Angela Merkel face à la colère de Chemnitz
Trois mois après les incidents racistes qui ont terni l’image de la ville, la chancelière est allée vendredi à la rencontre de sa population. On est loin d’une réconciliation
On est loin du retour à la normale à Chemnitz. Trois mois après la mort d’un Allemand de 35 ans – poignardé par des réfugiés syrien et irakien selon l’enquête toujours en cours – et les incidents racistes qui ont suivi, la chancelière Angela Merkel s’est rendue dans la ville devenue le symbole d’une ex-RDA abandonnée par son élite universitaire et livrée à l’extrême droite aux yeux de la majorité des Allemands de l’ouest du pays. Un contexte très dur: les agressions contre des étrangers – des restaurants juifs, iraniens et turcs ont notamment été attaqués – se sont poursuivies depuis que l’endroit a disparu du radar médiatique.
L’ombre de l’AfD
Pendant deux heures, Angela Merkel a répondu aux questions des lecteurs du quotidien régional conservateur Freie Presse. Toutes ou presque portent sur sa politique migratoire. Plusieurs des «lecteurs inquiets» ont tourné le dos au parti chrétien-démocrate de la chancelière, accusée d’avoir ouvert les frontières du pays à une immigration incontrôlée en 2015. «Madame Merkel, quand allez-vous quitter le pouvoir?» l’interroge un retraité de 61 ans, «excédé» par l’immigration. «J’ai voté pour la CDU pendant des années, pour Helmut Kohl et même pour vous. Mais pas en 2017. Je ne peux plus voter pour vous après ce que vous avez fait avec les réfugiés.» «Vous avez prétendu qu’on y arriverait, mais on n’y arrivera pas», assène un autre, rondouillard, la cinquantaine, au lourd accent saxon. L’ombre du parti d’extrême droite AfD plane sur la salle.
Dans la salle, quantité des citoyens venus à la rencontre d’Angela Merkel ont adopté le jargon de ce parti anti-européen devenu anti-migrants et anti-islam. «Pour moi, l’islam n’est pas une religion, mais une façon de voir le monde qui cherche à opprimer les femmes», s’insurge une habitante, disant «avoir peur pour ses enfants et ses petits-enfants face à tous ces hommes seuls venus du monde arabe, qui ne veulent pas s’intégrer et ne cherchent pas à apprendre notre langue».
Face à ce déferlement d’angoisses, Angela Merkel a quelques difficultés à trouver le ton juste. Elle promet d’abord de contribuer au développement des infrastructures dans la région, avant de botter en touche face à la remarque d’un ancien nageur de l’ex-RDA, rappelant que «les préoccupations des gens ne sont pas du côté des transports mais de la criminalité». Sur les questions migratoires, Angela Merkel concède avoir commis des erreurs mais «pas en 2015». «Nous avons fait des erreurs en amont, en ne faisant pas suffisamment pour lutter contre les causes des migrations.» Applaudissements parsemés dans une salle qui visiblement ne croit plus en sa chancelière. Jusqu’à la crise migratoire, la Saxe était acquise à la CDU.
«Si j’avais une arme»
Dehors, à quelques centaines de mètres de la salle qui abrite le débat, l’extrême droite occupe le terrain. Plusieurs mouvements protestataires comme Pro Chemnitz, qui avait organisé les manifestations racistes du mois d’août, ont appelé à un rassemblement anti-Merkel. Des néonazis connus, des représentants du courant «identitaire» et du mouvement anti-islam Pegida figurent dans la foule. Les manifestants entonnent un refrain du chansonnier Jürgen von der Lippe, «si j’avais une arme…». Panique dans les rangs de la police qui, s’attendant à des débordements, avait déployé un dispositif impressionnant paralysant une partie du centre-ville.
«Nous avons transmis le texte au procureur de Chemnitz, qui vient de déclarer le texte non problématique. Nous n’intervenons donc pas», tweete la police saxonne… A Chemnitz, on est décidément loin du retour à la normale.
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