Swissquote se lance sur le marché des ICO
Pour la première fois, une banque vend des jetons numériques émis par une start-up. Les investisseurs pourront acquérir du temps de travail des machines de LakeDiamond, qui produit des diamants high-tech, et encaisser une partie de ses revenus
Pour la première fois, une banque – Swissquote – va vendre des jetons numériques émis par une jeune pousse, LakeDiamond. Ces «tokens» permettront aux investisseurs d’acquérir du temps de travail des machines de cette société qui produit des diamants high-tech.
C’était le chaînon manquant dans l’écosystème blockchain en Suisse, voire même dans le monde entier. Pour la première fois, une banque vend des jetons numériques émis à travers une ICO, une levée de fonds à mi-chemin entre le financement participatif et l’entrée en bourse. Depuis ce lundi, Swissquote permet à des investisseurs d’acquérir des tokens de la start-up vaudoise LakeDiamond, qui produit des diamants synthétiques.
Ces dernières années, un ensemble de métiers liés à la technologie de la blockchain ou aux cryptomonnaies se sont fédérés dans l’Arc lémanique comme dans d’autres parties de la Suisse: avocats spécialisés, développeurs informatiques, spécialistes de la conformité des fonds, etc. Certaines banques acceptent de gérer des fortunes constituées en cryptomonnaies, mais aucune n’avait commercialisé de jetons numériques.
Contrôles anti-blanchiment
Grâce à son partenariat avec LakeDiamond, Swissquote élargit son offre d’investissements liés à la blockchain, plus d’un an après avoir permis à ses clients d’acheter et vendre des bitcoins et autres cryptomonnaies. La banque en ligne basée à Gland (VD) gérera la première phase de la vente des jetons de LakeDiamond, jusqu’en décembre. «Nous effectuerons les contrôles anti-blanchiment, sur l’origine des fonds investis et l’identité des acquéreurs, qui devront être des clients de Swissquote, ou le devenir s’ils ne le sont pas encore», détaille Michael Ploog, le responsable des finances de l’établissement.
Les jetons émis lors d’ICO confèrent des droits à leurs détenteurs. Ils peuvent représenter une partie du capital d’une entreprise, à l’image d’une action (on parle alors de «security token»), ou donner le droit de bénéficier du futur produit ou service de la société financée («utility token»).
Les tokens de Lake Diamond – dénommés LKD – permettent à des investisseurs d’acheter du temps de production des machines de l’entreprise, puis d’échanger ce temps de production contre une rémunération. Les investisseurs recevront 70% du chiffre d’affaires dégagé par ces minutes ou heures de travail des machines, tandis que LakeDiamond se rétribuera pour le travail de transformation des pièces, détaille Pascal Gallo, directeur de la start-up qui fabrique des composants horlogers en diamant synthétique.
Au prix unitaire de 55 centimes, un jeton LKD représente l’équivalent d’une minute de travail d’une machine de Lake Diamond. Cette minute de travail générera environ 1 franc de revenu pour une application dans la micromécanique (dont l’horlogerie) et jusqu’à 2,70 francs dans le secteur des capteurs de molécules biologiques ou de l’imagerie cérébrale, où des applications devraient être disponibles dans 5 à 7 ans, selon Pascal Gallo. Le secteur des lasers à forte puissance, par exemple pour le transfert d’énergie vers des drones, devrait offrir un autre débouché d’ici un ou deux ans.
C’est pour conquérir ces marchés estimés à un total de 20 milliards de francs dans les quatre ans que LakeDiamond (une vingtaine de collaborateurs pour un chiffre d’affaires inférieur au million de francs) veut lever 60 millions de francs à travers cette ICO.
Un possesseur de jetons LKD pourra aussi les utiliser pour acheter un diamant maison. La fabrication d’un carat nécessite environ 30000 jetons
La vente des jetons LKD sera ouverte au grand public dans un second temps, probablement au premier trimestre 2019. Un marché pour l’échange de ces tokens devrait alors être mis en place, soit par Swissquote, soit à travers l’une des nombreuses plateformes d’échange spécialisées.
L’objectif de la banque est-il de démocratiser l’investissement dans des ICO? «Pas forcément, nuance Michael Ploog, le directeur financier de Swissquote, car l’investisseur ne recevra quelque chose que si ce projet, qui reste risqué, fonctionne.»
Un acheteur de jetons LKD pourra aussi les utiliser pour acheter un diamant maison. La fabrication d’un carat nécessite environ cinquante heures de travail, soit 30000 jetons ou l’équivalent d’une quinzaine de milliers de francs. Un peu moins que la valeur actuelle d’une pierre naturelle de couleur et de pureté optimales.
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