Le risque de dictature technologique
Peut-on payer cher un salopard pour solde de tout compte? Peut-on pactiser avec le diable? Peut-on violer la confiance donnée? Peut-on attaquer un innocent pour éviter d’assumer ses propres fautes? Quatre fois oui!
C’est en tout cas ce que pensent Facebook et Google. Les deux géants ont donné de nombreux exemples, ces dernières semaines, de comportements déviants. Le temps dira si la loi est bafouée mais la morale est déjà foulée aux pieds. Ainsi, Google a pris la mauvaise habitude de payer cher des cadres accusés de harcèlement sexuel. Avec cette pratique, les entreprises de la tech se débarrassent facilement d’un problème, mais n’ont aucun égard pour les victimes.
Le même Google, qui promettait de ne pas faire le mal, s’est illustré en souhaitant travailler avec le Pentagone. Ce n’est pas encore le diable mais la chose militaire fait mauvais ménage avec l’esprit hippie qui prévalait à la création de ce qui n’était alors qu’un moteur de recherche. La firme a dû reculer face à la fronde de ses collaborateurs. Mais cet esprit s’est évaporé cette semaine avec l’intégration des données de sa filiale DeepMind. Cette dernière, fondée à Londres, travaillait étroitement avec le service de santé britannique en collectant les données des patients. Celles-ci sont désormais la propriété d’Alphabet, maison mère de l’ensemble, malgré les promesses formulées il y a deux ans par le cofondateur de DeepMind que ce ne serait jamais le cas.
Le sommet de la mauvaise foi vient cette semaine de Facebook: une enquête du New York Times démontre que le réseau social a organisé une attaque en règle contre George Soros pour dévier l’attention sur des fautes lourdes commises par Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg.
Cet état de dislocation morale devient plus que préoccupant. Il témoigne d’une manière de faire que ne peuvent plus se permettre d’anciennes start-up devenues des géants capables de pénétrer l’intimité de leurs milliards de clients. Si le XXe siècle a été celui des idéologies qui ont mené au nazisme et au communisme, le XXIe peut devenir celui où naîtra une dictature technologique.
Restent, pour contrer ces pratiques, les enquêtes des journalistes et le courage des employés de ces compagnies dont s’extraira probablement un futur Snowden. Aujourd’hui encore, l’inaction des gouvernements et des législateurs est patente. Il y a urgence à agir car, comme le souligne le patron d’Open Society Foundation, soutenue par George Soros: «[Ces] méthodes menacent les valeurs fondamentales qui soutiennent notre démocratie.»
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