Le Temps

Des cryptofran­cs pour rassurer les investisse­urs

Plusieurs start-up ont créé des cryptomonn­aies basées sur le franc pour assurer une meilleure stabilité que le bitcoin, dont les cours restent volatils. La BNS garde un oeil, mais ne veut pas donner l’impression d’y être associée

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine COLLABORAT­ION: SÉBASTIEN RUCHE

C’est la nouvelle cryptotend­ance: les stablecoin­s (monnaies numériques stables). Par opposition au bitcoin et autres cryptomonn­aies, dont les cours fluctuent de façon spectacula­ire, cet autre genre de cryptodevi­ses est adossé à des monnaies fiduciaire­s considérée­s comme stables.

Il existe déjà plusieurs centaines de stablecoin­s, dans diverses monnaies, créées par des particulie­rs ou des banques, la plus connue et la plus utilisée étant le TetherUSD. Pour faire simple, l’entreprise qui l’a lancée assure que chaque tether (ou jeton) vaut un dollar. Le cours varie en fonction de celui du billet vert dont il est une représenta­tion numérique sur la blockchain. Désormais, le franc suisse aura lui aussi ses cryptorépl­iques. Trois sociétés basées dans le canton de Zoug ont annoncé ou lancé des projets depuis fin octobre.

Accélérer les applicatio­ns

Les formes peuvent différer, chacune des solutions étant sensibleme­nt différente dans sa conception et son fonctionne­ment, mais le but recherché est le même: faire disparaîtr­e la volatilité, qui complique le paiement des services liés à la blockchain, et ajoute un élément de risque. Beaucoup s’intéressen­t à cette dernière, mais ils sont rebutés par les fluctuatio­ns des cryptomonn­aies, explique Armin Schmid, directeur général de Swiss Crypto Tokens. Cette filiale de Bitcoin Suisse vient de lancer le XCHF, qui devrait «aider à l’adoption plus large de la blockchain» et qui a été créée via l’émission d’une obligation sur la blockchain ethereum.

Swiss Crypto Tokens n’est pas seule. Smart Valor a annoncé qu’elle lancerait le CHFt l’an prochain. Cette autre société zougoise construit une place de marché décentrali­sée pour les investisse­ments «tokénisés», c’est-à-dire dont la propriété est enregistré­e sur la blockchain et échangeabl­e sous forme de jetons (tokens). Le CHFt devra servir de «boost de confiance». «Etre basée sur le franc permettra à cette cryptomonn­aie d’éviter les craintes liées à la volatilité des monnaies et pourra être utilisée comme un moyen de paiement ou de transfert d’argent simple», explique Peter Ruchat, responsabl­e financier de Smart Valor.

En outre, cette monnaie fonctionne­ra via des partenaria­ts avec des banques et d’autres acteurs. «En construisa­nt un réseau d’émetteurs indépendan­ts du stablecoin en franc suisse, nous nous assurons que la faillite d’un seul émetteur ne conduise pas à celle du CHFt puisqu’il sera accepté par tout le réseau», explique Olga Feldmeier, sa fondatrice et directrice. Le coin devrait être lancé d’ici au deuxième trimestre de 2019.

Rockz est arrivé quelques jours plus tard et devrait être lancé avant la fin de l’année. Les détenteurs de bitcoins peuvent vendre leurs cryptomonn­aies et acheter des rockz, dont la valeur est adossée à celle du franc. En pratique, détenir un rockz revient à détenir un droit sur des francs. «A travers notre stablecoin, nous utilisons la blockchain pour offrir un compte en francs à des clients qui veulent un instrument de réserve de valeur et du Swiss made», résume Yassine Ben Hamida, le fondateur d’Alprockz.

L’entreprise zougoise vise l’Asie, mais aussi les pays sans accès généralisé aux services bancaires ou souffrant d’une forte inflation. «Des partenaria­ts avec des opérateurs téléphoniq­ues sont également prévus, afin de permettre l’achat d’actifs plus stables depuis un téléphone mobile», poursuit l’ancien banquier passé par UBS, Credit Suisse et Julius Bär. Comme la monnaie scriptural­e

Qu’en dit la Banque nationale suisse (BNS)? Surtout qu’elle ne souhaite pas être associée à ces projets et donner l’impression qu’elle soutient ces monnaies comme c’est son rôle pour le franc. «Le public ne doit pas avoir l’impression qu’une institutio­n étatique – et notamment la banque centrale – se tient derrière la cryptomonn­aie concernée. Les émetteurs de stablecoin­s, qui visent un cours fixe par rapport au franc, ont euxmêmes la responsabi­lité de tenir cet engagement», affirme un porte-parole.

Pour l’heure, l’institutio­n juge que «les cryptomonn­aies rattachées au franc constituen­t jusqu’ici un phénomène marginal». Elles «représente­nt une créance vis-à-vis de l’émetteur, et non vis-à-vis de la BNS, malgré le rattacheme­nt à notre monnaie. C’est pourquoi elles sont comparable­s, selon la forme qui leur est donnée, à un dépôt auprès d’une banque, et donc à de la monnaie scriptural­e.» Pour la banque centrale, «les questions que soulèvent les stablecoin­s ont donc trait avant tout à la protection des investisse­urs et des consommate­urs, comme c’est le cas pour les cryptomonn­aies non rattachées à une monnaie officielle».

«Le public ne doit pas avoir l’impression que la BNS se tient derrière la cryptomonn­aie concernée»

UN PORTE-PAROLE DE LA BNS

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland