Zelenka célébré au Festival Bach de Lausanne
Le contre-ténor croate Max Emanuel Cencic a chanté des airs de musique sacrée du compositeur bohémien pour l’ouverture du festival. Il était accompagné par le violoniste grec Dimitris Karantakas et l’ensemble Nuovo Barocco à la cathédrale de Lausanne, à l’acoustique hélas trop diffuse
Contre-ténor à la voix colorée et dynamique, Max Emanuel Cencic a beaucoup chanté à l’Opéra de Lausanne. L’artiste croate était en vedette vendredi soir pour l’ouverture du Festival Bach de Lausanne dans un programme mêlant des oeuvres de Bach et Zelenka. On regrette que ce concert ait eu lieu à la cathédrale. Le public (sauf celui qui était situé à proximité de la scène) n’était pas dans les meilleures conditions pour écouter un concert baroque dans une acoustique qui brasse et disperse le son.
Bach et Zelenka en miroir
Et pourtant, c’était un programme intelligemment composé, avec d’une part des concertos de Bach, d’autre part des pièces instrumentales et airs de musique sacrée de Zelenka (1679-1745). Ce compositeur bohémien, formé à Prague et Vienne, familier de la polyphonie vénitienne, a écrit dans un style italianisant qui était très en vogue à l’époque. Cette musique regorge de couleurs et de timbres.
Constitué de bons musiciens, mené par le violoniste grec Dimitris Karantakas, l’ensemble Nuovo Barocco accuse néanmoins quelques faiblesses. Tempi rapides, voire survoltés: c’est du baroque un peu rock. Prise à vive allure, avec un maximum de punch, la Sinfonia à 8 en la mineur ZWV 189 de Zelenka mériterait d’être mieux équilibrée.
Le violoniste Dimitris Karantakas, leader du groupe Nuovo Barocco, insuffle une fougueuse vitalité à la musique, mais à force de vouloir jouer vite et énergique, son archet paraît un peu strident et acidulé; on relève par ailleurs des écarts de justesse. Le Concerto pour violon en sol mineur BWV 1056R de Bach est abordé dans ce tempo très rapide. On préfère lorsque Dimitris Karantakas joue «dans le rang» aux côtés de la hautboïste Bettina Simon, excellente musicienne pleine de talent: leur Concerto pour violon et hautbois BWV 1060R est une réussite.
Quant au contre-ténor croate Max Emanuel Cencic, il chante ce soir-là avec les partitions sous les yeux, d’où une certaine distance avec le public. Après la Cantate BWV 54 «Widerstehe doch der Sünde» de Bach, trop monochrome, il se montre plus convaincant dans Zelenka. L’air A che riserbano i cieli, de l’oratorio Gesù al Calvario, est une pièce solaire; la section centrale plus lente et mélancolique permet (enfin!) d’apprécier les qualités expressives de Cencic. On se laisse émouvoir par le très beau
Vicina morte con fiero sguardo, d’Il serpente di bronzo, au ton doloriste.
Motet truffé de vocalises
La seconde partie du concert oscille entre mélancolie, climat recueilli et pastoral (l’Agnus dei de la Missa divi Xaverii ZWV 12) et festival de vocalises (le motet pour alto Barbara dira effera ZWV 164) où le contre-ténor multiplie les traits virtuoses entre le grave et l’aigu. On a entendu Max Emanuel Cencic plus dégourdi et incandescent à l’Opéra de Lausanne, mais il reste un chanteur accompli. Très expressive, la musique de Zelenka mériterait d’être plus souvent jouée.