3% d’emmerdeurs…
A l’heure où l’agilité et l’adaptation rapide aux circonstances devraient être la norme, un bon nombre d’entreprises et d’organisations se sclérosent et se rigidifient par la mise en place de procédures et de règles qui visent à imposer aux acteurs une manière de faire. Si dans certains secteurs elles sont majoritairement imposées par des régulateurs externes, dans la fonction publique elles répondent à un souci de transparence et de traçabilité, dans le but de pouvoir tout justifier.
Mais globalement, ce carcan n’existe que pour cadrer une petite minorité de gens qui aurait tendance à agir de manière inappropriée. Prenons un exemple au hasard: si un de vos managers «confond» sa carte de crédit personnelle avec celle de l’entreprise, est-ce lié à une absence de règle qui l’interdit ou juste à un comportement malhonnête? Cette tendance à l’hyper-régulation est également la conséquence de notre rapport au risque, qui a beaucoup évolué ces dernières années et qu’on souhaite systématiquement réduire au minimum. La compliance est la maladie du siècle, le pouvoir donné à ceux qui contrôlent au détriment de ceux qui produisent, qui créent de la valeur.
Cette volonté d’imposer une manière d’agir aux collaboratrices et collaborateurs n’est pas nouvelle, elle avait été analysée et décrite par un célèbre professeur du Massachusetts Institute of Technology, Douglas McGregor (19061964). Il identifiait deux types d’entreprises, l’entreprise X, qui part du principe que l’individu est fondamentalement mauvais, fainéant, et qu’il ne travaille correctement que sous la contrainte. Dans ce contexte, on fait plus confiance à l’organisation qu’à l’homme et on impose les comportements professionnels par des cahiers des charges précis, des procédures strictes et des règles impératives. Cette philosophie tayloriste est bien de retour aujourd’hui, mais si elle donne l’illusion de maîtriser les risques, elle en génère d’autres plus inquiétants. Par exemple, les personnes de talent sont très souvent allergiques à ces organisations liberticides, ces dernières n’attirent donc plutôt que des seconds couteaux.
De plus, comme le premier facteur de motivation est l’appropriation de la tâche, la volonté de faire les choses comme on veut, le niveau d’engagement est comparable à celui des pâquerettes. Dans une perspective à 180°, les entreprises de type Y pensent plutôt que le travailleur est digne de confiance, qu’il cherche à bien faire s’il est dans un environnement propice et qu’il est capable de trouver lui-même les bonnes solutions aux problèmes posés. C’est cette conviction qui soustend la tendance actuelle aux entreprises libérées. Finalement, pendant combien de siècles les hommes ont-ils vécu avec pour seules règles les six commandements divins liés aux relations entre eux?
Plutôt que de fixer trop de règles, développons notre culture d’entreprise. En travaillant sur les valeurs de l’organisation et en les déclinant en comportements opérationnels, nous sommes capables de gérer l’environnement par une simple autorégulation entre des acteurs qui y trouvent du sens. Il est généralement admis que seuls 3% environ des gens ont tendance à sortir du cadre. Cela justifie-t-il une rigidification de l’environnement de travail? Il est grand temps de renforcer sa culture et son courage managérial, pour proposer aux emmerdeurs d’aller sévir ailleurs!
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