l’air du temps. Alors que la guerre froide semble se réveiller, que les crispation­s s’accumulent entre Vladimir Poutine et les Européens – notamment en raison de la tentative d’assassinat de Sergueï Skripal, ancien… espion, les scénariste­s de la série de Canal+ mettent les pieds dans le plat, avec une lenteur tactique. En rajoutant une touche de cyber: dans cette quatrième saison, César (Stefan Crepon), un jeune hacker de la DGSE, est pressenti pour s’infiltrer dans un institut de technologi­e moscovite qui serait impliqué dans le cyberconfl­it global.

Les légendes, les espions dans leurs personnali­tés fictives, doivent plonger dans le sombre océan planétaire de pixels. Mais toutes n’oublient pas le monde physique: Marina (Sara Giraudeau) se rend justement à Moscou pour débusquer des leaders du renseignem­ent, tandis que Jonas (Victor Artus Solaro) passe du bureau au terrain le plus cru, c’està-dire la Syrie («Pourquoi je ne suis pas resté au bureau… Fais ch…»). Rude promotion pour le personnage, servi par un excellent acteur.

Cette quatrième saison déconcerte­ra peut-être certains amateurs. Le démarrage est moins tendu qu’auparavant. Les affaires internes, à la centrale – JJA contre tout le monde –, occupent une place prépondéra­nte. Après les secousses face au djihad du chapitre précédent, le monde du Bureau… doit se reconstitu­er, retrouver des pôles et des zones de friction.

Pour les fidèles, ce volume 4 signifie deuil, épreuve et purgatoire. Le deuil de Duflot, bien sûr. Les spectateur­s qui raffolent de Jean-Pierre Darroussin, et ils sont sans doute nombreux, pouvaient se demander si la série survivrait à sa disparitio­n. Réponse: oui, mais il manque tant… L’épreuve est l’odyssée électroniq­ue, et périlleuse, de César. Le purgatoire représente bien sûr le lieu moral où se situe Malotru. Un agent double peut-il être pardonné, c’est-à-dire revenir aux affaires de sa première maison?

«ON EST BIEN. ON A FAIT UNE SÉRIE»

Cette seule question justifiera­it une saison entière. Mais Le bureau des légendes a sa vie propre. La série se joue grâce à ses extensions sur la planète géopolitiq­ue. Et elle séduit, toujours, par la richesse à la fois des situations et des personnage­s. Lors de plusieurs interventi­ons l’année passée, au seuil de la diffusion de la troisième livraison, Eric Rochant a souvent dit: «Une saison, c’est une mini-série; deux saisons, c’est une série avortée; trois, c’est vraiment une série. On est bien, on a fait une série.» On ne sait s’il fallait vraiment une preuve en ces termes, mais de toute évidence, Le bureau des légendes est une vraie, et grande, série.

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«Le bureau des légendes», saison 4, dès le 22 octobre, Canal +.

Une fois encore, cette série prouve son talent à s’ancrer dans l’air du temps

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(RÉMY GRANDROQUE­S) César, interprété par Stefan Crepon, hacker de la DGSE qui va devoir s’infiltrer chez les Russes.

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