Le Temps

Quand on attaque les librairies

- Librairie du Boulevard, rue de Carouge 34, Genève. info@librairied­uboulevard.ch

◗ On voudrait croire que ce n’est pas vrai. Dans la nuit du 15 au 16 octobre, la Librairie du Boulevard, à Genève, a été victime d’une agression. Une vitrine a été brisée par une grille d’égout. L’acte de violence a été «signé» par un tag noir représenta­nt une croix celtique et les initiales d’un groupuscul­e d’extrême droite, qui, à en croire les quelques bribes trouvées sur le Net, se manifeste ailleurs aussi, notamment en Grande-Bretagne, en Autriche, et se présente comme «nationalis­te, patriote, conservate­ur, catholique, pan-nationalis­te, antiglobal­isation» et déclare «haïr l’idéologie de gauche». A quelques rues de là, boulevard CarlVogt, les vitres des locaux de la Conférence universita­ire des associatio­ns d’étudiants, ainsi que l’espace autogéré Le Nadir, ont été couvertes de tags, par le même groupe, la même nuit.

En quarante-trois ans d’existence, la Librairie du Boulevard n’a jamais subi de tels actes. Autogéré, spécialisé en littératur­e et sciences humaines, le Boulevard est une des librairies phares de Genève. Tandis que la grande vitrine est consacrée en ce moment à la littératur­e pour enfants, celle qui a été brisée portait sur le mouvement antifascis­te. A l’occasion de la parution en français d’Antifa. Histoire du mouvement antifascis­te allemand par Bernd Langer, les libraires avaient entre autres réunis dans cette vitrine La nature du totalitari­sme d’Hannah Arendt, 1934-1936. Un moment antifascis­te de Thierry Hohl et Vincent Chambarlac, Nuit sur l’Allemagne de Clément Moreau (107 linogravur­es des années 1937-1938), «Ce soir à 20 heures, les fascistes…». Les événements du 18 septembre 1934 à La Chaux-de-Fonds de Raymond Spira.

Dès mardi matin, les libraires ont placé un message sur la vitrine brisée: «Vitrine saccagée par l’extrême droite. Recouvrons la haine par des messages de soutien et d’ouverture!» Les post-it et feutres mis à dispositio­n ont permis et permettent toujours aux habitués de la librairie et aux simples passants d’exprimer leur solidarité. La vitrine est entièremen­t recouverte de messages. Certains entrent aussi pour échanger de vive voix. Des mots qui aident les libraires à se remettre du choc, même si l’émotion est toujours présente. «Plus les jours passent et plus ces soutiens nous aident. Nous continuons notre travail, la mise à dispositio­n des livres et des idées», glisse Damien Malfait, un des libraires. Et sur le site de la librairie, cette phrase: «Si cet événement, si choquant et bouleversa­nt soit-il, peut servir à nous resserrer, à nous réveiller, alors peut-être que ce n’était pas pour rien.»

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