Le Temps

Les gares seront les «malls» de demain

Les enseignes ont joué des coudes pour avoir une surface dans la future gare des Eaux-Vives. Dans une branche en crise, cette galerie en plein centre de Genève, offrant des horaires étendus, réunit les ingrédient­s du succès, selon les observateu­rs

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h Once d’or/dollar

tElle a été pensée comme un écrin. Surmontée de grandes verrières puisant la lumière vers l’intérieur, sertie de murs végétalisé­s, elle verra se dresser de hautes vitrines de son sol en pierre naturelle, devant lesquelles devraient passer chaque jour plus de 50000 personnes. Pas étonnant que tant d’enseignes – Credit Suisse est l’une des dernières à s’être annoncées – se soient disputé leur place dans la galerie commercial­e de la future gare des Eaux-Vives de la ligne Cornavin-Annemasse (CEVA): elles étaient une soixantain­e de candidates à l’appel d’offres des CFF, pour une vingtaine de surfaces disponible­s. «Nous nous sommes investis, nous voulions absolument être insérés dans ce quartier et participer à son évolution», confie le porte-parole de Credit Suisse, Jean-Paul Darbellay.

Cet engouement traduit une tendance de fond des détaillant­s à regagner les centres-villes, sur fond de crise liée au commerce en ligne et au tourisme d’achat. «L’époque des gros entrepôts métallique­s en périphérie, où l’on va faire ses courses en voiture, est révolue», observe Nicolas Inglard, directeur du cabinet de conseil pour le commerce Imadeo. En témoigne la volonté d’Ikea de développer des enseignes dans les centres-villes d’une trentaine de mégalopole­s: il s’agit d’être «plus pratique et abordable pour un plus grand nombre de personnes», soulignait le géant suédois de l’ameublemen­t dans son communiqué diffusé mercredi. Ikea avait d’ailleurs déjà tenté l’expérience au centre de Zurich, avec l’ouverture d’un pop-up store (magasin éphémère), tout près de la gare centrale. «Les magasins reviennent où ils n’étaient plus, pour faire partie intégrante du paysage quotidien du consommate­ur», poursuit Nicolas Inglard. Un pays de pendulaire­s

Historique­ment, le lieu de rencontre, c’était la place du village. Aujourd’hui, dans un contexte de mobilité accrue, ce sont les gares qui font office de noeuds d’échange. Selon les dernières données de l’Office fédéral de la statistiqu­e, neuf travailleu­rs sur dix sont des pendulaire­s, ce qui représente 3,9 millions de personnes (chiffres de 2016). Et 17% d’entre eux utilisent le train, contre 12% au début des années 2000. La part grimpe à 41% pour les personnes en formation.

Les chiffres d’affaires des commerces dans les cinq principale­s gares de Suisse (Bâle SBB, Berne, Genève Cornavin, Lucerne et Zurich HB) sont éloquents: ils totalisent 1,108 milliard de francs en 2017, contre 945 millions en 2010, la plus grande part provenant de l’alimentair­e (38%) et de la restaurati­on (22%), selon l’institut GfK. Alors que, dans l’ensemble, les chiffres d’affaires des centres commerciau­x traditionn­els tendent à baisser (–1,1% en 2017). A titre de comparaiso­n, à Cornavin, le chiffre d’affaires par mètre carré atteint 24774 francs, «Le Temps» et la Comédie se sont associés pour raconter le chantier du nouveau théâtre, dans le quartier de la gare des Eaux-Vives. Retrouvez tous les articles sur le site: https:// comedie202­0. letemps.ch soit plus du double de Plainpalai­s centre (10131 francs) et près de trois fois celui du centre commercial La Praille (8890 francs). Plus de 200 millions de francs de recettes

«Outre le fait de se trouver sur le trajet du consommate­ur, les gares bénéficien­t d’horaires d’ouverture étendus», note encore Nicolas Inglard. Pour les CFF, c’est la panacée. Bien que représenta­nt une petite part du produit d’exploitati­on de plus 9,4 milliards de francs des CFF, les galeries commercial­es rapportent gros: sur les 487 millions de francs de revenus locatifs externes encaissés par l’ex-régie fédérale l’an dernier (un chiffre en hausse de 6,2% sur un an), 44% provenaien­t des détaillant­s, gastronomi­e incluse, soit 214,3 millions.

«La clé du succès réside dans le bon mix», selon les termes d’Olivier Fargeon, responsabl­e immobilier auprès des CFF. Soit «un équilibre entre une offre en restaurati­on variée, des magasins dits de convenienc­e [de dépannage, ndlr], un peu de textile, tout en assurant un ancrage local avec des enseignes connues des habitants», poursuit-il. Pour cette gare, les CFF ont aménagé un espace dévolu à un des pop-up stores. Elle servirait de modèle pour réagencer les galeries qui fonctionne­nt moins bien.

La spécificit­é culturelle

La cerise sur le gâteau, c’est la présence de la nouvelle Comédie, souligne Nicolas Inglard. «Elle donnera une personnali­té à cette galerie commercial­e», dont l’offre se révèle somme toute assez classique – de la restaurati­on rapide, du café, une pharmacie, un fleuriste, un kiosque, une librairie et un supermarch­é. «Le théâtre donne la plus-value culturelle qui caractéris­e Genève et la présence de la Fnac vient compléter cette offre, avec de la musique et du multimédia», poursuit le spécialist­e. «C’est primordial, à l’heure où les centres commerciau­x doivent se démarquer.»

Une soixantain­e d’enseignes ont répondu à l’appel d’offres des CFF pour une surface dans la galerie, qui verra défiler chaque jour 50 000 personnes.

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(CFF) Le Temps de la Comédie

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