Moscou menace de bouder le Forum économique mondial de Davos
Vexé par l’exclusion présumée de trois hommes d’affaires russes, le Kremlin envisage de ne pas envoyer de délégation dans la station grisonne cette année. Derrière l’unité de façade, les sanctions américaines creusent les divergences entre les oligarques et le Kremlin
Tout ou rien. Le gouvernement russe menace de boycotter le Forum de Davos (WEF) en janvier prochain si certains grands patrons russes devaient être interdits de participation. Le premier ministre Dmitri Medvedev fait ainsi monter les enchères alors que la menace de nouvelles sanctions américaines se profile pour les prochaines semaines.
«Personne n’ira là-bas. Attendons de voir», a déclaré un Medvedev défiant mardi soir à la télévision russe, en marge d’un sommet sur la Libye à Palerme. Davos «renierait ses racines» en excluant des hommes d’affaires russes, juge de son côté le porte-parole du Kremlin. Ce serait la première fois qu’une délégation boycotterait le prestigieux rendez-vous annuel de l’élite internationale. Le Forum de Davos est assidûment fréquenté par les barons de l’économie russe, avides d’y nouer de nouveaux contacts.
Le Financial Times avait avancé la semaine dernière que les milliardaires russes Oleg Deripaska, Viktor Vekselberg et le directeur de la banque d’Etat VTB Andreï Kostine avaient été placés sur une liste noire les empêchant de participer à Davos. Le résultat de pressions américaines, estimait alors le quotidien britannique. Le WEF s’est refusé à tout commentaire, a indiqué mercredi l’agence AFP.
En avril de cette année, les trois hommes d’affaires ont en effet été placés par Washington sur une liste noire de cent individus interdits d’entrée sur le territoire américain et avec lesquels les citoyens américains se voient défendus d’entretenir des liens d’affaires.
Divisions entre milliardaires et pouvoir russes
La solidarité affichée du Kremlin avec les milliardaires permet de masquer les divisions existantes sur la politique étrangère russe, qui nuit aux affaires d’innombrables entreprises et à l’économie russe dans son ensemble. L’un des objectifs des sanctions américaines, imposées à cause d’interférences supposées dans les élections américaines et de l’annexion de la Crimée, est précisément de peser sur le monde des affaires, pour que ses représentants tentent à leur tour d’infléchir la politique de puissance choisie par Vladimir Poutine.
Pourtant, en dépit des sanctions et de la réticence croissante des banques occidentales à travailler avec les grandes fortunes russes, leur nombre continue de croître. La Russie compte cette année cinq milliardaires de plus (75 au total) qu’en 2017, selon un rapport de Credit Suisse publié fin octobre. La banque souligne que l’inégalité de la répartition des richesses continue de se creuser en Russie, puisque les 10% les plus riches détiennent 82% des richesses. Soit un des niveaux les plus élevés du monde, supérieur à celui des Etats-Unis (76%).
Fuite des capitaux triplée
Les disparités sociales accentuées, ajoutées à une stagnation de l’économie et à la détérioration des relations entre Moscou et l’Occident, ravivent un sentiment d’insécurité parmi les possédants. Ce qui se traduit par une nouvelle envolée de la fuite des capitaux. La Banque centrale de Russie a annoncé lundi que quelque 42 milliards de dollars devraient avoir quitté le pays cette année, soit trois fois plus qu’en 2017.
L’économiste en chef à la banque d’Etat russe VEB Andreï Klepatch, cité par l’agence Interfax, estime lui que ce chiffre pourrait dépasser les 60 milliards de dollars à la fin de l’année. Ceci en dépit des efforts déployés par le Kremlin pour obliger les grandes fortunes à rapatrier leurs capitaux.
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