Confidences d’une reine
«Je n’ai jamais voulu être une bonne skieuse, je voulais être la meilleure du monde.» Et Mikaela Shiffrin l’est devenue. A 23 ans, l’Américaine affiche déjà un palmarès qui affole les statistiques. Rencontre à Sölden, en Autriche, où débute ce week-end une nouvelle saison de Coupe du monde.
La Coupe du monde de ski alpin commence alors que l’automne n’est pas fini, dans une station autrichienne qui accueille le temps d’un week-end tout ce que la discipline compte d’athlètes, de hauts responsables, de suiveurs et de fans enthousiastes dans une effervescence sans pareille
Le somptueux paysage alpin défile de part et d’autre de la route. Tumpen, Umhausen, Längenfeld, les paisibles bourgades et leurs maisons typiques du Tyrol autrichien se succèdent jusqu’à, enfin, atteindre Sölden. Rituel immuable depuis le passage à l’an 2000: lorsque le mois d’octobre arrive, il est temps de remonter l’Ötztal pour le début de la Coupe du monde de ski alpin.
Cette année, les premières épreuves de la saison se sont profilées comme un spectacle d’hiver dans un théâtre automnal. L’instinct aurait commandé, pour profiter des alentours, d’emporter shorts et chaussures de randonnée plutôt que doudoune et lattes. Dominant les hauts de la station, les sommets sont bien blancs, mais pour assurer un enneigement suffisant et satisfaisant sur les glaciers du Rettenbach, les organisateurs avaient stocké d’énormes quantités de neige de l’an dernier dans des entrepôts. Finalement, l’hiver devrait être au rendez-vous, et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle: d’importantes précipitations sont annoncées pour le weekend – pluie en station, neige à 3000 mètres – et elles menacent la tenue des slaloms géants prévus samedi (dames) et dimanche (messieurs).
Si tôt dans l’année
Mais il se joue à Sölden davantage que deux des nombreuses épreuves au programme de l’hiver. C’est dans le Tyrol autrichien que le cirque blanc remonte son chapiteau, dans une effervescence qui n’existe qu’à cette occasion. Durant des mois, skieuses et skieurs ont travaillé leurs gammes dans l’ombre, loin de l’excitation de la compétition et de la lumière des projecteurs. Une saison qui commence, c’est pour eux une nouvelle opportunité de briller. Même si elle se présente tôt, très tôt, comme le relève le Valaisan Marc Rochat, de l’aventure pour la première fois. «C’est un moment étrange, car tout le monde vient pour se jauger et en même temps, personne n’est complètement prêt. De fait, les résultats de Sölden ne se confirment souvent pas sur la saison qui suit…»
Les plus prudents dans leurs déclarations sont d’ailleurs les champions les plus installés, à l’instar de la double tenante du grand globe de cristal Mikaela Shiffrin, qui remet sa domination en jeu, quand les outsiders aiguisent leurs ambitions. «L’idée, c’est de faire un bond en avant au classement général», témoigne l’Obwaldienne Michelle Gisin, 7e l’an dernier. Avec Wendy Holdener (2e) et Lara Gut (12e), la Suisse dispose d’une équipe de skieuses déterminées à faire vaciller le trône de l’Américaine. «On va essayer de ne pas lui rendre la vie facile», reprend la championne olympique du combiné alpin dans un sourire. Davantage une déclaration d’intention… que de guerre. Car Sölden marque surtout de joyeuses retrouvailles.
Le Cirque blanc est un très petit milieu. Athlètes, entraîneurs, membres de staff, responsables de marques de sport, journalistes habitués, tout le monde se connaît, se tutoie, s’appelle par son prénom, voire se paie des verres le soir venu. Les questions des reporters agaceront peut-être, dans quelques mois, les athlètes qui n’auront pas rencontré le succès escompté, mais à Sölden, elles sont accueillies avec camaraderie. A la fin de sa petite rencontre avec les représentants des médias romands, Wendy Holdener applaudit leurs progrès dans la compréhension de son (bon) allemand: «C’est super, vous avez tous bien suivi! Bravo!»
A Sölden, dames et messieurs
sont réunis sur le même lieu au même moment pour l’une des seules fois de la saison. Même les athlètes qui ne participent pas au slalom géant sont de la partie, présentation des équipes nationales ou des «écuries» de marque oblige. Dans la Dorfstrasse, où s’alignent restos modernes et après-ski traditionnels, on croise le descendeur Beat Feuz. Un peu plus loin, voilà Lara Gut sous sa fameuse casquette. La délégation norvégienne sort en troupeau d’un hôtel cossu. Dans un magasin de sport, quelques slalomeurs autrichiens signent des posters à des fans débordant sur la chaussée. Au sein de la Freizeit Arena, gros bâtiment sans âme abritant un parc aquatique, un restaurant, l’office du tourisme et les bureaux de la Coupe du monde, la Fédération internationale de ski tient son «Forum alpin» pour faire le point sur la saison qui s’annonce. Colonnes de voitures
Colonnes de voitures
Tout ce que le ski alpin compte de stars, de hauts responsables et d’enthousiastes est réuni sur quelques kilomètres carrés, tandis que la colonne de voitures ne semble plus devoir s’arrêter. Jeudi soir, Sölden la sage se couchait tôt. Vendredi, elle se préparait frénétiquement à la fête.