Mirjana Spoljaric dans les hautes sphères onusiennes
Longtemps cheffe de la division ONU et organisations internationales du DFAE, la diplomate suisse, qui a le multilatéralisme chevillé au corps, a accédé à sa fonction de numéro deux du PNUD à la mi-octobre
«Je n’ai jamais eu une aussi belle vue.» Ex-cheffe de la division Nations unies et organisations internationales du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), Mirjana Spoljaric ne parle pas de Berne où elle a longtemps travaillé, mais de son nouveau bureau au 16e étage du Palais de verre, le siège des Nations unies à New York.
Depuis la mi-octobre, elle occupe l’un des postes les plus prestigieux jamais occupés par un diplomate suisse au sein de l’ONU. Promue directrice du Bureau régional pour l’Europe et la Communauté des Etats indépendants, numéro deux du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), elle a conscience des défis que le SudEst européen, le Caucase et l’Asie centrale doivent relever.
«Ces pays ont un bon niveau moyen de développement et un capital humain important. Mais ils sont parcourus par de fortes inégalités sociales. C’est un risque sécuritaire, relève celle qui occupe aussi le rang de secrétaire générale adjointe de l’ONU. Il y a aussi des progrès à faire en matière d’égalité de genre. Dans certains pays, on a même fait des pas en arrière par rapport à l’URSS où les femmes étaient mieux intégrées dans le marché du travail qu’aujourd’hui.» Mirjana Spoljaric souligne que l’emploi est également une vive préoccupation. Selon elle, la région dont elle est responsable recense des pays où seuls 20% des jeunes ont un emploi de qualité et où 40% des hommes en âge de travailler partent pour aller trouver un travail ailleurs.
«Au bon endroit au bon moment»
Ces défis ne l’effraient pas. Cette Bâloise, née en Croatie où elle n’a vécu que les deux premières années de sa vie, est convaincue d’être au bon endroit au bon moment. Avec son agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable (ODD), l’approche du développement à l’ONU est en train de connaître une révolution. «Il n’y a rien de plus intéressant pour une diplomate suisse que d’être au coeur de ces discussions», admet cette titulaire d’une maîtrise en philosophie, en économie et en droit international des universités de Bâle et de Genève.
Mirjana Spoljaric voit aussi un fort potentiel dans les pays dont elle va s’occuper. Elle rappelle que la Biélorussie a réussi à baisser considérablement son taux de pauvreté au cours de la dernière décennie. La Moldavie, elle, compte une population jeune très «agile» et acquise à la révolution numérique. Elle songe déjà à un vaste programme de voitures électriques. En Bosnie-Herzégovine, le PNUD est en train d’aider à mettre en place une plateforme permettant au pays de se connecter directement avec les 2 millions de Bosniens de la diaspora répartis dans une cinquantaine de pays et générateurs de revenus pour leur pays d’origine.
Miroir du monde
Mirjana Spoljaric n’a pas été promue au PNUD par hasard. La Suisse est le sixième plus grand contributeur au budget régulier de l’agence onusienne et le deuxième plus important pour la région Europe du Sud-Est, Caucase et Asie centrale. La diplomate arrive pourtant sur les bords de l’East River à un moment étrange où le multilatéralisme est battu en brèche par plusieurs Etats dont les Etats-Unis. Mais il lui en faut plus pour être ébranlée. Entrée dans la diplomatie en 2000, elle sera dès l’adhésion de la Suisse à l’ONU en 2002 parmi les architectes de la politique onusienne de la Confédération.
Ayant aussi travaillé pour le commissaire général de l’UNRWA, l’agence d’aide aux Palestiniens pendant le Printemps arabe, elle a le multilatéralisme chevillé au corps. La Genève internationale, où elle va venir régulièrement, a un rôle fondamental à jouer. «C’est ici qu’on protège la propriété intellectuelle, essentielle si l’on veut accélérer l’innovation.» Si elle reconnaît la faillite des grandes puissances dans le dossier syrien, elle réfute la critique sans nuance des Nations unies. «L’ONU n’est que le miroir du monde.» Elle attache une grande importance à la Charte de l’ONU, un document précieux qu’il serait risqué d’amender, car «je ne crois pas qu’on puisse encore créer une Constitution moralement aussi forte que la Charte.»
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