L’initiative de l’UDC s’en prend non pas aux «juges étrangers» mais aux juges suisses
Les chances de remporter une médaille aux Jeux olympiques augmentent d’autant que le degré de parenté avec un précédent médaillé est élevé. La part des gènes et de l’environnement reste difficile à démêler, selon une nouvelle étude
22 février 2018, la skieuse suisse Michelle Gisin, 24 ans, remporte la médaille d’or du combiné alpin aux Jeux olympiques (JO) de Pyeongchang en Corée du Sud. Quatre ans plus tôt, le 12 février 2014, sa soeur aînée Dominique avait déjà remporté une médaille d’or, celle de la descente, aux JO de Sotchi en Russie. Leur frère Marc est également un skieur de très haut niveau. En France, on se souvient des soeurs Goitschel, Christine et Marielle, toutes deux médaille d’or respectivement en slalom et en géant aux JO d’Innsbruck de 1964 en Autriche. Et en Russie, de la gymnaste naturalisée américaine Anastasia Liukin, trois fois médaillée aux JO de Pékin en 2008, fille du gymnaste Valeri Liukin lui aussi médaillé plusieurs fois. Comment expliquer l’existence de telles familles de champions?
C’est ce qu’explore une étude française publiée dans la revue Frontiers in physiology. Les chercheurs ont regardé s’il existait des liens familiaux entre les 125051 sportifs du monde entier qui ont participé aux Jeux olympiques depuis ceux de 1896 à Athènes jusqu’à ceux de 2012, et si ces liens augmentaient leurs chances de gagner une médaille. Résultat: il existe 5661 liens familiaux parmi ces athlètes olympiens et alors que la probabilité de gagner une médaille pour tout participant aux JO est en moyenne de 20,4%, cette probabilité augmente beaucoup si le participant a déjà dans sa famille un médaillé olympique. Elle passe à 44,4% pour les neveux et nièces d’un médaillé, 43,4% pour ses enfants, 64,8% pour les frères et soeurs, 75,5% pour les jumeaux dizygotes et 85,7% pour les homozygotes (ceux qui ont le même génome).
Autrement dit, pour tout participant aux JO, la probabilité d’obtenir une médaille augmente fortement si un membre de sa famille a déjà été médaillé. Et plus le lien de parenté est proche, plus la probabilité de conquérir une place sur le podium est grande, sauf pour les neveux. «Cette étude est intéressante dans la mesure où elle porte sur l’ensemble des participants aux JO depuis leur création et où elle montre une forte corrélation entre le fait d’être apparenté à un médaillé et la probabilité de gagner une médaille», commente Fabien Ohl, sociologue du sport à l’Université de Lausanne.
Cette corrélation augmente même au cours du temps. En effet, lors des premiers jeux, entre 1886 et 1912, les Olympiens qui avaient un frère ou une soeur médaillé(e) doublaient leur probabilité de répéter le même exploit; mais lors des compétitions plus récentes, leur chance d’être médaillé est devenue trois fois supérieure à celle des Olympiens sans lien familial. L’explication serait que les compétitions les plus récentes sont de plus en plus sélectives car on approche les limites physiologiques du corps – il devient difficile d’établir de nouveaux records du monde – et ceci tendrait à privilégier ceux qui ont les meilleures prédispositions génétiques.
Environnement favorable
Les auteurs de l’étude évaluent que la contribution génétique à l’héritabilité d’une médaille serait de 20,5% chez les athlètes de haut niveau participant aux JO. Les gènes impliqués ne sont pas précisément identifiés, mais il est probable qu’ils offrent des caractéristiques physiques et mentales favorables aux performances sportives. Fabien Ohl tempère cependant ces conclusions. «Ce que les auteurs montrent c’est que 20,5% des Olympiens réussissent à être médaillés en raison d’un lien familial; de là à dire qu’il s’agit d’un lien génétique, rien n’est prouvé. De nombreux travaux attestent aussi du rôle majeur de l’héritage culturel lié à l’environnement familial.»
Les familles qui abritent des champions olympiques constituent souvent un milieu très favorable à la compétition: entraînement, suivi médical, gestion de carrière, soutien familial, moyens économiques. Les auteurs de la recherche ne nient d’ailleurs pas cet aspect. Pour eux, ces facteurs socioculturels expliqueraient un phénomène également révélé par leur étude: la probabilité d’être médaillé si un parent l’est augmente quand le délai entre la participation des deux athlètes aux JO raccourcit, probablement parce qu’un médaillé olympique dans une famille crée un maximum d’effet d’entraînement à court terme.
Enfin, la probabilité de monter sur le podium est aussi plus forte si les sportifs apparentés s’adonnent à la même discipline. «Il faudrait aussi chercher des explications du côté de l’épigénétique: si on s’entraîne beaucoup dans une famille, cela pourrait modifier l’expression de certains gènes et une partie de ces modifications peut se transmettre», souligne Fabien Ohl. Si les gènes jouent indubitablement un rôle dans la chance de devenir champion olympique, reste donc à découvrir lequel.
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«Si on s’entraîne beaucoup dans une famille, cela pourrait modifier l’expression de certains gènes» FABIEN OHL, SOCIOLOGUE DU SPORT