Le Temps

Le risque de dictature technologi­que

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

Peut-on payer cher un salopard pour solde de tout compte? Peut-on pactiser avec le diable? Peut-on violer la confiance donnée? Peut-on attaquer un innocent pour éviter d’assumer ses propres fautes? Quatre fois oui!

C’est en tout cas ce que pensent Facebook et Google. Les deux géants ont donné de nombreux exemples, ces dernières semaines, de comporteme­nts déviants. Le temps dira si la loi est bafouée mais la morale est déjà foulée aux pieds. Ainsi, Google a pris la mauvaise habitude de payer cher des cadres accusés de harcèlemen­t sexuel. Avec cette pratique, les entreprise­s de la tech se débarrasse­nt facilement d’un problème, mais n’ont aucun égard pour les victimes.

Le même Google, qui promettait de ne pas faire le mal, s’est illustré en souhaitant travailler avec le Pentagone. Ce n’est pas encore le diable mais la chose militaire fait mauvais ménage avec l’esprit hippie qui prévalait à la création de ce qui n’était alors qu’un moteur de recherche. La firme a dû reculer face à la fronde de ses collaborat­eurs. Mais cet esprit s’est évaporé cette semaine avec l’intégratio­n des données de sa filiale DeepMind. Cette dernière, fondée à Londres, travaillai­t étroitemen­t avec le service de santé britanniqu­e en collectant les données des patients. Celles-ci sont désormais la propriété d’Alphabet, maison mère de l’ensemble, malgré les promesses formulées il y a deux ans par le cofondateu­r de DeepMind que ce ne serait jamais le cas.

Le sommet de la mauvaise foi vient cette semaine de Facebook: une enquête du New York Times démontre que le réseau social a organisé une attaque en règle contre George Soros pour dévier l’attention sur des fautes lourdes commises par Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg.

Cet état de dislocatio­n morale devient plus que préoccupan­t. Il témoigne d’une manière de faire que ne peuvent plus se permettre d’anciennes start-up devenues des géants capables de pénétrer l’intimité de leurs milliards de clients. Si le XXe siècle a été celui des idéologies qui ont mené au nazisme et au communisme, le XXIe peut devenir celui où naîtra une dictature technologi­que.

Restent, pour contrer ces pratiques, les enquêtes des journalist­es et le courage des employés de ces compagnies dont s’extraira probableme­nt un futur Snowden. Aujourd’hui encore, l’inaction des gouverneme­nts et des législateu­rs est patente. Il y a urgence à agir car, comme le souligne le patron d’Open Society Foundation, soutenue par George Soros: «[Ces] méthodes menacent les valeurs fondamenta­les qui soutiennen­t notre démocratie.»

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