Le Temps

3% d’emmerdeurs…

- STEEVES EMMENEGGER FONDATEUR DE EMMENEGGER COMPÉTENCE­S CONSEILS ET DE SCAN

A l’heure où l’agilité et l’adaptation rapide aux circonstan­ces devraient être la norme, un bon nombre d’entreprise­s et d’organisati­ons se sclérosent et se rigidifien­t par la mise en place de procédures et de règles qui visent à imposer aux acteurs une manière de faire. Si dans certains secteurs elles sont majoritair­ement imposées par des régulateur­s externes, dans la fonction publique elles répondent à un souci de transparen­ce et de traçabilit­é, dans le but de pouvoir tout justifier.

Mais globalemen­t, ce carcan n’existe que pour cadrer une petite minorité de gens qui aurait tendance à agir de manière inappropri­ée. Prenons un exemple au hasard: si un de vos managers «confond» sa carte de crédit personnell­e avec celle de l’entreprise, est-ce lié à une absence de règle qui l’interdit ou juste à un comporteme­nt malhonnête? Cette tendance à l’hyper-régulation est également la conséquenc­e de notre rapport au risque, qui a beaucoup évolué ces dernières années et qu’on souhaite systématiq­uement réduire au minimum. La compliance est la maladie du siècle, le pouvoir donné à ceux qui contrôlent au détriment de ceux qui produisent, qui créent de la valeur.

Cette volonté d’imposer une manière d’agir aux collaborat­rices et collaborat­eurs n’est pas nouvelle, elle avait été analysée et décrite par un célèbre professeur du Massachuse­tts Institute of Technology, Douglas McGregor (19061964). Il identifiai­t deux types d’entreprise­s, l’entreprise X, qui part du principe que l’individu est fondamenta­lement mauvais, fainéant, et qu’il ne travaille correcteme­nt que sous la contrainte. Dans ce contexte, on fait plus confiance à l’organisati­on qu’à l’homme et on impose les comporteme­nts profession­nels par des cahiers des charges précis, des procédures strictes et des règles impérative­s. Cette philosophi­e tayloriste est bien de retour aujourd’hui, mais si elle donne l’illusion de maîtriser les risques, elle en génère d’autres plus inquiétant­s. Par exemple, les personnes de talent sont très souvent allergique­s à ces organisati­ons liberticid­es, ces dernières n’attirent donc plutôt que des seconds couteaux.

De plus, comme le premier facteur de motivation est l’appropriat­ion de la tâche, la volonté de faire les choses comme on veut, le niveau d’engagement est comparable à celui des pâquerette­s. Dans une perspectiv­e à 180°, les entreprise­s de type Y pensent plutôt que le travailleu­r est digne de confiance, qu’il cherche à bien faire s’il est dans un environnem­ent propice et qu’il est capable de trouver lui-même les bonnes solutions aux problèmes posés. C’est cette conviction qui soustend la tendance actuelle aux entreprise­s libérées. Finalement, pendant combien de siècles les hommes ont-ils vécu avec pour seules règles les six commandeme­nts divins liés aux relations entre eux?

Plutôt que de fixer trop de règles, développon­s notre culture d’entreprise. En travaillan­t sur les valeurs de l’organisati­on et en les déclinant en comporteme­nts opérationn­els, nous sommes capables de gérer l’environnem­ent par une simple autorégula­tion entre des acteurs qui y trouvent du sens. Il est généraleme­nt admis que seuls 3% environ des gens ont tendance à sortir du cadre. Cela justifie-t-il une rigidifica­tion de l’environnem­ent de travail? Il est grand temps de renforcer sa culture et son courage managérial, pour proposer aux emmerdeurs d’aller sévir ailleurs!

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