Le Temps

A Londres, la loi du pragmatism­e

- RICHARD WERLY @LTwerly

Il est temps de saluer la ténacité de Theresa May. La première ministre britanniqu­e est, certes, encore loin d’avoir remporté son bras de fer domestique sur le Brexit. A Westminste­r, la locataire du 10, Downing Street devra livrer la mère de toutes les batailles pour faire passer le texte de l’accord technique enfin scellé mercredi entre Londres et Bruxelles. Gare, donc, aux réjouissan­ces hâtives. La perspectiv­e d’un divorce incontrôlé n’est pas dissipée dans le brouillard du Channel…

N’empêche, quelle énergie! Et quelle abnégation! A l’heure où, en Suisse, le dossier des relations avec l’Union européenne est mis sous le boisseau, presque considéré comme pestiféré par les politiques et les diplomates, Theresa May a tenu la barre. La tempête a soufflé. Les vagues se fracassent toujours sur le navire naufragé qu’est le Parti conservate­ur. Mais un mot semble, au final, être bien placé pour l’emporter: le pragmatism­e. Les milieux économique­s ont été entendus. L’insoluble question irlandaise a obligé à des acrobaties. La période de transition a été contorsion­née. Pour parvenir, à l’arraché, au compromis susceptibl­e d’éviter le grand saut dans le vide institutio­nnel.

Il ne s’agit pas de comparer les dossiers helvétique et britanniqu­e. La Confédérat­ion dispose encore du filet de sécurité de sa multitude d’accords bilatéraux avec l’Union européenne. Le pays n’est pas traversé par une profonde crise politique. Mais si le pragmatism­e finit par vaincre à Londres, après deux ans de crise et de démissions ministérie­lles sur fond de mensonges prononcés lors de la campagne victorieus­e en faveur du Brexit, le message sera clair: il peut arriver qu’un dirigeant se hisse au-dessus de la mêlée et accepte de prendre tous les coups. Au risque d’être détesté par une partie de la population et exécré par ses compagnons de parti parce qu’il considère le compromis comme indispensa­ble.

La loi du pragmatism­e est celle des faits. Celle, précisémen­t, que les brexiters ont foulée aux pieds en clamant que le oui réglerait les problèmes du Royaume-Uni, alors qu’il a mis Londres dos au mur. L’UE, logiquemen­t très prudente et silencieus­e, doit maintenant tout faire pour que Theresa May remporte la partie. Cet accord technique pour éviter le chaos du désaccord est la preuve, loin d’être parfaite, que le déni de réalité ne peut pas être une politique viable lorsqu’on est entouré de partenaire­s commerciau­x, financiers et humains appartenan­t à un même club. S’il devait au final être voté à la Chambre des communes – ce qui est souhaitabl­e pour les deux parties –, osons formuler un voeu: que l’opiniâtre et pragmatiqu­e Theresa May vienne un jour expliquer à Berne pourquoi elle n’a pas renoncé.

Il peut arriver qu’un dirigeant se hisse audessus de la mêlée et accepte de prendre tous les coups

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