Sueurs froides pour les chercheurs
L’UE met une fois de plus la place scientifique suisse sous haute pression en la classant dans la dernière catégorie des pays associés à son programme de recherche
Est-ce un cauchemar qui recommence pour les chercheurs suisses? Toujours est-il que la Suisse risque d’être rétrogradée au niveau des Etats tiers de l’UE, soit celui du Canada et de l’Australie, mais aussi des îles Féroé, dans le prochain programme européen, qui s’étendra de 2021 à 2027. Pour la deuxième fois en quatre ans, la place scientifique suisse est prise au piège d’une situation politique tendue.
A la suite du premier paquet d’accords bilatéraux incluant la recherche, la Suisse et l’UE ont vécu une idylle sans nuage dans ce domaine. Les deux parties étaient même prêtes à signer la participation de la Suisse au programme Horizon 2020 lorsque le peuple a approuvé l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse», dont on n’avait pas mesuré toutes les conséquences. Durant six mois, les hautes écoles suisses ont été exclues du programme européen, avant d’y être réintégrées partiellement jusqu’en 2016, puis pleinement depuis 2017.
Crédit pour la Suisse en baisse
Les statistiques reflètent éloquemment cette période de tensions. Alors qu’avant la votation la Suisse pouvait se targuer d’afficher un retour sur investissement positif, ce n’est plus le cas dans le cadre d’Horizon 2020. D’un programme à l’autre, les financements accordés ont baissé de 4,3 à 3,5%. La contribution de la Suisse a été supérieure de 70 millions aux crédits qui ont été décrochés par ses hautes écoles.
Cette tendance n’est pas près de s’inverser après la décision de la commission ad hoc (ITRE) du Parlement européen de rétrograder la Suisse. «Nous sommes une victime collatérale du Brexit», déplore Kathy Riklin (PDC/ZH), membre de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-N). Celle-ci revient de Bruxelles, où elle a pu prendre la température. La Suisse n’y a plus beaucoup d’amis. «Mais nous sommes aussi coresponsables de cette situation. Si nous étions membres de l’EEE ou si nous avions déjà conclu un accord institutionnel avec l’UE, nous n’aurions pas de tels problèmes», concède-telle.
Victime collatérale du Brexit
Plusieurs sources confirment que la Suisse souffre d’abord du divorce entre l’UE et le Royaume-Uni. Pour ne pas créer de précédent, la Commission a placé les deux pays dans la même catégorie, soit la dernière. Mais l’impasse dans laquelle se trouve le dossier institutionnel a aussi joué un rôle, même si c’est un non-dit à Bruxelles. Voici trois ans, la Commission avait lié la réintégration de la Suisse à Horizon 2020 au paraphe de l’extension à la Croatie de l’accord sur la libre circulation des personnes. Dans la même logique, elle pourrait exiger de la Suisse qu’elle finalise l’accord-cadre pour retrouver son statut initial dans le domaine de la recherche.
Dans les milieux scientifiques, on veut rester optimiste. La Commission et le Parlement ne sont pas les seuls acteurs du dossier: «Attendons que la discussion arrive au Conseil des ministres, qui semble être plus positif vis-à-vis de la Suisse», espère Olivier Küttel, délégué aux affaires internationales à l’EPFL. Nouvelle période d’incertitude
Il n’empêche, une nouvelle période d’incertitude s’ouvre pour la place scientifique. «Si cette situation devait se poursuivre, elle pourrait déboucher sur une perte d’attractivité pour la place scientifique et technologique suisse», avertit pour sa part Christophe Ballif, directeur du centre de photovoltaïque du CSEM et professeur à l’EPFL. Ses équipes participent actuellement à deux projets européens en matière d’énergie solaire portant sur des crédits de 8 et 3 millions.
Ce jeudi, Bruxelles a tenté de rassurer la Suisse en démentant toute rétrogradation du pays dans le prochain programme «Horizon Europe». «Rien n’a changé. Ce programme est ouvert à tous les Etats tiers ayant de bonnes performances scientifiques», a assuré une porte-parole. Sans expliquer pourquoi Bruxelles avait placé le Royaume-Uni et la Suisse dans la même catégorie, soit la toute dernière.
▅
tLe PS a présenté sa nouvelle feuille de route économique pour la prochaine décennie. Reste à savoir si les Jeunes socialistes, très à gauche, et la branche réformiste du parti, plutôt centriste, accepteront eux aussi cette vision.