Si la neige ne revenait pas
Parce qu’elle promène sur les routes de montagne sa caravane de funambules et de trompe-la-mort, la Coupe du monde de ski alpin est surnommée le Cirque blanc. Serat-elle bientôt aussi anachronique que l’est au XXIe siècle le spectacle d’animaux en cage? La question revient à chaque automne avec plus d’insistance. Le réchauffement climatique n’est plus une menace mais une réalité que plus grand monde ne conteste.
Face à ce constat, la solution radicale consiste à démonter le chapiteau. Oublier la neige, le ski, les sports d’hiver. C’est le sens profond du vote de la population de Calgary, qui s’est prononcé mardi à 56% contre une candidature à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver en 2026, comme avant elle les habitants de Sion et les responsables politiques de Graz et de Sapporo.
Au lieu d’investir dans des remontepentes, les stations de moyenne montagne cherchent désormais à faire descendre les pistes, l’été, à des cyclistes. Elles travaillent à la mutation économique qui s’annonce et s’équipent en VTT, vélos électriques, pistes cyclables. Swiss Tourisme communique à l’étranger sur les beautés de nos vertes montagnes tandis que Verbier, réputée pour ses installations de ski, compte déjà plus de 800 km de pistes et sentiers dédiés au VTT.
Il y a toujours moins de neige et de glaciers, toujours plus de courses annulées, et toujours plus d’artifices chimiques pour que le spectacle continue. Les skieurs sont aux premières loges pour constater cette débâcle (au sens propre). Ce sont, pour la plupart, des montagnards, des gens élevés au contact direct de la nature. Ils en ont longtemps éprouvé la dureté; ils en découvrent la fragilité. Plusieurs d’entre eux, dont la championne olympique Michelle Gisin, militent désormais pour une Coupe du monde plus responsable. Ils proposent notamment de décaler d’un bon mois la saison, de réduire les déplacements inutiles, de favoriser les stations écoresponsables.
Les fédérations nationales, subventionnées par l’industrie du tourisme, seraient bien inspirées de suivre leurs traces. Si les stations suisses ne se sont jamais aussi bien portées qu’après le triomphe de Crans-Montana en 1987, l’effet inverse de repoussoir est tout autant possible. Une longue langue blanche posée sur un tapis marron ne fait peut-être pas peur à tout le monde, elle ne fait en tout cas envie à personne.
Les skieurs sont aux premières loges pour constater la débâcle