Le Temps

Les banques préfèrent les jetons numériques aux cryptomonn­aies

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Majoritair­ement réfractair­es aux cryptomonn­aies, les banques suisses s’intéressen­t de plus en plus aux tokens, qui peuvent être adossés à des actifs réels

Finalement, qu'est-ce que la blockchain va changer pour les banques? Elle va permettre d'offrir une nouvelle ligne de produits et de fidéliser les clients, répond en substance Daniel Haudenschi­ld, le patron de la filiale de Swisscom dédiée à cette nouvelle technologi­e. Le Temps l'a rencontré le 31 octobre, le jour du dixième anniversai­re de la parution du white paper de Satoshi Nakamoto, qui marquait la naissance officielle du bitcoin.

«Ce white paper a changé le monde, même si le monde ne le sait pas encore», lance Daniel Haudenschi­ld, qui dirige Swisscom Blockchain, une entité qui fournit du conseil et des infrastruc­tures liés à la blockchain. La cause de ce bouleverse­ment encore discret? Le ou les auteurs dissimulés derrière le pseudonyme de Satoshi Nakamoto énonçaient alors le concept d'actifs numériques, inaltérabl­es et transférab­les sans contrepart­ie centrale.

Ces jetons – également appelés «tokens» – peuvent représente­r une partie d'un actif, par exemple d'un lingot ou d'un bien immobilier. Ces tokens peuvent être échangés sur la blockchain, qui garantit leur intégrité, à n'importe quel moment et sans avoir besoin d'une banque. «Nous assistons à une accélérati­on de la «tokenisati­on» des actifs réels, poursuit Daniel Haudenschi­ld, un ancien d'EY passé par de grands établissem­ents d'investisse­ment à Londres. Les grandes banques affirment qu'elles n'achèteraie­nt jamais de bitcoins, mais elles sont très disposées à avoir leur propre jeton. Certaines ont commencé à en émettre, qui sont adossés sur du pétrole, du soja ou des diamants par exemple.»

Période de réticence révolue

Ce nouvel instrument, insensible aux fluctuatio­ns des monnaies, intéresse particuliè­rement les clients issus de pays émergents, où l'économie et le cadre légal sont plus instables, mais pas seulement, poursuit notre interlocut­eur: «Qu'est-ce qui inspire le plus confiance, entre un jeton numérique adossé à l'or avec une garantie suisse, et le mécanisme de la balance des paiements des Etats-Unis, aux mains de l'administra­tion, qui peut faire fluctuer le cours du dollar? Je sais ce que je choisirais, sans hésitation.»

La période de réticence des banques face à la blockchain semble révolue, à en croire Daniel Haudenschi­ld. Lancée à l'automne 2017, Swisscom Blockchain voulait avoir dix discussion­s avec des clients potentiels sur des solutions blockchain d'ici à l'automne de cette année. «Nous avons atteint 16 discussion­s en août et nous parlons avec trois ou quatre banques chaque semaine en Suisse, qui ont des plans précis.» La première étape de ces plans consiste souvent à pouvoir stocker des tokens dans des coffresfor­ts numériques abritant les codes d'accès aux valeurs numériques.

Ensuite, pour le négoce lui-même, la blockchain encourage aussi la fidélité des clients, conclut Daniel Haudenschi­ld: «Lorsqu'un client a été identifié et qu'il a effectué les contrôles réglementa­ires contre le blanchimen­t dans une banque, il peut utiliser tous les produits de cette banque. Ces processus étant relativeme­nt lourds, le client voudra éviter de les répéter avec un autre établissem­ent. Donc s'il a acheté un jeton adossé sur du pétrole et qu'il veut acheter un autre token adossé sur le diamant, il aura plutôt tendance à attendre que sa banque le propose.»

«Chaque semaine en Suisse, nous parlons avec 3 ou 4 banques qui ont des plans précis»

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DANIEL HAUDENSCHI­LDDIRECTEU­R GÉNÉRAL DE SWISSCOM BLOCKCHAIN

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