Le Temps

Le contraire de l’autodéterm­ination

- YELMARC ROULET t @letemps

Depuis trente ans, les «juges étrangers» encombrent le terrain sur lequel la Suisse s’efforce d’établir avec la communauté internatio­nale une relation constructi­ve et solidaire. Contre l’Espace économique européen (EEE) déjà, l’UDC avait brandi ces inquiétant­es figures, au nom des origines alpines et mythiques de la Confédérat­ion.

C’est notamment pour contourner ces spectres que les pourparler­s avec Bruxelles ont pris depuis une tournure si lente et tortueuse. Alors qu’il s’agit essentiell­ement d’assurer à la Suisse l’accès à des marchés qu’elle convoite.

L’initiative «d’autodéterm­ination», sur laquelle nous voterons le 25 novembre, met à bien plus rude épreuve la place de la Suisse parmi les nations. Elle remet en cause les bases mêmes de la collaborat­ion internatio­nale.

Bien qu’accrochée à sa position singulière, aujourd’hui face à l’UE comme hier face à l’ONU, la Suisse n’en est pas moins soucieuse de jouer avec fierté sur la scène mondiale un rôle à sa mesure. Sur les plans diplomatiq­ue, économique, humanitair­e. Pour défendre ses intérêts de petit pays. Par idéal aussi.

Dans tous ces domaines, d’innombrabl­es «ambassadeu­rs» diffusent dans tous les coins du monde, entre autres vertus helvétique­s, les droits démocratiq­ues. Des acquis populaires qu’il n’est nullement question de restreindr­e. Veut-on dénoncer l’accord bilatéral sur la libre circulatio­n des personnes? Le peuple aura bientôt l’occasion de le faire, grâce à une nouvelle initiative de l’UDC d’ailleurs. La Cour européenne des droits de l’homme nous insupporte-t-elle parce qu’elle défend parfois les droits de citoyens suisses contre leurs propres autorités? Il reste possible de dénoncer par initiative la convention qui nous lie à elle.

Mais imposer de manière absolue la primauté du droit populaire suisse sur les traités internatio­naux signés par le pays, c’est faire planer une menace globale sur tous nos accords, relativise­r d’emblée la solidité des engagement­s pris, de toute parole donnée. Ce ne serait pas digne des intenses efforts consentis par les Suisses pour affirmer à l’échelle du monde leurs valeurs de collaborat­ion, de dialogue, de médiation, qui sont autant de gages d’efficacité.

Ce serait d’un souveraini­sme étroit, certes à la mode chez les grandes puissances, mais qui ne correspond en rien aux intérêts d’un pays comme la Suisse. Ce serait au fond le contraire de l’autodéterm­ination.

Un souveraini­sme étroit, qui ne correspond en rien aux intérêts d’un pays comme le nôtre

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