A Londres, la loi du pragmatisme
Il est temps de saluer la ténacité de Theresa May. La première ministre britannique est, certes, encore loin d’avoir remporté son bras de fer domestique sur le Brexit. A Westminster, la locataire du 10, Downing Street devra livrer la mère de toutes les batailles pour faire passer le texte de l’accord technique enfin scellé mercredi entre Londres et Bruxelles. Gare, donc, aux réjouissances hâtives. La perspective d’un divorce incontrôlé n’est pas dissipée dans le brouillard du Channel…
N’empêche, quelle énergie! Et quelle abnégation! A l’heure où, en Suisse, le dossier des relations avec l’Union européenne est mis sous le boisseau, presque considéré comme pestiféré par les politiques et les diplomates, Theresa May a tenu la barre. La tempête a soufflé. Les vagues se fracassent toujours sur le navire naufragé qu’est le Parti conservateur. Mais un mot semble, au final, être bien placé pour l’emporter: le pragmatisme. Les milieux économiques ont été entendus. L’insoluble question irlandaise a obligé à des acrobaties. La période de transition a été contorsionnée. Pour parvenir, à l’arraché, au compromis susceptible d’éviter le grand saut dans le vide institutionnel.
Il ne s’agit pas de comparer les dossiers helvétique et britannique. La Confédération dispose encore du filet de sécurité de sa multitude d’accords bilatéraux avec l’Union européenne. Le pays n’est pas traversé par une profonde crise politique. Mais si le pragmatisme finit par vaincre à Londres, après deux ans de crise et de démissions ministérielles sur fond de mensonges prononcés lors de la campagne victorieuse en faveur du Brexit, le message sera clair: il peut arriver qu’un dirigeant se hisse au-dessus de la mêlée et accepte de prendre tous les coups. Au risque d’être détesté par une partie de la population et exécré par ses compagnons de parti parce qu’il considère le compromis comme indispensable.
La loi du pragmatisme est celle des faits. Celle, précisément, que les brexiters ont foulée aux pieds en clamant que le oui réglerait les problèmes du Royaume-Uni, alors qu’il a mis Londres dos au mur. L’UE, logiquement très prudente et silencieuse, doit maintenant tout faire pour que Theresa May remporte la partie. Cet accord technique pour éviter le chaos du désaccord est la preuve, loin d’être parfaite, que le déni de réalité ne peut pas être une politique viable lorsqu’on est entouré de partenaires commerciaux, financiers et humains appartenant à un même club. S’il devait au final être voté à la Chambre des communes – ce qui est souhaitable pour les deux parties –, osons formuler un voeu: que l’opiniâtre et pragmatique Theresa May vienne un jour expliquer à Berne pourquoi elle n’a pas renoncé.
Il peut arriver qu’un dirigeant se hisse audessus de la mêlée et accepte de prendre tous les coups