Le Temps

Tous les fraudeurs sont égaux, mais certains plus que d’autres

- PHILIPPE NANTERMOD @nantermod

«Les fraudeurs fiscaux n’ont pas besoin de protection.» C’était le titre d’un communiqué du PS Suisse. En 2015, les camarades s’enthousias­maient pour l’échange automatiqu­e d’informatio­ns entre les banques et le fisc. La belle affaire. Permettre enfin aux percepteur­s de lutter contre la fraude en dehors de toute décision. Les bonnes vieilles fishing

expedition­s. Sans besoin du moindre soupçon. Accéder directemen­t à votre compte en banque. C’était pour la bonne cause, on ne s’embarrassa­it pas de procédures.

On ne les a pas beaucoup entendus prôner le respect de la présomptio­n d’innocence lorsqu’ils ont voté des accords d’échange automatiqu­e de renseignem­ents, par dizaines. Quand il fut décidé de livrer pieds et poings liés des listes de citoyens russes, turcs ou brésiliens à leurs sympathiqu­es régimes.

Je me souviens les avoir vus dérouler le tapis rouge pour le brigand Falciani. A l’époque où celui-ci faisait la tournée des trésors publics européens, mendiant la vente sous le manteau de ses CD-ROM de données volées à des Etats aux abois, plus enclins à marcher sur leurs propres principes que de s’imposer une petite politique de rigueur budgétaire.

Ah, ils étaient beaux, ceux qui vous expliquaie­nt le poing tendu qu’il n’y aurait pas de pitié pour les fraudeurs du fisc! Qu’on les ferait raquer jusqu’au dernier centime. On ne demandait pourtant pas la lune. Simplement une ou deux garanties de procédure. Des investigat­ions individuel­les, fondées sur quelque chose de concret. Mais pour le bien, l’impôt, rien n’était assez incisif.

Et badaboum, voilà que l’on parle de fraude aux assurances sociales. Les mêmes qui vous bassinaien­t de leur morale fiscale sont devenus les jusqu’au-boutistes de la sphère privée. Affirmant que la lutte contre la fraude est, par essence, une violation des droits fondamenta­ux. Qu’un soupçon ne suffit pas à enquêter. Que même les procédures ciblées et limitées nous rappellent les «heures les plus sombres». Que l’on ne peut quand même pas photograph­ier des gens en pleine rue sans tomber dans l’autoritari­sme. Big Brother arrive! On n’en peut plus des comparaiso­ns avec 1984. Tricheurs de tous les pays, unissez-vous. Et puisqu’on en est à George Orwell, disons-le: tous les fraudeurs sont égaux.

Mais certains le sont plus que d’autres.

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