Le Temps

«Bodyguard», fiction magistrale mais dont le suspense s’estompe au fil des épisodes

- NICOLAS DUFOUR @NicoDufour

David (Richard Madden), ancien combattant en Afghanista­n devenu policier, semble mû par des motivation­s troubles.

Netflix relaie ce feuilleton qui a triomphé sur la BBC. Il maximise les atouts et les défauts des mini-séries de thriller: exposition fabuleuse, conclusion fastidieus­e

La première scène de Bodyguard est magistrale, 22 minutes de tension rare. David, un policier, ancien combattant en Afghanista­n, est dans le train avec ses enfants, qu’il amène à leur mère. Entre la gare et l’intérieur du wagon, il enregistre des mouvements suspects. Interpella­nt la cheffe de train, il apprend qu’une alerte terroriste a été émise à l’égard de ce convoi. Il se retrouve face à une jeune femme ceinturée d’explosifs…

Une relation trouble avec la ministre de l’Intérieur

Le suspense est remarquabl­e, et Jed Mercurio, qui a travaillé pour Line of Duty, pose sa fiction par un coup de poing. Commandité­e par la BBC, produite par une société qui entre-temps a été rachetée par le concurrent ITV, Bodyguard, mini-série de six épisodes, a une histoire industriel­le complexe. Elle a triomphé en Grande-Bretagne, et vient d’être achetée par Netflix, qui la relaie pour le reste du monde. Le réseau ne donne pas ses chiffres mais la signale parmi ses succès du moment.

Après l’attentat manqué du train, David est affecté à la protection personnell­e de la ministre de l’Intérieur, Julia Montague. Celle-ci est haïe par des amis de David, anciens combattant­s qui la voient à la fois comme la responsabl­e qui les a envoyés au massacre et celle qui viole les valeurs pour lesquelles ils ont combattu, à commencer par les libertés personnell­es. La ministre défend en effet une loi de sécurité nationale jugée liberticid­e.

Pendant les trois premiers épisodes, le spectateur est soufflé par l’implacable mécanique de Bodyguard, d’autant plus qu’il est sans cesse déstabilis­é par l’intrigue, ne sachant jamais à quel personnage se fier. Le danger vient-il vraiment des terroriste­s, de Julia, voire de David? Pour ne pas spoiler, on ne peut guère résumer la suite. Disons que dans un premier temps, le soupçon porte sur David, qui semble avoir une méchante idée derrière la tête.

Des clichés à la pelle

Ensuite, la mini-série bascule dans sa phase de résolution­s des intrigues… et verse dans une alignée de clichés qui confine au ridicule dans l’ultime épisode. L’auteur fait montre d’une spectacula­ire sinuosité avec ses personnage­s, en premier lieu la jeune femme des débuts, au point de perdre toute crédibilit­é. David, lui, évolue d’une manière si forcée qu’on en sourit, au mieux.

De fait, Bodyguard maximise les atouts et les défauts des mini-séries à suspense. Dans son exposition des risques ambiants, durant ses trois premiers chapitres, la série tétanise son public; ensuite, elle l’ennuie. Les querelles entre services deviennent lassantes, le jeu d’attraction-répulsion entretenu autour du personnage de David aussi.

Ne boudons pas totalement notre plaisir. Bodyguard reste une puissante mini-série. A travers ses couches sécuritair­es et politiques, elle s’inscrit dans une riche tradition britanniqu­e, songeons à l’inoubliabl­e State of Play. Pour qu’elle conserve son impact massif des débuts, il eût sans doute fallu qu’elle se termine plus rapidement. ■

Pendant les trois premiers épisodes, le spectateur est soufflé par l’implacable mécanique de la série

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