Le Temps

«Il devient trop attractif de défendre les extrêmes»

Candidate à la succession de Doris Leuthard, l’ancienne présidente de Brigue Viola Amherd dit ne pas craindre l’exposition médiatique et estime justifié que l’Arc alpin soit représenté au gouverneme­nt. Le PDC fait son choix vendredi

- PROPOS RECUEILLIS PAR BERNARD WUTHRICH ET BORIS BUSSLINGER, BERNE @BdWuthrich @BorisBussl­inger

Candidate à la succession de Doris Leuthard, la PDC haut-valaisanne Viola Amherd expose au Temps les raisons de son engagement. Elle dit entre autres s’engager, si elle est élue au gouverneme­nt en décembre prochain, à faire respecter les conviction­s du centrisme et les impératifs de la collégiali­té.

«Il est devenu plus attractif de défendre des positions extrêmes que de travailler au centre et de rechercher des compromis»

La démocrate-chrétienne Viola Amherd, 56 ans, est l’une des favorites à la succession de Doris Leuthard. En cette période chargée, elle a reçu Le Temps entre deux rendez-vous pour évoquer son parcours et ses idées.

Quand avez-vous décidé de vous lancer dans la course au Conseil fédéral?

J’y réfléchis depuis le début de l’été. On sentait que Doris Leuthard allait partir avant la fin de la législatur­e. Je n’ai toutefois pris ma décision définitive qu’il y a trois semaines, juste avant mon hospitalis­ation. Je précise que je ne savais pas que j’allais devoir me faire opérer au moment d’annoncer ma décision.

Vous êtes quelqu’un d’assez discret. La fonction de conseiller fédéral exige d’être sous les projecteur­s. Cela vous a-t-il fait hésiter?

Non. C’est vrai que je ne cherche pas la lumière. Je n’ai pas envie d’être tous les jours sur le devant de la scène. Mais lorsque j’ai quelque chose à dire, je n’hésite pas à m’exposer. Cela ne me fait pas peur. J’ai d’ailleurs été habituée à l’exposition médiatique à l’exécutif de Brigue. Ce n’est certes pas le même niveau que le Conseil fédéral, mais il y a quand même un travail de communicat­ion à faire. Cela ne m’est donc pas étranger.

D’où vient votre engagement politique?

J’ai davantage le goût de la chose publique que celui de la politique. Ma famille avait une PME dans le secteur électrique, avec plusieurs filiales en Haut-Valais, qui a employé une centaine de collaborat­eurs. Tous les midis nous discutions de l’entreprise. J’ai toujours donné mon avis. Et comme mon père était membre du PDC, mon engagement pour ce parti allait de soi.

Quelles sont vos passions en dehors de la politique?

J’ai fait beaucoup de tennis. J’ai été classée R3, ce qui est déjà un bon niveau. Mais je n’ai plus vraiment le temps pour ça. J’aime cependant toujours le sport, le ski, les randonnées. J’apprécie aussi de me promener dans la nature.

Votre parcours profession­nel ne compte que trois étapes: Brigue, vos études à l’Université de Fribourg et Berne. N’avez-vous jamais séjourné à l’étranger?

J’ai fait beaucoup de voyages. Après la maturité, j’ai passé un mois à Florence pour améliorer mon italien. J’avais aussi songé à effectuer un semestre à Paris, mais je n’ai jamais réussi à trouver le temps de le faire.

Quelle est pour vous l’importance du «C» du PDC? Quelle place occupe la religion dans votre vie?

Le «C» incarne une valeur chrétienne universell­e: le respect de toutes les personnes et de notre tradition humanitair­e. Je suis catholique et pratiquant­e. Mais je ne vais pas chaque dimanche à la messe et ne partage pas tous les choix faits par l’Eglise catholique. La manière dont elle a géré les abus commis sur des enfants m’a paru problémati­que.

La Suisse orientale et la Suisse centrale revendique­nt le droit d’être représenté­es au Conseil fédéral. Qu’est-ce qui légitime l’élection d’une Haut-Valaisanne?

L’absence de représenta­nts de l’Arc alpin! C’est un facteur important, tout autant que celui d’autres régions du pays.

Vous avez été auditionné­e par la commission de sélection de votre parti. Vous a-t-on interrogée sur d’éventuels obstacles à votre candidatur­e, par exemple le litige civil portant sur une affaire de loyers?

J’ai pris l’initiative de donner spontanéme­nt toutes les informatio­ns à ce sujet. Je suis totalement transparen­te. Je suis en ordre avec ma conscience.

