La Suède se cherche en vain un premier ministre
Plus de deux mois après les élections, le candidat de la droite a été recalé par les députés. Le pays est dans l’impasse
«C’est probablement la crise la plus grave vécue par les partis bourgeois depuis quarante ans…» La déconvenue était palpable, mercredi, dans les mots employés par Ulf Kristersson, leader de la droite suédoise. Sa candidature au poste de premier ministre a été refusée par une majorité de députés, une première dans l’histoire du royaume nordique. Cette décision laisse donc la Suède sans gouvernement, deux mois après les élections du 9 septembre.
Dans ce système parlementaire, pourtant, le premier ministre n’a en théorie pas besoin d’avoir un seul vote en sa faveur pour occuper son fauteuil… Il lui suffit de ne pas avoir de majorité contre lui. Une souplesse grâce à laquelle les gouvernements sont généralement formés en quelques jours, et qui leur permet de diriger le pays même en étant minoritaire, grâce au légendaire sens suédois de la concertation. Mais le score record obtenu à l’extrême droite par les Démocrates de Suède – près de 17% – a bouleversé ce fragile équilibre. Comme le résultat très serré de ces dernières élections, qui n’a donné qu’un seul député de plus à la gauche par rapport à la droite, tout en les privant de majorité. «Malgré le temps qui s’est écoulé depuis les élections, les deux blocs sont toujours dans la même impasse», constate Johan Hellström, de l’Université d’Umea.
Contre la marée montante du nationalisme en Europe
La seule décision prise depuis l’élection a été la destitution du premier ministre social-démocrate Stefan Löfven, le 25 septembre dernier. Mais depuis, malgré d’interminables négociations, rien ne bouge. Le nouveau président du parlement, Andreas Norlen, a d’abord donné deux semaines à Ulf Kristersson pour former un gouvernement, puis deux autres semaines à Stefan Löfven, les sociaux-démocrates et leurs alliés étant le plus grand groupe à l’assemblée. Sans succès.
En demandant un vote formel, Andreas Norlen voulait mettre les parlementaires au pied du mur, mais la manoeuvre a échoué. Le Parti libéral et celui du centre, deux formations de droite qui refusent de participer à un gouvernement qui aurait le soutien même tacite de l’extrême droite, n’ont pas soutenu Ulf Kristersson. Pour Annie Lööf, du Parti du centre, le risque que les Démocrates de Suède aient «à donner leur feu vert pour chaque vote du budget» était trop grand. Pour le libéral Jan Björklund, il s’agissait aussi de lutter contre «la marée montante du nationalisme d’extrême droite en Europe, qui est une réaction […] aux idées libérales qui ont construit notre modèle de société occidentale.»
Le président du parlement a annoncé qu’il allait consulter les chefs de parti à partir d’aujourd’hui afin de sortir du blocage. La tâche de former un gouvernement pourrait ainsi revenir à Annie Lööf, qui souhaite réunir autour d’elle une coalition centriste soutenue par les Verts. Mais le temps presse. Si au bout de quatre votes, le Riksdag ne s’accorde pas sur le nom d’un premier ministre, les Suédois n’auront d’autre choix que de retourner aux urnes, au début de l’année prochaine.
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