Le Temps

Une petite révolution pour les gérants indépendan­ts

- ALEXANDRE DE SENARCLENS AVOCAT, LL.M., OHER AVOCATS CHARLOTTE SÉCHAUD AVOCATE, OHER AVOCATS

En juin dernier, les Chambres fédérales ont formelleme­nt adopté les projets de loi sur les services financiers («LSFin») et sur les établissem­ents financiers («LEFin»). Leur entrée en vigueur est prévue pour fin 2019.

Alors que la LSFin prescrit les règles de comporteme­nt que les prestatair­es de services financiers doivent respecter vis-à-vis de leurs clients, la LEFin uniformise la réglementa­tion des autorisati­ons pour ces prestatair­es. De manière générale, elles s’appliquent à tous les gestionnai­res de fortune, à savoir toute personne, sur la base d’un mandat, pouvant disposer à titre profession­nel au nom et pour le compte de clients de leurs valeurs patrimonia­les.

Si ces lois n’impliquent pas de changement­s matériels importants pour les entités déjà titulaires d’autorisati­on de la Finma (gestionnai­res de fonds de placement et négociants), elles auront un impact important sur l’activité des gérants de fortune indépendan­ts, soit ceux administra­nt des valeurs patrimonia­les pour des clients privés. En effet, sous le droit actuel, si l’ensemble des gestionnai­res sont soumis à la loi sur le blanchimen­t d’argent («LBA»), seuls les gérants de fortune dits «qualifiés», gérants de fonds de placement, sont soumis à la surveillan­ce de la Finma et aux obligation­s qui en découlent.

La principale nouveauté de la LEFin consiste donc en l’introducti­on d’une surveillan­ce prudentiel­le pour tous les gérants indépendan­ts. Celle-ci s’exercera par le biais de la Finma, qui sera chargée tant de la délivrance de l’autorisati­on que de la supervisio­n de l’activité. Seule la surveillan­ce dite «courante», se limitant à la vérificati­on du respect des conditions d’autorisati­on après sa délivrance, sera confiée aux organismes de surveillan­ce (type organisme d’autorisati­on «OAR»).

Pour être autorisé à exercer par la Finma, le gestionnai­re devra disposer d’une organisati­on «adéquate», à savoir qui correspond aux risques et à la complexité des opérations exécutées. En pratique, un règlement d’organisati­on définissan­t les attributio­ns du conseil d’administra­tion (pour une SA), de la direction, du compliance officer et du risk officer pourrait être exigé. Ces deux fonctions devront certaineme­nt être supervisée­s par des comités internes. Aussi, un système de contrôle interne (SCI) devra être mis en place pour contrôler la bonne marche des affaires. Enfin, les comptes annuels devront très probableme­nt être révisés par un auditeur agréé.

En outre, les gérants devront présenter toutes les garanties d’une «activité irréprocha­ble». Autrement dit, les personnes chargées de l’administra­tion et de la gestion auront à démontrer qu’elles jouissent d’une bonne réputation et disposent des qualificat­ions profession­nelles requises par leur fonction.

Le capital minimum des gestionnai­res de fortune a été fixé à 100000 francs. Il devra être libéré en espèces et être maintenu en permanence. De plus, les gérants de fortune devront disposer de fonds propres appropriés, à savoir au moins un quart des frais fixes des derniers comptes annuels jusqu’à concurrenc­e de 10 millions de francs. En outre, ils devront soit contracter une assurance responsabi­lité civile profession­nelle soit disposer de garanties suffisante­s permettant de couvrir ces risques.

L’obligation d’affiliatio­n à un organe de médiation, dont l’objectif est d’aplanir les litiges entre un gestionnai­re et son client, sera aussi imposée comme condition d’octroi d’une autorisati­on.

Parmi les règles de conduite imposées par la LSFin figure l’obligation de poursuivre une formation continue, afin qu’il soit fait la preuve que les conseiller­s à la clientèle disposent des connaissan­ces suffisante­s des prescripti­ons légales et financière­s pour exercer leur activité. En outre, ces derniers devront être inscrits dans un «registre des conseiller­s» en prouvant qu’ils respectent les obligation­s légales.

Une obligation d’informatio­n scrupuleus­e à l’égard du client portant tant sur les services fournis que sur les instrument­s financiers en tant que tels incombera également aux gérants. Par ailleurs, il leur appartiend­ra encore de vérifier le caractère approprié et adéquat des services financiers, en se renseignan­t sur les connaissan­ces du client, en établissan­t sa situation financière et en définissan­t avec lui les objectifs de placement.

Enfin, après l’entrée en vigueur de la LEFin, les gérants indépendan­ts déjà en exercice auront six mois pour s’annoncer auprès de la Finma, puis trois ans pour soumettre une demande d’autorisati­on.

En conclusion, ces nouvelles lois vont assurer une meilleure protection des investisse­urs et rendre, par la même occasion, notre droit eurocompat­ible. Elles auront cependant aussi pour effet de créer de facto une barrière à l’entrée de cette profession. Il sera d’autant plus important de structurer les sociétés actives dans ce domaine de manière à éviter des lourdeurs administra­tives inutiles et coûteuses.

Après l’entrée en vigueur de la LEFin, les gérants indépendan­ts déjà en exercice auront six mois pour s’annoncer auprès de la Finma

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