Le Temps

Brexit: le chaos n’est pas la solution

- RICHARD WERLY @LTwerly

Theresa May n’a pas encore abdiqué. Contre tous les pronostics, la première ministre britanniqu­e semble continuer de croire à un dénouement positif pour le projet d’accord sur le Brexit, que les Européens devraient valider ce dimanche lors de leur sommet spécial à Bruxelles.

Sa stratégie est simple à résumer: aussi byzantin, complexe et laborieux soit-il, ce texte négocié à l’arraché est, selon elle, le meilleur des remparts contre le chaos institutio­nnel et économique qui résulterai­t d’un non-accord. Pour reprendre l’un des termes souvent utilisés dans la négociatio­n sur le cas de l’Irlande du Nord, ce texte est, pour la locataire du 10 Downing Street, un backstop: un filet de sécurité qui empêche le RoyaumeUni et l’Union européenne (UE) de tomber dans le précipice d’un vide juridique inédit.

Le problème est qu’il est facile, très facile, de démonter cet accord qui pourrait être présenté à la Chambre des communes aux alentours du 10 décembre. A dire vrai, le projet de traité de 585 pages, trois protocoles et de nombreuses annexes, est… illisible pour le commun des citoyens. La ques- tion cruciale de la surveillan­ce de son applicatio­n par une com- mission paritaire – coprésidée par un commissair­e européen et un ministre britanniqu­e – donne en plus l’impression que rien ne sera vraiment acquis après le départ du Royaume-Uni de l’Union, le 30 mars 2019.

Les brexiters ont dès lors beau jeu de savonner la planche à cette première ministre qu’ils considèren­t comme une traîtresse à la cause du divorce net avec le continent qu’ils appelaient de leur vote. Une charge que la presse tabloïd britanniqu­e, violemment anti-européenne, mène déjà sabre au clair en se moquant d’un texte dont le résultat ferait du Royaume-Uni, de mars 2019 à juillet 2020, un vrai-faux pays tiers. Hors de l’UE certes, mais avec des marges de manoeuvre restreinte­s.

Il faut pourtant redire ici l’enjeu. Car l’oublier revient à nier l’essentiel: il est nécessaire de préserver la stabilité économique et une relation prévisible entre Londres et les 27 pays membres de l’UE. Qui, par exemple, peut affirmer que la campagne électorale en cas de second référendum sur le Brexit ne sera pas encore plus caricatura­le et incendiair­e? Qui peut croire que l’absence d’accord restera un scénario à dommages limités? Qui peut imaginer, même si cela est théoriquem­ent possible en cas de rejet du Brexit par un second vote, un retour sans conséquenc­es du Royaume-Uni dans l’UE?

En ces temps troublés, une réponse s’impose à tous: le chaos n’est pas la solution.

Un accord très facile à démonter

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