Le Temps

«Salt manque encore de flexibilit­é»

TECHNOLOGI­E Nouveau directeur de Salt, Pascal Grieder reconnaît que le service clients n’a pas été bon, mais affirme qu’il s’est déjà sensibleme­nt amélioré. Pour lui, l’offre sur fibre doit permettre d’acquérir de nouveaux abonnés, notamment en provenance

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANOUCH SEYDTAGHIA t @Anouch

Style décontract­é, tutoiement quasi immédiat, Pascal Grieder détonne dans le monde des télécoms suisses. L'homme, qui était inconnu du grand public jusqu'à sa nomination le 27 août à la tête de Salt, dirige l'opérateur basé à Renens depuis le 1er septembre. Ecarté avec effet quasi immédiat, Andreas Schönenber­ger, son prédécesse­ur, aura dirigé Salt moins de deux ans et demi.

Ancien Managing Partner pour Digital McKinsey Switzerlan­d, Pascal Grieder arrive à la tête d'un opérateur en pleine mutation. Ces derniers mois, Salt s'est séparé de dizaines d'employés avant de se lancer, au printemps, sur le réseau fixe via une offre sur fibre optique. Interview d'un Alémanique, dont le français est plutôt bon, qui va déménager en décembre avec sa femme et ses trois enfants près de Morges.

Votre prédécesse­ur a dû partir rapidement après une courte période à la tête de Salt. Dans quel état d’esprit êtes-vous en arrivant ici? Il y a souvent des changement­s rapides à la tête des entreprise­s de télécoms, c'est le jeu. Je ne suis pas focalisé sur ma personne mais sur ma mission. Rassurez-vous, cela ne m'empêche pas de dormir la nuit.

Qu’exige de vous l’homme d’affaires français Xavier Niel, propriétai­re de Salt via sa filiale NJJ? D'abord, Salt est en bonne santé financière et augmente désormais le nombre de ses abonnés. Il s'agit pour moi, désormais, d'augmenter le chiffre d'affaires tout en étant attentif à nos résultats financiers. Pour y arriver, je veux encore améliorer la satisfacti­on de nos clients en pratiquant une tolérance zéro face aux problèmes. Nous sommes aujourd'hui en bonne position, avec 80% de satisfacti­on… Seulement 80%? Parfois, nous avons encore de la peine à résoudre facilement des problèmes lorsqu'ils sont peu courants. Nous manquons de rapidité et de flexibilit­é, mais nous sommes sur la bonne voie pour nous améliorer.

Reste que, historique­ment, Salt traîne une mauvaise réputation pour le service clients. Nous sommes aujourd'hui nettement meilleurs qu'il y a deux ans, voire un. Nous ne sommes pas encore au niveau voulu et nous y travaillon­s dur. Lors du dernier Telekom-Rating de Bilanz, mesurant la satisfacti­on, Salt a obtenu 19,7 points, Swisscom 20,8. Un ménage classique qui nous choisit pour son offre globale économiser­a 1000 francs par année par rapport à notre concurrent. Est-ce que, pour un point de différence, des ménages sont prêts à payer 1000 francs de plus? Je ne suis pas certain. Notre offre est ultra-concurrent­ielle. En Suisse, pourtant, le prix ne semble pas être le premier critère pour les consommate­urs. C'est vrai. Mais je ne vous parle pas d'une différence de 10 ou 20 francs par année, mais de 1000 francs. Il y a donc des opportunit­és incroyable­s pour acquérir de nouveaux clients. Je me concentre sur la qualité du service et je suis convaincu que nous allons progresser. Salt doit offrir un service clients irréprocha­ble. Cependant vous ne comptez plus que 700 employés environ, après avoir procédé à des dizaines de licencieme­nts. Comment améliorer le service avec moins de collaborat­eurs? C'est simple: offrir un meilleur service, c'est aussi faire en sorte de ne pas avoir à fournir de service aprèsvente car tout fonctionne parfaiteme­nt. C'est notre but.

Allez-vous poursuivre la restructur­ation amorcée il y a plusieurs années? Salt est comme un athlète: nous avons perdu du poids, nous sommes «fit», mais pour rester en forme nous devons en permanence faire attention, notre effort ne cessera jamais. Cela dit, la phase de restructur­ation est à présent dernière nous. Vous avez internalis­é beaucoup de services. Continuere­z-vous sur cette voie? Il n'y a pas de plan prévu mais, si une occasion se présente, nous agirons.

Espérez-vous encore croître face à Swisscom, qui détient plus de 60% du marché, et à Sunrise, qui engrange actuelleme­nt plus de clients que vous? Absolument. Il n'y a plus vraiment de différence de qualité entre les opérateurs et les prix comptent de plus en plus. Et nous sommes, de très loin, les mieux positionné­s. Nous sommes en plus présents sur le fixe, avec une offre sur fibre optique depuis ce printemps. Nous investisso­ns sur le long terme en fibre, avec des contrats de location de plusieurs années. Nous sommes un petit acteur sur le marché des télécoms, avec un potentiel de croissance énorme. Faire connaître votre offre sur fibre ne sera pourtant pas facile… C'est vrai. Et les Suisses sont plutôt peu enclins à changer de fournisseu­r. C'est pourquoi cela prend du temps. Mais le rapport qualité-prix de notre produit est tel que je suis certain qu'il sera un succès. Le nombre d'abonnés est encouragea­nt.

Mais vous avez connu des soucis au début, avec des clients qui devaient attendre des semaines avant de recevoir leur modem… Au démarrage, nous avons eu des problèmes au niveau logistique avec nos partenaire­s d'infrastruc­ture qui ont pu être résolus. Les clients concernés n'étaient pas contents, ce que je comprends. Désormais, toutefois, la grande majorité des clients sont servis dans les temps et ils sont très satisfaits du produit.

«Il n’y a plus vraiment de différence de qualité entre les opérateurs et les prix comptent de plus en plus»

Swisscom, UPC et Sunrise vont jusqu’à doubler, actuelleme­nt, leurs débits internet. De quoi rendre Salt Fiber moins concurrent­iel? En aucun cas, nous sommes tellement plus intéressan­ts! Avec la connexion internet de loin la plus rapide de Suisse, nous offrons une expérience TV fantastiqu­e pour seulement 40 francs par mois, y compris la téléphonie fixe. C'est absolument unique.

Pensez-vous lancer votre offre fixe aussi sur le réseau de cuivre? C'est vrai, nous ne couvrons, en fibre, potentiell­ement qu'un tiers des ménages. Nous avons des options pour étendre notre couverture, mais je ne peux rien dire pour l'heure.

Récemment, le Conseil national a refusé que Swisscom soit davantage régulé. Votre avis? C'est un scandale pour les consommate­urs et pour la place économique suisse, tout simplement. Le Conseil fédéral proposait une loi disant que si un opérateur abusait de sa position dominante, peut-être que quelque chose pourrait être entrepris pour limiter sa domination… Même une propositio­n aussi vague et peu contraigna­nte a été refusée par le Conseil national. C'est incompréhe­nsible.

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(DOM SMAZ POUR LE TEMPS) «Je veux encore améliorer la satisfacti­on de nos clients en pratiquant une tolérance zéro face aux problèmes», affirme Pascal Grieder, patron de Salt.

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