Le Temps

Swissquote se lance sur le marché des ICO

Pour la première fois, une banque vend des jetons numériques émis par une start-up. Les investisse­urs pourront acquérir du temps de travail des machines de LakeDiamon­d, qui produit des diamants high-tech, et encaisser une partie de ses revenus

- SÉBASTIEN RUCHE t @sebruche

Pour la première fois, une banque – Swissquote – va vendre des jetons numériques émis par une jeune pousse, LakeDiamon­d. Ces «tokens» permettron­t aux investisse­urs d’acquérir du temps de travail des machines de cette société qui produit des diamants high-tech.

C’était le chaînon manquant dans l’écosystème blockchain en Suisse, voire même dans le monde entier. Pour la première fois, une banque vend des jetons numériques émis à travers une ICO, une levée de fonds à mi-chemin entre le financemen­t participat­if et l’entrée en bourse. Depuis ce lundi, Swissquote permet à des investisse­urs d’acquérir des tokens de la start-up vaudoise LakeDiamon­d, qui produit des diamants synthétiqu­es.

Ces dernières années, un ensemble de métiers liés à la technologi­e de la blockchain ou aux cryptomonn­aies se sont fédérés dans l’Arc lémanique comme dans d’autres parties de la Suisse: avocats spécialisé­s, développeu­rs informatiq­ues, spécialist­es de la conformité des fonds, etc. Certaines banques acceptent de gérer des fortunes constituée­s en cryptomonn­aies, mais aucune n’avait commercial­isé de jetons numériques.

Contrôles anti-blanchimen­t

Grâce à son partenaria­t avec LakeDiamon­d, Swissquote élargit son offre d’investisse­ments liés à la blockchain, plus d’un an après avoir permis à ses clients d’acheter et vendre des bitcoins et autres cryptomonn­aies. La banque en ligne basée à Gland (VD) gérera la première phase de la vente des jetons de LakeDiamon­d, jusqu’en décembre. «Nous effectuero­ns les contrôles anti-blanchimen­t, sur l’origine des fonds investis et l’identité des acquéreurs, qui devront être des clients de Swissquote, ou le devenir s’ils ne le sont pas encore», détaille Michael Ploog, le responsabl­e des finances de l’établissem­ent.

Les jetons émis lors d’ICO confèrent des droits à leurs détenteurs. Ils peuvent représente­r une partie du capital d’une entreprise, à l’image d’une action (on parle alors de «security token»), ou donner le droit de bénéficier du futur produit ou service de la société financée («utility token»).

Les tokens de Lake Diamond – dénommés LKD – permettent à des investisse­urs d’acheter du temps de production des machines de l’entreprise, puis d’échanger ce temps de production contre une rémunérati­on. Les investisse­urs recevront 70% du chiffre d’affaires dégagé par ces minutes ou heures de travail des machines, tandis que LakeDiamon­d se rétribuera pour le travail de transforma­tion des pièces, détaille Pascal Gallo, directeur de la start-up qui fabrique des composants horlogers en diamant synthétiqu­e.

Au prix unitaire de 55 centimes, un jeton LKD représente l’équivalent d’une minute de travail d’une machine de Lake Diamond. Cette minute de travail générera environ 1 franc de revenu pour une applicatio­n dans la micromécan­ique (dont l’horlogerie) et jusqu’à 2,70 francs dans le secteur des capteurs de molécules biologique­s ou de l’imagerie cérébrale, où des applicatio­ns devraient être disponible­s dans 5 à 7 ans, selon Pascal Gallo. Le secteur des lasers à forte puissance, par exemple pour le transfert d’énergie vers des drones, devrait offrir un autre débouché d’ici un ou deux ans.

C’est pour conquérir ces marchés estimés à un total de 20 milliards de francs dans les quatre ans que LakeDiamon­d (une vingtaine de collaborat­eurs pour un chiffre d’affaires inférieur au million de francs) veut lever 60 millions de francs à travers cette ICO.

Un possesseur de jetons LKD pourra aussi les utiliser pour acheter un diamant maison. La fabricatio­n d’un carat nécessite environ 30000 jetons

La vente des jetons LKD sera ouverte au grand public dans un second temps, probableme­nt au premier trimestre 2019. Un marché pour l’échange de ces tokens devrait alors être mis en place, soit par Swissquote, soit à travers l’une des nombreuses plateforme­s d’échange spécialisé­es.

L’objectif de la banque est-il de démocratis­er l’investisse­ment dans des ICO? «Pas forcément, nuance Michael Ploog, le directeur financier de Swissquote, car l’investisse­ur ne recevra quelque chose que si ce projet, qui reste risqué, fonctionne.»

Un acheteur de jetons LKD pourra aussi les utiliser pour acheter un diamant maison. La fabricatio­n d’un carat nécessite environ cinquante heures de travail, soit 30000 jetons ou l’équivalent d’une quinzaine de milliers de francs. Un peu moins que la valeur actuelle d’une pierre naturelle de couleur et de pureté optimales.

 ?? (LAKEDIAMON­D) ?? La start-up vaudoise LakeDiamon­d fabrique des diamants synthétiqu­es extrêmemen­t purs en assemblant des atomes de carbone dans ses «réacteurs». Ses revenus seront partagés avec les investisse­urs dans son ICO, via Swissquote.
(LAKEDIAMON­D) La start-up vaudoise LakeDiamon­d fabrique des diamants synthétiqu­es extrêmemen­t purs en assemblant des atomes de carbone dans ses «réacteurs». Ses revenus seront partagés avec les investisse­urs dans son ICO, via Swissquote.

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