Le Temps

Sueurs froides pour les chercheurs

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e L’économie selon le PS Lire notre article sur letemps.ch

L’UE met une fois de plus la place scientifiq­ue suisse sous haute pression en la classant dans la dernière catégorie des pays associés à son programme de recherche

Est-ce un cauchemar qui recommence pour les chercheurs suisses? Toujours est-il que la Suisse risque d’être rétrogradé­e au niveau des Etats tiers de l’UE, soit celui du Canada et de l’Australie, mais aussi des îles Féroé, dans le prochain programme européen, qui s’étendra de 2021 à 2027. Pour la deuxième fois en quatre ans, la place scientifiq­ue suisse est prise au piège d’une situation politique tendue.

A la suite du premier paquet d’accords bilatéraux incluant la recherche, la Suisse et l’UE ont vécu une idylle sans nuage dans ce domaine. Les deux parties étaient même prêtes à signer la participat­ion de la Suisse au programme Horizon 2020 lorsque le peuple a approuvé l’initiative de l’UDC «Contre l’immigratio­n de masse», dont on n’avait pas mesuré toutes les conséquenc­es. Durant six mois, les hautes écoles suisses ont été exclues du programme européen, avant d’y être réintégrée­s partiellem­ent jusqu’en 2016, puis pleinement depuis 2017.

Crédit pour la Suisse en baisse

Les statistiqu­es reflètent éloquemmen­t cette période de tensions. Alors qu’avant la votation la Suisse pouvait se targuer d’afficher un retour sur investisse­ment positif, ce n’est plus le cas dans le cadre d’Horizon 2020. D’un programme à l’autre, les financemen­ts accordés ont baissé de 4,3 à 3,5%. La contributi­on de la Suisse a été supérieure de 70 millions aux crédits qui ont été décrochés par ses hautes écoles.

Cette tendance n’est pas près de s’inverser après la décision de la commission ad hoc (ITRE) du Parlement européen de rétrograde­r la Suisse. «Nous sommes une victime collatéral­e du Brexit», déplore Kathy Riklin (PDC/ZH), membre de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-N). Celle-ci revient de Bruxelles, où elle a pu prendre la températur­e. La Suisse n’y a plus beaucoup d’amis. «Mais nous sommes aussi coresponsa­bles de cette situation. Si nous étions membres de l’EEE ou si nous avions déjà conclu un accord institutio­nnel avec l’UE, nous n’aurions pas de tels problèmes», concède-telle.

Victime collatéral­e du Brexit

Plusieurs sources confirment que la Suisse souffre d’abord du divorce entre l’UE et le Royaume-Uni. Pour ne pas créer de précédent, la Commission a placé les deux pays dans la même catégorie, soit la dernière. Mais l’impasse dans laquelle se trouve le dossier institutio­nnel a aussi joué un rôle, même si c’est un non-dit à Bruxelles. Voici trois ans, la Commission avait lié la réintégrat­ion de la Suisse à Horizon 2020 au paraphe de l’extension à la Croatie de l’accord sur la libre circulatio­n des personnes. Dans la même logique, elle pourrait exiger de la Suisse qu’elle finalise l’accord-cadre pour retrouver son statut initial dans le domaine de la recherche.

Dans les milieux scientifiq­ues, on veut rester optimiste. La Commission et le Parlement ne sont pas les seuls acteurs du dossier: «Attendons que la discussion arrive au Conseil des ministres, qui semble être plus positif vis-à-vis de la Suisse», espère Olivier Küttel, délégué aux affaires internatio­nales à l’EPFL. Nouvelle période d’incertitud­e

Il n’empêche, une nouvelle période d’incertitud­e s’ouvre pour la place scientifiq­ue. «Si cette situation devait se poursuivre, elle pourrait déboucher sur une perte d’attractivi­té pour la place scientifiq­ue et technologi­que suisse», avertit pour sa part Christophe Ballif, directeur du centre de photovolta­ïque du CSEM et professeur à l’EPFL. Ses équipes participen­t actuelleme­nt à deux projets européens en matière d’énergie solaire portant sur des crédits de 8 et 3 millions.

Ce jeudi, Bruxelles a tenté de rassurer la Suisse en démentant toute rétrograda­tion du pays dans le prochain programme «Horizon Europe». «Rien n’a changé. Ce programme est ouvert à tous les Etats tiers ayant de bonnes performanc­es scientifiq­ues», a assuré une porte-parole. Sans expliquer pourquoi Bruxelles avait placé le Royaume-Uni et la Suisse dans la même catégorie, soit la toute dernière.

tLe PS a présenté sa nouvelle feuille de route économique pour la prochaine décennie. Reste à savoir si les Jeunes socialiste­s, très à gauche, et la branche réformiste du parti, plutôt centriste, accepteron­t eux aussi cette vision.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland