Le Temps

Le Pacte de l’ONU pour les migrations divise le parlement

- BERNARD WUTHRICH, BERNE t @BdWuthrich

Le gouverneme­nt souhaite signer, avec une réserve, un projet de traité internatio­nal sur les réfugiés. Des commission­s parlementa­ires délivrent des messages contradict­oires

Le Conseil fédéral doit-il approuver le Pacte mondial des Nations unies pour les migrations les 10 et 11 décembre à Marrakech? C’est son intention. Il l’a annoncée le 10 octobre. Mais cette perspectiv­e fait des vagues, à tel point qu’une commission parlementa­ire émet de sérieuses réserves à ce sujet alors que d’autres sont divisées. Comme il l’avait promis, le gouverneme­nt les a consultées avant de prendre une décision définitive.

La Commission des institutio­ns politiques du Conseil national (CIP-N) s’est manifestée la première. Le 19 octobre, elle a adopté une motion qui demande que la décision d’approbatio­n soit soumise aux Chambres fédérales. Une semaine plus tard, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats (CPE-E) a adressé au Conseil fédéral une lettre annonçant son intention de déposer une requête similaire. Vendredi dernier, la CIP-N a franchi un pas de plus: par 15 voix contre 9, elle a formelleme­nt décidé de recommande­r au Conseil fédéral de ne pas approuver ce traité migratoire. Cette revendicat­ion sera discutée en séance plénière du Conseil national le 6 décembre. Ambassadeu­r actif et décrié

Lundi, la CPE-N a émis un avis différent. Par 14 voix contre 10, elle recommande au Conseil fédéral d’apposer sa signature au bas du pacte de l’ONU. Dans des proportion­s similaires, elle a refusé de soumettre celui-ci au vote obligatoir­e ou de recueillir formelleme­nt l’avis des Chambres fédérales. La commission soeur du Conseil des Etats n’a pas encore rendu son verdict. Elle se réunit une nouvelle fois lundi prochain.

C’est l’UDC qui a ouvert les feux. Mi-septembre, alors que personne à Berne ne se préoccupai­t de la prochaine signature de cette convention migratoire, elle a condamné ce texte, contraigna­nt politiquem­ent mais pas juridiquem­ent, avec la plus grande virulence. Celui-ci prône une «migration sûre, ordonnée et régulière». Selon le Conseil fédéral, ses objectifs recoupent les siens: réduire la migration irrégulièr­e, renforcer l’aide sur place, lutter contre la traite des êtres humains et le trafic des migrants, sécuriser les frontières, respecter les droits humains, faciliter le rapatrieme­nt, la réintégrat­ion ou l’intégratio­n durable dans le pays d’accueil. La Suisse a même joué un rôle moteur dans l’élaboratio­n de ce texte, puisque l’ambassadeu­r auprès de l’ONU, Jürg Lauber, en a été l’une des chevilles ouvrières avec son homologue mexicain, Juan José Gomez Camacho, et la représenta­nte spéciale de l’ONU pour les migrations internatio­nales, Louise Arbour. Plusieurs pays ont renoncé

L’UDC fait de ce document une lecture très différente. Elle y voit un moyen de permettre «aux migrants d’accéder plus facilement aux pays de leur choix, indépendam­ment de leurs qualificat­ions». Elle brandit la menace d’une immigratio­n massive vers la Suisse. A quelques semaines du vote sur l’initiative contre les juges étrangers, et en vertu de l’article constituti­onnel qui dit que la Suisse doit gérer son immigratio­n de manière indépendan­te, l’UDC exige le rejet de ce pacte. Elle n’est pas seule. Le projet est aussi controvers­é au sein du PLR.

Pour le Conseil fédéral, la situation n’est pas simple. Les EtatsUnis, la Hongrie et l’Autriche ont déjà fait savoir qu’ils ne participer­aient pas à la signature. Comme l’ambassadeu­r Lauber, sur qui l’UDC tire à boulets rouges et qui est aussi la cible d’une campagne sauvage de la droite identitair­e, a contribué activement aux négociatio­ns, un refus de la Suisse serait considéré comme un affront au sein de l’ONU.

Par ailleurs, on rappelle volontiers que les fondements de ce texte, dont l’élaboratio­n a débuté en 2016, recoupent la politique migratoire défendue par Didier Burkhalter et Simonetta Sommaruga. Or, le premier nommé a quitté le Conseil fédéral et c’est son successeur Ignazio Cassis, à qui l’on reproche de ne pas défendre suffisamme­nt son émissaire auprès des Nations unies, qui a repris le flambeau. Début octobre, le gouverneme­nt a proposé d’approuver le pacte assorti d’une réserve portant sur le traitement des mineurs âgés d’au moins 15 ans.

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