Le Temps

La nouvelle stratégie agricole ne convainc qu’à moitié

- B. B., BERNE

Le document qui fixe les orientatio­ns agraires à partir de 2022 vise à soutenir l’esprit d’entreprise et à augmenter la capacité d’innovation des paysans. Mais certains aspects laissent ces derniers dubitatifs

Le Conseil fédéral a ouvert ce mercredi la consultati­on sur la Politique agricole suisse 2022-2025. La nouvelle stratégie, épais document de 170 pages, vise à «orienter l’agricultur­e de manière plus cohérente sur le marché, soutenir l’esprit d’entreprise et augmenter la capacité d’innovation des paysans», a déclaré le ministre de l’Economie, Johann Schneider-Ammann. Un an après la levée de boucliers suscitée par une «vue d’ensemble» du gouverneme­nt qui demandait «l’ouverture du marché» et le «démantèlem­ent de la protection douanière», les orientatio­ns contenues dans le nouveau document sont largement plus consensuel­les. Les réactions des milieux concernés demeurent toutefois mitigées.

«Besoin de plus de stabilité»

«Ce qui est à saluer, dit Jacques Bourgeois, le directeur de l’Union suisse des paysans (USP), c’est que le crédit-cadre reste le même.» Similaire à la période 2018-2021, celui-ci est même très légèrement supérieur pour s’établir à 13,915 milliards de francs, soit environ 3,5 milliards de francs par année. «Il est également bon que le Conseil fédéral s’attaque aux produits phytosanit­aires», ajoute le conseiller national (PLR/FR). Le gouverneme­nt helvétique propose en effet d’interdire le recours à de tels moyens s’ils «présentent un risque accru pour l’environnem­ent» et même «d’encourager» à s’en passer complèteme­nt. «Ces politiques répondent à deux initiative­s sur lesquelles nous voterons prochainem­ent, dit le Fribourgeo­is: eau potable propre – qui demande l’arrêt des subvention­s aux exploitati­ons qui utilisent des pesticides – et celle sur l’interdicti­on des pesticides de synthèse.»

L’associatio­n Bio Suisse ne partage toutefois pas son avis. Le label juge au contraire ces réponses aux propositio­ns populaires «timorées et insuffisan­tes» et demande au Conseil fédéral et au parlement de faire preuve de plus de proactivit­é et de développer un contre-projet «courageux». Autre point d’accroche, l’applicatio­n de l’article constituti­onnel sur la sécurité alimentair­e: «Elle demeure lacunaire, critique Jacques Bourgeois, alors qu’elle a été acceptée à près de 80% des votants en 2017, je le rappelle.» Il dénonce également les fréquents changement­s de règles: «Les investisse­ments des paysans se font sur trente ans, nous avons besoin de plus de stabilité.» La propositio­n passe par ailleurs à côté de l’objectif de simplifier l’administra­tion, dit-il. Parmi les critiques du gouverneme­nt, l’UDC a également jugé que le nouveau document «affaibliss­ait» la branche.

La nouvelle stratégie propose en outre de favoriser le bien-être animal, de moderniser le droit foncier rural pour faciliter l’accès au métier, d’uniformise­r le système de protection des indication­s de provenance du vin et de lancer une plateforme web pour faciliter l’échange d’informatio­ns entre profession­nels. Elle suggère encore que deux nouvelles profession­s entrent dans le droit agricole: producteur d’algues et producteur d’insectes.

Proche du départ à la retraite, Johann Schneider-Ammann a toujours répété vouloir «faire quelque chose pour les paysans avant de se retirer». Questionné sur la question de savoir si cette nouvelle stratégie comblait cet espoir, le ministre de l’économie a répondu: «Je pense que oui». La consultati­on court jusqu’à début mars; Ce sera donc son successeur qui pourra lui répondre définitive­ment.

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