Le Bach lumineux de Raphaël Pichon
Le jeune chef français, âgé de 34 ans, a dirigé trois «Cantates» couplées à deux oeuvres de Stravinski à la Salle Métropole de Lausanne. Un concert de l’OCL donné avec l’Ensemble vocal de Lausanne
Il est devenu rare – à l’époque des ensembles baroques – d’entendre l’Orchestre de chambre de Lausanne dans des oeuvres de Bach. Encore faut-il un chef capable d’insuffler l’esprit de cette musique aux musiciens. Autrefois petit chanteur à la Maîtrise de Versailles, Raphaël Pichon connaît son Bach. Lundi et mardi soir, il dirigeait trois Cantates couplées à des oeuvres de Stravinski à la Salle Métropole de Lausanne.
Plutôt que de vouloir transformer l’OCL en ensemble «baroque», le chef français s’adapte aux instruments modernes. Sa pulsation très mobile, assortie de subtils crescendos et decrescendos, permet d’animer le discours de l’intérieur. La hautboïste Nora Cismondi (conviée parmi les musiciens solistes) développe un jeu plein d’expressivité dans la Cantate BWV 131. On citera aussi le premier violoncelle solo Joël Marosi et le flûtiste Jean-Luc Sperissen, même si tous les musiciens solistes ne sont pas pareillement à l’aise dans l’idiome baroque. Transparence des voix
Préparé par son directeur artistique Daniel Reuss, l’Ensemble vocal de Lausanne (EVL) brille par la transparence des voix et l’équilibre des registres. Seul bémol: on regrette une certaine prudence – par souci de chanter juste? – là où les élans pourraient être plus vifs. Cela dit, ce style un peu janséniste a l’avantage de mettre au premier plan les instruments dans les Variations canoniques pour choeur et orchestre de Stravinski. Cette transcription, d’après l’oeuvre homonyme pour orgue de Bach, est d’une grande difficulté. Malgré quelques flottements, les musiciens mettent en relief les savants jeux de contrepoint.
Des ténèbres à la lumière
Les trois Cantates de Bach couvrent un large spectre, entre rutilance instrumentale (BWV 190 et BWV 191) et déploration intérieure (BWV 131). Les voix solistes (le baryton Tomas Kral, le ténor Robin Tritschler, la soprano Joanne Lunn, le contre-ténor William Howard Shelton) sont d’une grande éloquence. Le dialogue entre solistes et choeur (parfois à l’arrière-plan dans les séquences en cantus firmus) est équilibré, avec des passages en récitatifs accompagnés qui rappellent l’univers des Passions de Bach. La Cantate BWV 191, chantée sur un texte en latin, regorge de lumière.
Quant à la Symphonie de Psaumes de Stravinski, on regrette que l’arrangement pour choeur et piano à quatre mains de Chostakovitch ne restitue pas toute la grandeur – et le mystère – de la version originale. C’est un peu monochrome. Cela dit, les pianistes Pierre-Fabien Roubaty et Céline Latour Monnier jouent très bien, l’émotion affleurant dans la dernière partie de l’oeuvre grâce aux voix de l’EVL. Un concert réussi.
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