Le climat politique s’est-il durci en Suisse?

Il y a une plus grande polarisati­on que par le passé. Il est devenu plus attractif de défendre des positions extrêmes que de travailler au centre et de rechercher des compromis. Je trouve cela très inquiétant pour l’avenir du pays.

Il y a aujourd’hui un bloc de droite composé de deux PLR et de deux UDC au Conseil fédéral. Est-ce un problème?

Si j’ai la chance d’être élue, je m’engagerai pour que les décisions prises puissent être portées par l’ensemble du collège et pas imposées par un bloc aux autres membres.

Quelle est l’importance d’avoir davantage de femmes au Conseil fédéral?

Les Suissesses constituen­t la moitié de la population. Il est donc normal qu’elles soient représenté­es de manière adéquate au Conseil fédéral. J’ajoute que mon expérience m’a démontré que les femmes sont moins «idéologues», plus aptes à chercher des solutions et des compromis en faisant fi des barrières idéologiqu­es.

Si vous êtes élue au Conseil fédéral, comptez-vous y rester jusqu’à 64 ans, 65 ans, ou au-delà de cet âge?

Je ne sais pas, mais je vois bien que votre question fait référence à l’âge de la retraite des femmes. Je soutiens l’augmentati­on à 65 ans, mais je demande l’égalité salariale en contrepart­ie. De manière générale, je suis pour une certaine flexibilit­é. Si quelqu’un veut travailler plus longtemps, il doit pouvoir le faire.

Soutenez-vous l’idée d’un congé paternité?

Oui. J’aurais préféré une solution de quatre semaines pour le père, mais la réalité politique retiendra probableme­nt plutôt la moitié.

Etes-vous favorable au mariage homosexuel?

Je le soutiens, ainsi que la possibilit­é d’adopter l’enfant de son partenaire. Je m’oppose cependant au recours à des mères porteuses. C’est une question de morale envers la femme qui porte l’enfant.

Vous évoquez souvent les enjeux de la numérisati­on. Que préconisez-vous?

La digitalisa­tion est le grand défi de nos sociétés, avec des opportunit­és et des dangers. J’y suis sensible car je préside l’associatio­n Fibre optique Suisse. J’ai des affinités pour les nouvelles technologi­es depuis mon enfance, grâce à l’entreprise d’électricit­é de mon père. Le Conseil fédéral a déjà beaucoup fait dans le cadre de la stratégie numérique suisse. Toutefois, à l’heure actuelle, j’ai l’impression que chaque départemen­t agit de son côté. Il me paraît indispensa­ble de réunir les forces au sein d’une centrale, dont la nature reste à définir.

Que pensez-vous de la manière dont l’initiative de l’UDC sur l’immigratio­n a été mise en oeuvre?

J’ai soutenu à 100% la position du PDC, qui voulait des règles plus concrètes, plus fortes, et une approche plus régionale. Le parlement n’a pas pris au sérieux le vote du peuple. Il aurait dû en faire davantage.

Les mouvements nationalis­tes progressen­t dans plusieurs pays. Cela vous inquiète-t-il?

Oui, cela m’inquiète de voir de tels mouvements progresser dans certains pays. L’Union européenne est souvent critiquée, mais, depuis sa création, il n’y a pas eu de guerre en Europe occidental­e. C’est un acquis énorme, dont nous n’avons pas toujours conscience. Notre génération a eu beaucoup de chance de vivre cette période. Lors des cérémonies de commémorat­ion de la fin de la Première Guerre mondiale, le président français, Emmanuel Macron, a dit une phrase qui m’est restée en tête: «Le nationalis­me, c’est le contraire du patriotism­e.» Je pense qu’il faut la retenir.

Où se place l’UDC selon vous? Est-ce un parti patriotiqu­e ou nationalis­te?

Les deux courants existent au sein de ce parti. A mon avis, l’initiative sur l’autodéterm­ination est clairement nationalis­te. Je suis aussi une patriote, mais on ne peut pas se refermer sur soi-même sans jamais regarder au-delà de nos frontières. Nous vivons dans un monde globalisé et devons rester ouverts.

 ??  ??
 ?? (MARCO ZANONI / LUNAX) ?? Viola Amherd: «A mon avis, l’initiative sur l’autodéterm­ination est clairement nationalis­te.»
(MARCO ZANONI / LUNAX) Viola Amherd: «A mon avis, l’initiative sur l’autodéterm­ination est clairement nationalis­te.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland