Le Temps

Le diable se cache dans le texte, jamais dans le titre

- PHILIPPE NANTERMOD t @nantermod

Bien choisir son titre. C’est un peu le défi hebdomadai­re des chroniqueu­rs du Temps. Pour attirer l’attention. Pour vous donner envie de lire. Pour durer.

On dit que près de 60% des gens partagent des articles dont ils n’ont lu… que le titre. Autant dire qu’il vaut mieux se concentrer davantage sur les 50 caractères espaces compris de l’intitulé que sur cette prose que la plupart d’entre vous ne parcourrez même pas. J’en profite au passage pour saluer les téméraires qui n’ont pas encore tourné la page.

Face à la concurrenc­e de la titraille de la colonne d’à côté, on trouve des parades pour attirer le chaland. Dans le jargon des réseaux sociaux, on parle vulgaireme­nt de «putes à clics». Des mots forts pour susciter la curiosité. Ainsi, pour vous pousser à me lire, j’aurais dû choisir: «L’invraisemb­lable scandale des titres falsifiés.» Ou: «Un élu usurpe à nouveau un titre!»

Le lecteur est ingrat. L’électeur aussi. Ce qui vaut pour mes chroniques vaut pour les initiative­s populaires. Pour vendre une nouvelle taxe, on vous promet une «économie verte». Pour faire passer des restrictio­ns bureaucrat­iques, on parle de «fair food». Pour toucher des subvention­s, on écrit «vaches à cornes».

Les titres des initiative­s sont les grands oubliés des débats parlementa­ires. On n’y pense pas trop. Ils n’ont pas de portée juridique. Alors on passe dessus comme chat sur braise, jusqu’à la votation. Là, ils deviennent une ligne de publicité gratuite et bienvenue pour des articles constituti­onnels compliqués et ennuyeux.

Au hasard, prenez les «juges étrangers». L’initiative ne parle pas de juges. Ni d’étrangers d’ailleurs. Vous pouvez fouiller, les deux termes n’apparaisse­nt jamais dans le texte de l’initiative. Pas plus que cette prétendue «autodéterm­ination». En réalité, on n’y parle que de hiérarchie des normes, de droit internatio­nal et de constituti­onnalité. Rien de très folichon. Pas de quoi gagner une campagne de votation. Surtout quand on comprend que le but réel, c’est de forcer la Suisse à transgress­er ses engagement­s, au gré de l’humeur du jour.

Cette initiative aurait pu s’intituler «Pinocchio: pour que la Suisse ne tienne plus sa parole». Les débats auraient été bien différents. Comme quoi, un bon titre, c’est le secret de la réussite.

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